Les troubles spécifiques des apprentissages touchent 5 % à 10 % d’une classe d’âge. La prise en charge de ces élèves n’a cessé d’évoluer depuis un vingtaine d’année. Qu’en est-il pour les élèves du réseau AEFE ? C’est la question posée par la Sénatrice Evelyne Renaud-Garabedian au ministre de l’Education nationale en décembre dernier.
Formation des enseignants
La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a mis en place plusieurs dispositifs de formation des enseignants dans le domaine de la scolarisation et de l’accueil des élèves à besoins éducatifs particuliers ou en situation de handicap.
Ainsi, dès leur passage au sein des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation, ils sont sensibilisés à la prise en charge des élèves en situation de handicap.
Sur le territoire national, ils peuvent bénéficier d’une formation continue sur le sujet en s’inscrivant au certificat d’aptitude professionnelle aux pratiques de l’éducation inclusive (CAPPEI).
La plateforme M@gistère propose également des outils de formation à distance et en présentiel consacrés au handicap et aux troubles de l’apprentissage.
Accompagnement des élèves
D’autres part, des aménagements spécifiques sont prévus pour les élèves présentant des troubles spécifiques du langage et des apprentissages (TSLA), dans le cadre de plan d’accompagnement personnalisé (PAP) ou de projet personnalisé de scolarisation (PPS).
Quid de l’étranger ?
Au sein des établissements français à l’étranger, si quelques professeurs ont bien pu bénéficier des formations mentionnées, certains dispositifs ne semblent pas opérationnels. Ainsi, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased), composés d’enseignants spécialisés et de psychologues dispensant des aides spécialisées aux élèves d’écoles maternelles et élémentaires prévus par la circulaire n°2014-107 du 18 août 2014 n’existent pas.
Evelyne Renaud-Garabedian avait donc interrogé le ministre de l’Education nationale :
- sur la formation des équipes pédagogiques et d’encadrement du réseau AEFE à l’inclusion des élèves présentant des TSLA ;
- sur une formation spécialisée au sein des instituts régionaux de formation (IRF) ;
- sur l’existence d’un parcours usagers à l’étranger présentant un panorama des aides au bénéfice des enfants des Français établis hors de France ;
- sur les actions mises en place et le suivi de ce sujet par l’Observatoire des élèves à besoins éducatifs particuliers (OBEP).
L’AEFE engagée en faveur de l’inclusion dans l’ensemble des établissements de son réseau
- Les textes réglementaires
La circulaire MENE2121008C, parue au bulletin officiel de l’éducation nationale du 26 aout 2021, précise les modalités de prise en compte des élèves à besoins éducatifs particuliers scolarisés dans un établissement de l’enseignement français à l’étranger.
La mise en oeuvre de la politique inclusive dans les établissements est explicitement inscrite dans les critères de l’homologation.
Toutefois, la circulaire n° 2014-107 du 18 août 2014 concernant les RASED (réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté) est propre au territoire national et ne trouve pas à s’appliquer hors de France.
- Pôles inclusifs
Il n’est pas possible d’obtenir en étant en poste dans le réseau le certificat d’aptitude professionnelle aux pratiques de l’éducation inclusive (CAPPEI).
Cependant, le réseau de l’AEFE soutient la création de pôles inclusifs au sein de ses établissements. Ils sont composés au moins de membres de la direction et d’un personnel référent inclusion, auxquels peuvent s’adjoindre un psychologue, un orthophoniste ou autre professionnel paramédical, un enseignant spécialisé. La composition des pôles dépend des ressources financières et humaines mobilisables au sein de chaque établissement.
- Référents
L’ensemble du réseau compte en moyenne 1,45 enseignant référent école inclusive par établissement. Ils peuvent accompagner les personnels enseignants dans l’élaboration et la mise en oeuvre des plans personnalisés, la mise en oeuvre des adaptations et la relation aux familles et partenaires.
- Formation et accompagnement des personnels
Un service dédié de l’Agence, bureau de la formation, propose des outils, élaborés avec des partenaires associés : Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation inclusive (INSEI), Réseau de création et d’accompagnement pédagogiques (ou RESEAU CANOPÉ), Instituts régionaux de formation (IRF).
Tous les enseignants du réseau AEFE, quel que soit leur statut et quel que doit le statut de l’établissement, peuvent ainsi bénéficier d’un master école inclusive. Un diplôme universitaire « pratiques inclusives » est également ouvert aux enseignants, personnels d’éducation et de direction exerçant dans les établissements français de l’étranger.
Depuis janvier 2025, un parcours Magistère de 33 heures composé de 12 modules est ouvert à tous les personnels permettant d’acquérir des connaissances, développer des gestes professionnels et des postures au service de l’enseignement et du pilotage d’établissements plus inclusifs.
- Formation des AESH
Des formations sont également proposées aux AESH et autres personnels (cadres, équipes de vie scolaire).
L’Agence poursuit l’appui à l’inclusion en accentuant l’accompagnement au pilotage (ressources pour les cadres et webinaires informatifs), la construction d’un projet de « Communauté apprenante » co-porté avec l’INSEI pour mobiliser davantage de personnes ressources expertes et assurer une développement professionnel continu et l’élaboration d’une formation AESH de 10 heures pour l’ensemble du réseau.
Merci à la sénatrice pour sa question, claire, pertinente et nécessaire.
Mais après lecture de la réponse du ministère, difficile de ne pas ressentir un profond décalage avec la réalité du terrain. La réponse est presque exclusivement centrée sur la formation, alors que les besoins concrets, immédiats, semblent ne pas être identifiés.
J’adorerais trouver des statistiques, une enquête menée auprès des personnes directement concernées.
