« Il est essentiel de poursuivre la coopération avec la Chine »

David Bassir, conseiller des Français de l’étranger établis à Canton, Wuhan, et Chengdu, est chercheur scientifique dans le Sud de la Chine depuis plus de 15 ans. Investi dans la coopération scientifique franco-chinoise, il revient pour l’ASFE sur l’enjeu du développement de dialogues scientifiques entre les pays.

Pourriez-vous nous présenter en quelques mots votre expérience dans le domaine de la coopération scientifique ?

Ma découverte de la Chine remonte à 2007, lors de mon premier séjour à Xi’an en tant que professeur invité, à l’initiative de mon collègue francophone, le Professeur Weihong Zhang, aujourd’hui académicien.

Depuis ce premier contact, j’ai tissé un réseau précieux de relations, qui m’a grandement servi lorsque j’ai rejoint le Consulat Général de France à Canton comme attaché pour la Science et la Technologie, en Chine du Sud. Je suis littéralement tombé sous le charme de cette région, dont je garde d’excellents souvenirs.

Depuis lors, je n’ai cessé de développer des coopérations, tant sur le plan scientifique qu’humain.

Comment percevez-vous la coopération franco-chinoise dans le contexte actuel d’incertitude et de restrictions américaines ?

Actuellement, la coopération franco-chinoise traverse une période délicate. Elle repose avant tout sur la confiance, et lorsqu’un partenaire se retire, il est difficile de revenir comme si de rien n’était. Avec l’essor d’Internet, il est aujourd’hui facile de suivre les avancées scientifiques à l’échelle mondiale. Pourtant, ces dernières années, les échanges sont de plus en plus dictés par des considérations politiques. Or, la science devrait rester un espace neutre, fondé sur l’objectivité et le dialogue.

Nous observons une fermeture progressive des laboratoires, accompagnée de formalités croissantes et de barrières administratives qui freinent la collaboration. En France, malgré un discours affiché d’ouverture, le nombre de candidatures chinoises pour les thèses chute drastiquement. Je comprends la nécessité de protéger notre patrimoine scientifique, mais la science n’est-elle pas, avant tout, un bien commun de l’humanité ? Que se serait-il passé si les vaccins n’avaient pas été partagés ?

La France et l’Europe doivent être capables de définir elles-mêmes leurs partenariats, plutôt que de suivre des directives imposées. Si les contraintes persistent, il est à craindre que de nombreux chercheurs choisissent de quitter l’Europe pour rejoindre l’Asie, attirés par davantage d’opportunités et de moyens.

Sciences fondamentales, humaines et appliquées : quelles différences observez-vous par rapport à la France ?

La Chine investit massivement dans tous les domaines scientifiques. Cela va des sciences fondamentales – comme la transmission quantique, le nucléaire, le spatial ou encore l’intelligence artificielle – aux sciences appliquées, notamment dans la conduite autonome, l’agriculture, le solaire, l’éolien et les énergies renouvelables en général. Les sciences humaines et sociales connaissent également un essor significatif, avec des progrès notables dans des domaines tels que la psychanalyse ou l’archéologie.

En comparaison, la France traverse actuellement une crise d’identité dans ses structures de recherche : laboratoires, institutions de rattachement et universités sont fragilisés. Le budget alloué à la recherche est en baisse, particulièrement dans le champ des sciences sociales. De plus, nos industriels ne cultivent pas, ou très peu, la collaboration avec les universités, contrairement au modèle anglo-saxon, où les partenariats entre industrie et monde académique sont fréquents et valorisés.

Quelles seraient vos recommandations pour renforcer la coopération scientifique ?

Un mot me vient immédiatement à l’esprit : souveraineté. J’ai parfois l’impression – et j’espère me tromper – que nos décisions ne sont pas entièrement autonomes, malgré l’image que nous cherchons à projeter. Il est essentiel de poursuivre la coopération avec la Chine, comme avec tout autre pays ayant des savoirs, des innovations ou des expériences à partager. Se couper de cette dynamique reviendrait à s’isoler scientifiquement.

J’ai aussi le sentiment que certains chercheurs n’osent plus s’engager dans des partenariats avec la Chine, freinés par un climat médiatique souvent dissuasif. Il est donc primordial d’encourager les jeunes étudiants à aller eux-mêmes sur le terrain, à passer un semestre d’étude ou de recherche en Chine pour se forger leur propre opinion, loin des représentations biaisées que véhiculent certains discours.

Quels conseils donneriez-vous aux scientifiques souhaitant coopérer avec la Chine ?

Je recommande à tous mes collègues qui en ont l’opportunité de se rendre en Chine au moins une fois, afin de découvrir la culture, de rencontrer les chercheurs sur place, et de se forger leur propre opinion. La décision de collaborer ou non doit venir de l’expérience personnelle, non d’un discours extérieur. La coopération scientifique ne devrait jamais être dictée par des considérations politiques, car celles-ci répondent à des logiques bien différentes de celles du monde scientifique.

Cela dit, il est impératif que nous renforcions nos propres capacités d’innovation. Pour cela, il faut investir davantage dans la recherche afin de retenir nos talents, soutenir nos chercheurs et éviter la fuite des cerveaux. Préserver notre excellence scientifique tout en maintenant un dialogue ouvert avec le reste du monde, voilà l’équilibre à atteindre.

En tant que conseiller des Français, comment pouvez-vous accompagner nos compatriotes installés en Chine ?

La Chine est un pays dynamique, où le développement est visible au quotidien. Il y règne un optimisme et une énergie qui, parfois, font défaut en France. La population y fait preuve d’une grande résilience et d’un esprit tourné vers l’action.

En tant que conseiller des Français établis dans le sud de la Chine, mon rôle est d’accompagner nos compatriotes dans leur installation, en les mettant en relation selon leurs compétences et leurs projets. Les jeunes, notamment, peuvent bénéficier de formations en double diplôme, avec la possibilité d’effectuer des stages longue durée dans des entreprises françaises implantées sur place.

Le sud de la Chine est une région extrêmement vaste et riche en opportunités. Une région qui dès l’ouverture de la Chine vers le monde extérieur a pris la tête des coopérations Franco-chinoises notamment dans les secteurs de l’énergie nucléaire et de l’automobile. J’invite toutes les personnes intéressées à me contacter directement, ou à se rapprocher de l’ASFE, pour obtenir des informations concrètes et un accompagnement personnalisé.

David Bassir – Conseiller des Français de Canton, Wuhan, et Chengdu

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