« Il existe une francophonie naissante, véritablement volontaire »

Installée à Kuala Lumpur et Lauréate du Trophée Alumni des Lycées français du monde 2025, Pom Madendjian est aussi la créatrice du Festival des auteurs francophones en Malaisie et rédactrice en chef de La Gazette, le seul journal français en Malaisie. Enfant de parents expatriés, elle a grandi dans plusieurs pays, et fréquenté de nombreux lycées français. Aujourd’hui, elle s’engage pour la promotion de la francophonie en Asie du Sud-Est. L’ASFE revient sur son parcours.

Pom Madendjian, vous êtes lauréate Trophée Alumni des Lycées Français du monde 2025, fondatrice du Festival des auteurs francophones en Malaisie et rédactrice en cheffe de la Gazette à Kuala Lumpur. Pouvez-vous nous retracer les grandes étapes de votre parcours ?

Oui, le Petit Journal et le jury ont vraiment été très généreux avec moi ces derniers mois et je les en remercie du fond du cœur. Merci également à l’AEFE sponsor officiel de ce trophée. 

Enfant d’expatriés de ma naissance à mes 18 ans (Arabie Saoudite, Yemen, Vanuatu, Luxembourg et Liban) j’ai grandi et formé ma personnalité dans un environnement international.

Diplômée de Sciences Po Strasbourg, d’un DESS trilingue de communication et coopération (anglais, allemand, arabe) et d’un Master en marketing des industries du luxe, j’ai travaillé une dizaine d’années dans la publicité et les médias (Groupes Publicis et Lagardère) en France avant de repartir en expatriation il y a 12 ans. J’ai cette fois appréhendé l’expérience sous un prisme d’adulte, en tant que conjointe accompagnante, situation dans laquelle la redéfinition de soi, l’adaptabilité, le renouvellement et l’innovation professionnelle sont des éléments essentiels de la réussite personnelle. Au Mexique j’ai édité mon premier roman, en Afrique du Sud j’ai lancé mon agence de voyages culturels. Notre passage aux Philippines a surtout été marqué par le COVID. Au Vietnam j’ai fondé le premier salon du livre francophone. Comme vous l’avez souligné, je suis aussi assez active en Malaisie où nous somme installés depuis 3 ans. 

Vous avez été scolarisée dans plusieurs établissements du réseau AEFE. Que retenez-vous de cette expérience ? En quoi cette diversité de parcours éducatif vous a-t-elle influencée dans vos choix et engagements actuels ? 

En réalité, j’ai fait la totalité de ma scolarité dans les lycées français de l’étranger, 4 en tout : je suis un pur produit de l’AEFE !

Je retiens évidement une formation de qualité, qui m’a permis d’accéder à de grandes écoles ensuite. Mais aussi de la continuité : une ligne solide, un système rassurant auquel s’accrocher, lorsqu’enfant ou adolescent, tout change tout le temps autour de soi. Je n’oublie pas non plus les rencontres interculturelles qui constituent un solide réseau divers et riche de ses différences. 

Il est évident que cet environnement a façonné mon gout pour l’altérité, la diversité culturelle et mes choix professionnels. 

Qu’est-ce qui vous a motivée à créer le Festival des auteurs francophones en Malaisie ? En quoi est-ce important, selon vous, de promouvoir la Francophonie en Asie du Sud-Est ? Ressentez-vous un besoin ou une attente particulière de la part des communautés francophones et/ou malaisiennes ?

Lorsque je suis arrivée à Kuala Lumpur j’ai – sans réelle surprise – réalisé qu’il n’existait pas de librairie française officielle. La question des livres en français sur les réseaux sociaux de la communauté francophone revient d’ailleurs souvent. 

De fait la Malaisie et la France ne partagent quasiment aucune histoire commune. Pourtant, si l’on ne compte pas le chinois et l’anglais qui sont des langues « internes » au pays, le français est la seconde langue étrangère la plus enseignée derrière le Japonais. En plus des 3000 français installés dans le pays, et des 5000 internationaux francophones, on estime à 15 000 le nombre d’apprenants en français ici. Soit plus de 20 000 locuteurs en tout. 

La Malaisie est d’ailleurs depuis cette année, le pays de la région qui délivre le plus de certificats DELF, qui sanctionnent officiellement, l’apprentissage du Français langue Étrangère. On peut saluer le magnifique travail du Service d’Action Culturelle de l’Ambassade de France et de tous les professeurs de français malaisiens qui travaillent main dans la main et font un travail remarquable. 

Je considère qu’il faut encourager ces initiatives qui – rappelons-le – renforcent sur le long terme l’écosystème francophone culturel, politique et économique régional : quand on parle la même langue et que l’on partage des valeurs communes, on fait plus facilement du business ensemble et on s’entend plus aisément. 

Voilà ce qui m’a poussée à entreprendre ce projet il y a deux ans. 

