Lundi 13 octobre 2025, deux années après la funeste date du 7 octobre, les otages israéliens encore vivants ont été libérés par le Hamas, dans le cadre de la première partie du plan de paix négocié par Donald Trump.
Nous avons demandé à Pascale Mimouni, Conseillère des Français de Tel Aviv, sa perception sur les événements des derniers jours.
Vous représentez la communauté française en Israël. Vous vivez à Tel Aviv. Pouvez-vous nous dire comment vous avez vécu les jours précédant le 13 octobre ?
Les jours qui ont précédé le 13 octobre ont été d’une intensité rare. C’était comme un souffle bloqué depuis deux ans, suspendu entre l’espoir et la peur. Chacun vivait dans l’attente, sans oser y croire vraiment. Dans tout le pays, un silence s’était installé, lourd, presque sacré. Et puis, lorsque les premiers otages ont été vus libres, ce souffle s’est libéré. Ce n’était pas la paix, mais une respiration retrouvée. Une bouffée de vie après une longue apnée.
Comment les Israéliens vivent-ils le retour des otages ?
C’est une joie mêlée de douleur. Le pays se réjouit, mais il pleure aussi. Les familles retrouvent leurs proches, mais les blessures sont profondes. Beaucoup savent que la libération physique n’est qu’une première étape : la seconde, plus difficile, sera celle du cœur et de l’esprit. Tout un peuple a été pris en otage pendant ces deux années. La société entière porte désormais cette cicatrice. Il faudra du temps, du soutien, et beaucoup d’amour pour guérir.
Mais il y a aussi une note d’espoir. On sent qu’une page se tourne – pas encore vers la paix, mais vers une forme de vérité retrouvée. Et peut-être aussi, une chance pour le peuple palestinien lui-même. Car avant le 7 octobre, Gaza vivait sous le joug d’un régime qui avait étouffé toute liberté humaine. Le Hamas avait pris le pouvoir non pas par un véritable choix démocratique, mais par la peur. Les habitants avaient voté sous la menace, contraints par la terreur. Ce régime avait interdit la musique, muselé les femmes, persécuté les homosexuels, et confisqué toute liberté de penser ou d’aimer.
Aujourd’hui, peut-être, avec l’effondrement de cette tyrannie, Gaza pourra retrouver ses droits de l’homme, son humanité, sa culture, son souffle. Et j’espère sincèrement qu’aucun pays au monde ne revivra ce que Gaza a subi : l’élection forcée de dirigeants terroristes imposés par la peur. On ne devrait jamais voir des armes remplacer le vote, ni la terreur dicter la politique.
L’opinion publique israélienne est-elle en train de changer ?
Oui, profondément. Cette épreuve a rapproché les Israéliens. Une unité nouvelle s’est installée. Dans les rues, les cafés, les écoles, on le sent : les gens se parlent, se soutiennent, se reconnaissent. Malgré la douleur et les critiques venues de l’extérieur, Israël s’est redressé avec une fierté tranquille. Le pays a tenu grâce à sa jeunesse, à sa foi, à sa volonté de vivre, et sans doute à quelques miracles. Cette solidarité, cette fraternité, c’est une force que peu de nations connaissent.
Pensez-vous que la paix soit possible ?
Oui, mais la paix doit s’appuyer sur la réalité. Elle a déjà existé : des générations de Juifs et d’Arabes ont vécu ensemble, au Maroc, en Tunisie, en Égypte, dans le respect et la coexistence. Pourquoi serait-elle impossible ici ? En Israël, plus de deux millions d’Arabes vivent aux côtés des Juifs. Ils sont médecins, enseignants, ingénieurs, policiers. Nous partageons les mêmes lieux de travail, les mêmes hôpitaux, les mêmes plages.
Israël n’est pas un pays d’apartheid, c’est tout le contraire : un pays d’ouverture, de diversité, de mélange. Mais la paix véritable ne pourra venir qu’avec ceux qui rejettent la haine, le fanatisme, et le projet d’islamisation politique. On ne peut pas vivre à côté de régimes qui imposent la charia et interdisent la liberté des femmes, des artistes ou des minorités. Israël est un pays libre, fondé sur le respect de la vie et des différences. La paix viendra avec ceux qui partagent ces valeurs.
Un mot pour la communauté française d’Israël
Je veux adresser un message du cœur aux 150 000 Français établis en Israël. Leur courage, leur sang-froid et leur dignité forcent le respect. Ces deux années ont été terriblement éprouvantes. Beaucoup ont vécu entre deux mondes : ici, sous les sirènes et la guerre, et là-bas, confrontés à la montée d’un antisémitisme brutal, parfois décomplexé. Ils ont continué à vivre, à voyager, à travailler, souvent en silence, avec une force admirable.
Nous avons vu comment on nous a regardés, comment on nous a traités. Beaucoup auraient voulu oublier, mais on ne peut pas effacer cette blessure. Ce n’est pas de la colère, c’est une douleur. Car pendant ces deux ans, certains — sans lien avec le conflit — ont proféré des paroles d’une violence inouïe, ont exclu, humilié, parfois simplement pour exister médiatiquement ou pour servir leurs intérêts personnels. Ils se sont servis de l’antisémitisme comme d’un outil de visibilité, sans compassion ni pour les Palestiniens ni pour les Israéliens. Cette exploitation cynique de la souffrance a laissé une marque profonde.
Cette blessure restera, comme une cicatrice après la guerre. Mais elle ne deviendra pas une haine. Elle sera une mémoire. Une mémoire lucide, et la force tranquille de ceux qui ont tenu debout, dans le respect de la France comme d’Israël.
Et demain ?
Nous allons maintenant devoir nous souvenir. Et quand le calme reviendra, il faudra aussi parler des dégâts, des pertes, des blessures invisibles laissées dans la communauté française d’Israël. Beaucoup ont été pris en étau entre la France et le conflit, exposés à la peur, à l’exil, au rejet, parfois à la solitude.
Cette communauté a été touchée en profondeur, matériellement et moralement. Viendra le moment de la reconnaissance et du dédommagement. Il ne s’agira pas seulement d’argent, mais de réparation symbolique, de justice morale. Car les familles françaises d’Israël ont été meurtries dans leur chair et dans leur identité. Et ce jour-là, nous en parlerons, sereinement, mais avec la certitude que ce courage silencieux devra être reconnu.