La France traverse ces jours-ci une crise politique d’une rare intensité, dont l’issue reste suspendue entre la formation d’un compromis budgétaire, le spectre de la dissolution de l’Assemblée nationale, et la menace de paralysie institutionnelle. À l’heure où les citoyens attendent des réponses concrètes à leurs préoccupations sociales, l’impréparation et les jeux d’appareils semblent l’emporter sur la clarté de l’action publique et l’intérêt général.
Un gouvernement éphémère, symptôme d’un État en panne
Le retour express de la démission de Sébastien Lecornu, quelques heures seulement après la nomination de son gouvernement, constitue déjà un record dans l’histoire politique de la Ve République. Ce fiasco n’est pas seulement anecdotique : il révèle l’ampleur du désaccord interne – y compris parmi les partenaires supposés du pouvoir – et souligne l’incapacité des majorités en place à se structurer autour d’un projet crédible.
L’écroulement rapide du « gouvernement de circonstance » annonce une période d’instabilité durable : sans majorité claire, sans coalition solide, l’exécutif est désormais contraint d’explorer des compromis de plus en plus fragiles, alors que les marges de manœuvre budgétaires se réduisent.
L’enjeu budgétaire, le bras de fer
Le cœur du débat est aujourd’hui celui du budget 2026. Le gouvernement démissionnaire affiche sa volonté d’aboutir à un texte avant la fin de l’année. Mais l’exercice est un jeu d’équilibriste : réduire le déficit public, respecter les engagements européens, tout en répondant à la pression sociale croissante — notamment sur les retraites et la fiscalité — impose des choix douloureux.
Les oppositions, de leur côté, multiplient les lignes rouges : la gauche réclame l’abandon ou la suspension des réformes, l’instauration d’un impôt sur les grandes fortunes, le maintien des services publics. Le Rassemblement national, quant à lui, refuse toute participation aux négociations et appelle à des élections anticipées. Le clivage s’élargit.
Dans ce contexte, le risque est que les logiques d’urgence prennent le pas sur les choix stratégiques de long terme — et que l’on se contente de bricoler des solutions de court terme pour éviter l’effondrement.
La démocratie fracturée
Au-delà des péripéties gouvernementales, c’est le lien même entre les citoyens et les institutions qui se délite. Le report d’un budget, la menace de dissolution, la multiplication des scandales de gouvernance… tout cela nourrit la défiance, déjà record, à l’égard des politiques.
Que reste-t-il comme issue ? D’après Sébastien Lecornu, rien n’est perdu et un compromis entre les forces politiques – bien que laborieux – est possible. Les conditions seraient ainsi remplies pour qu’Emmanuel Macron nomme un nouveau Premier ministre entre aujourd’hui et demain. Le spectre de la dissolution semble ainsi, pour le moment, s’éloigner. Pour combien de temps ?
L’urgence d’un sursaut institutionnel
Au-delà de la conjoncture, la crise que nous traversons doit résonner comme un signal d’alarme : la République ne peut plus fonctionner de cette façon. Il ne suffit plus de chercher des majorités circonstancielles. Il faut repenser les processus de coalition, restaurer la confiance, rendre plus lisibles les engagements politiques.
Car le pouvoir exécutif comme le pouvoir législatif ont une responsabilité : ne pas laisser le vide s’installer. Il s’agit de proposer des pistes replaçant l’intérêt général au-dessus des ambitions personnelles, bâtir des ponts — plutôt que des remparts — entre les forces politiques, et accompagner les Français vers un fonctionnement plus stable, plus démocratique, et plus respectueux des contraintes qu’impose notre époque.