Que ce soit pour des raisons géopolitiques, parce que la francophonie est peut-être moins bienvenue en ce moment dans d’autres régions du monde où elle l’a longtemps été, le Sud-Est asiatique semble important en ce moment. Ça n’est pas pour rien que le prochain Sommet de la francophonie aura lieu au Cambodge l’année prochaine, la première fois en Asie depuis près de 30 ans. 

Étonnamment, il existe en effet une francophonie naissante, véritablement volontaire, qui fleurit un peu comme des fleurs en plein désert. Beaucoup de gens ici ont un vrai goût pour la langue française, l’envie sincère de l’apprendre, non pas parce que c’est obligatoire à l’école, mais par choix. Ils sont intéressés par les valeurs françaises et notre art de vivre. 

La deuxième édition du Festival des auteurs francophones en Malaisie s’est tenue le 23 mars dernier. Quels ont été les temps forts de cette édition ? Quels retours avez-vous reçus ? Avez-vous déjà des projets ou de nouvelles idées pour l’édition 2026 ?

Absolument ! Un joli succès avec un festival qui s’est déroulé cette année sur 3 jours et dans 3 lieux différents (notamment l’Alliance Française de Kuala Lumpur que nous remercions pour son accueil et le lycée français le LFKL). Nous avons reçu 1 700 visiteurs au total et enregistré +10% de livres vendus par rapport à l’année dernière. 27 auteurs ont fait le déplacement pour venir à la rencontre de leur audience en Malaisie.

Les temps forts ont été la remise des prix des plus beaux pantouns (sorte de petits poèmes typiquement malaisiens) par le spécialiste français du sujet, Georges Voisset, venu spécialement pour l’occasion, mais aussi l’interview de Wilfried N’Sondé notre invité d’honneur (17 prix littéraires).

Globalement, le public était ravi, comme l’année précédente, de cette journée culturelle gratuite offerte à la communauté. Les sponsors et partenaires, sans qui cela ne pourrait pas exister, également. Pour 2026, nous faisons de notre mieux pour maintenir l’événement ! Plus d’information dans les mois à venir. 

Comment sélectionnez-vous les auteurs invités au festival ? Cherchez-vous à mettre en avant certains thèmes ou profils en particulier ? 

Cette année nos auteurs ont été sélectionnés selon plusieurs filtres différents. 

Naturellement, tous les auteurs (plus de 350) déja membres du réseau Rencontre des Auteurs Francophone ont été les bienvenus. Quatre d’entre eux ont fait le déplacement.

Ensuite, nous avions pour cette édition fixé le thème des « animaux de Malaisie », pour lequel nous avons recherché des auteurs correspondants. Bien évidemment, le lien avec la Malaisie, même minimal, était aussi souhaité. Nous avons tant que possible également voulu inviter des auteurs primés. 8 des 27 étaient cette année détenteurs d’au moins un prix littéraire.  

Selon vous, en quoi la Francophonie peut-elle être un vecteur d’ouverture, de dialogue interculturel, voire d’innovation aujourd’hui ?

Un vecteur d’ouverture et de dialogue, bien évidemment, de par les valeurs fondamentales que le français véhicule, notamment. 

Pour ce qui est de l’innovation, que ce soit pour le format ou sur le fond, TV5 Monde ou RFI sont de beaux exemple de ce travail quotidien autour de la francophonie. De nombreux projets locaux, transcontinentaux, en zone rurale ou autour du développement durable, en Afrique et partout dans le monde, par exemple, méritent aussi d’être mis en lumière. De même pour les les incubateurs culturels ou les réseaux de jeunes artistes francophones. 

Quels conseils donneriez-vous à de jeunes alumni du réseau AEFE qui souhaitent, comme vous, s’impliquer dans des projets culturels à l’international ?

Je dirais qu’il est d’abord important de comprendre que ce « secteur » ou celle « filière » disposent de très peu de budgets, qui vont en s’amenuisant ces dernières années. Qu’il est donc assez difficile d’en vivre correctement ! 

Pour ceux qui souhaitent malgré tout persister je conseille des formations adaptées. Je pense aux IEP, à l’INALCO, aux universités disposant de master en métiers de la culture comme à la Sorbonne, à Lyon ou à Avignon par exemple, l’ICART, l’IESA art et culture ou l’Université Paris 8 peuvent aussi être une option.

Il faut aussi envisager des stages ou VIE dans les services de coopération et d’action culturelle des ambassades à l’étranger, dans les Alliances françaises ou les instituts français. Naturellement, il s’agit de penser aussi aux services concernés de l’État, à l’OIF et aux institutions culturelles mondiales comme l’AUF ou à l’ONU, ainsi qu’aux fondations privées. 

Pom Madendjian – Lauréate du Trophée Alumni des Lycées français du monde 2025

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