« Cette élection a été perçue comme un grand changement pour le pays »

Gustavo Petro, ancien maire de Bogota et sénateur de l’opposition, a remporté les élections présidentielles du 19 juin dernier en Colombie. Il s’agit d’une victoire historique : Gustavo Petro, avec 50.44% des suffrages, est le premier président de gauche du pays, tandis que Mme. Francia Márquez est devenue la première femme d’origine afro-américaine à occuper le poste de vice-présidente. Dans un pays de plus en plus polarisé, la tâche qui attend le nouveau président est immense.  L’ASFE revient sur cette élection historique avec le témoignage de M. Cyril Martiquet, Conseiller des Français de Colombie.

Cette élection s’est déroulée dans un contexte de crise profonde dans le pays, après la pandémie, une sévère récession, des manifestations antigouvernementales, et la violence accrue des groupes armés dans les campagnes. Comment a-t-elle été vécue par les Français de Colombie ?

Les élections se sont bien déroulées et ont été, je pense une source d’intérêt importante, voire d’espoir pour beaucoup. Jusqu’à présent ces élections étaient très polarisées, avec la présence de Gustavo Petro d’un côté et de l’autre les candidats de l’ex président Uribe, ou pour être plus précis de son parti politique « Centro Democratico »

Sachant qu’il n’y avait pas de candidat officiel du « Centro Democratico », les élections se sont automatiquement dépolarisées.

Par ailleurs, une candidature un peu différente, atypique est apparue, celle de Rodolfo Hernandez, ancien maire de la ville de Bucaramanga, entrepreneur, et rattaché à aucun parti politique.

De quelle manière la victoire de Gustavo Petro est-elle perçue par les Français de Colombie ?

De manière incontestable, cette élection a été perçue comme un grand changement pour le pays. La Colombie n’avait jamais été à gauche. La nature du changement au-delà des annonces de campagne bien évidemment, n’était pas très claire au lendemain de l’élection, mais les deux premiers mois nous donnent déjà des indications intéressantes.

À votre avis, quelles seront les conséquences des politiques de la coalition de gauche au pouvoir ?

Les conséquences commencent déjà à se voir sur un certain nombre de sujets :

  • Politique agricole, sous plusieurs aspects :
    • Redistribution des terres détenues par une entité qui s’appelle la SAE. Ex-Actifs de narcotrafiquants saisis par l’Etat ;
    • Mise en place d´une véritable industrie. Le Gouvernement ne souhaite plus que la Colombie soit uniquement un exportateur de matières premières mais aussi de produits finis.
  • Energies renouvelables et filière de production d´hydrogène ;
  • Négociation de ce qu´ils appellent la « Paix total » avec tous les groupes qui opèrent en marge de la loi ;
  • Réforme fiscale ;
  • Aides sociales pour les jeunes et les personnes âgées ;
  • Projets d´infrastructures.

Ce qui se passe actuellement est passionnant.

Quels sont les problèmes qui touchent les ressortissants étrangers, et notamment français, en Colombie ?

De ce que je peux voir tous les jours la principale difficulté est économique. Le tourisme et la restauration ont été particulièrement touchés par la crise, et beaucoup de Français travaillent dans ces secteurs.

En plus du sujet économique, nous observons beaucoup de difficultés quant aux renouvellement de visas. De nouvelles règles ont été décidées par le précèdent Gouvernement et seront mises en vigueur durant le mois d’octobre. Pour certains cas, ces nouvelles règles ne faciliteront en rien l’obtention de visas.

Le contexte sanitaire des deux dernières années a durement affecté les entreprises françaises en Colombie, notamment celles de l’industrie touristique. Quelles ont été les mesures dont les Français de Colombie ont pu bénéficier pour face à la crise sanitaire ? Quelles sont les attentes des ressortissants français envers le nouveau gouvernement par rapport à la relance économique post-pandémie ?

Les seules aides dont ont pu bénéficier nos compatriotes de la part de l´Etat français, sont les aides Covid.

Les sociétés créées localement par des entrepreneurs français ne sont pas considérées comme des entreprises françaises, par conséquent il n’y avait aucune autre aide spécifique de la part du gouvernement français.

Le gouvernement colombien a mis en place plusieurs mesures dont les Français ont pu bénéficier, comme l’interdiction d’expulsion du logement, la possibilité de ne pas avoir à rembourser ses crédits pendant plusieurs mois,…

Je pense que les ressortissants français, très nombreux dans les secteurs du tourisme et de la restauration, souhaitent au plus vite une réactivation de l’activité touristique, et celle-ci va se faire naturellement. L’un des facteurs qui pourrait participer à la réactivation du tourisme est la lente dévaluation du peso colombien même si l’inflation est très forte, mais la Colombie n’est pas le seul pays concerné.

Compte tenu de l’attrait de la Colombie d’un point de vue touristique, le gouvernement colombien pourrait avoir intérêt à mettre en place des avantages fiscaux importants dans ce secteur, comme cela avait été le cas dans le passé.

Avez-vous quelque chose à rajouter ?

Tout changement politique de cette ampleur génère de l´incertitude, mais je pense que c´est un moment très intéressant pour la Colombie et que la France peut avoir un rôle fantastique à jouer.

La France, au travers de ses entreprises, est d’ailleurs le premier employeur étranger du pays.

Le Président Gustavo Petro est une personne particulièrement brillante, et il en est de même des personnes qui l’entourent, du moins ceux que je connais et avec qui j’ai la chance d´échanger régulièrement.

Dans les prochains mois nous saurons un peu plus à quoi nous en tenir, mais je reste très optimiste quant à l’avenir de ce merveilleux pays.

Cyril Martiquet, Conseiller des Français de l’étranger en Colombie.

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