Je ne remets pas en cause, ni n’invalide l’importance de la formation. Elle est même indispensable. Mais dans les faits, elle reste lointaine, inégalement appliquée, et parfois purement théorique. Pendant que l’on annonce des parcours Magistère ou des diplômes spécialisés, des enfants, aujourd’hui, perdent pied à l’école. Non pas à cause de leur handicap ou de leur trouble, mais parce que l’école ne sait pas comment les accompagner.
Ma réalité à l’étranger ? Chaque rentrée scolaire ravive les mêmes difficultés, les mêmes manques.
Parce qu’il n’existe aucun protocole écrit. Aucune procédure standardisée. Quid de la passation de dossier ? De la sensibilisation des enseignants ? De la préparation des élèves à accueillir la différence avec bienveillance ?
Le vide a été identifié, et un livret de parcours inclusif a été créé… mais uniquement en France.
J’ai posé la question. Voici la réponse que j’ai reçue :
> L’OBEP (Observatoire des Élèves à Besoins Éducatifs Particuliers), organe de réflexion concernant le déploiement de l’école inclusive pour le réseau EFE, a tout comme vous identifié l’intérêt et la plus-value du déploiement d’un tel outil dans le réseau. Sa mise en œuvre nécessite un travail important en termes d’interopérabilité avec les outils du ministère de l’Éducation nationale ou, si cela n’est pas faisable, l’élaboration d’un outil propre au réseau. C’est un objet de travail à l’étude dans le cadre des travaux de l’OBEP, mais qui nécessitera encore un peu de temps avant sa concrétisation, que nous appelons de nos vœux la plus rapide possible.
Pourquoi ne pas l’avoir mis en place en même temps, dès le départ, en France et à l’étranger ?
En ce qui me concerne, ma fille, sourde avec un implant cochléaire, a fait sa rentrée il y a un mois (hémisphère sud). Ce n’est pas faute d’avoir insisté, ni d’avoir transmis — à plusieurs reprises et sans réponse — les informations pertinentes, demandé qu’elles soient partagées avec l’équipe enseignante.
Mais la surdité est un handicap invisible. Ma fille parle, elle sait lire et écrire. Alors, à ce jour, les enseignants n’ont toujours pas été sensibilisés, aucune intervention n’a été organisée dans sa classe, les adaptations scolaires ne sont pas mises en place, bien que beaucoup soient les mêmes depuis plusieurs années. Aucune des conditions essentielles d’une scolarité réussie n’est mise en place à ce jour.
Pire encore, je passe pour une forcenée, simplement parce que je persiste à demander que le minimum soit appliqué. Et parfois, on ne me croit pas.
Mais le véritable angle mort, celui que personne ne semble vouloir regarder en face, ce sont les AVS.
À l’étranger, ce sont les parents qui les cherchent, les embauchent, les gèrent. Et surtout, ce sont eux qui les payent.
On nous dit : « L’AVS doit parler français. » Très bien. Mais dans des pays non francophones, qui parle français couramment, avec la formation, la disponibilité et la sensibilité pour accompagner un enfant en situation de handicap ?
La réalité, c’est qu’on embauche — par défaut — des jeunes tout juste bacheliers, des étudiants en visa, qui acceptent le poste « en attendant mieux ». Des jeunes qu’on ne peut pas vraiment former, car ils ne restent pas. Ce sont des solutions temporaires, précaires, bancales.
Oui, c’est vrai, il existe maintenant une bourse. Mais pour la recevoir, il faut passer par le long et fastidieux processus administratif auprès de la MDPH… pour qu’elle émette, in fine, une simple validation de ce qui est déjà reconnu — juste pour que l’AEFE débloque les fonds.
Or, cette demande ne peut pas se faire en ligne : pour cela, il faudrait un numéro de sécurité sociale. Ma fille n’est pas née en France, nous n’y avons jamais habité — elle n’a donc pas de numéro de sécurité sociale.
Personnellement, je peux m’en sortir. Mais qu’en est-il des parents non francophones ? Le consulat ne s’occupe du sujet qu’une fois le dossier complet, c’est-à-dire une fois obtenu — entre autres — l’accord de la MDPH.
Et dans tout cela, il n’existe aucun cadre clair.
L’AVS est censé travailler avec l’enseignant, mais dans les faits, rien ne peut être imposé, puisque c’est le parent qui gère tout : qui transmet, qui coordonne, qui tente de faire le lien…
Rien n’oblige les enseignants à assumer une responsabilité pédagogique partagée.
En cherchant par moi-même, j’ai trouvé, sur le site officiel de l’Éducation nationale, que l’enseignant référent est censé être l’interlocuteur privilégié des familles lorsque l’enfant bénéficie d’un PPS. Il est chargé de coordonner les réunions de l’équipe de suivi de la scolarisation (ESS) et de faire le lien entre la famille, l’établissement scolaire et la MDPH.
Mais cette organisation — pourtant essentielle — n’existe pas dans le réseau AEFE. Dans l’établissement où est scolarisée ma fille, il n’y a pas d’enseignant référent.
Et je me demande : pourquoi ne pas commencer par allouer un budget à ce rôle clé, avant même de financer des formations dans un cadre qui, lui, n’est pas défini ?
Former, oui — mais former qui, dans quel contexte, sous quelle responsabilité ?
S’il n’y a ni référent, ni coordination, ni suivi, alors toutes les bonnes intentions resteront lettre morte.
C’est dommage.
Dommage de devoir réexpliquer, redemander, insister chaque année.
Dommage de voir que l’inclusion est pensée comme un objectif à atteindre — alors qu’elle est une nécessité immédiate pour nos enfants.