Cuisinier de formation devenu Représentant Personnel du Président de la République pour la Gastronomie et l’Alimentation, Guillaume Gomez est aujourd’hui Ambassadeur pour la Gastronomie et l’Alimentation. Entre promotion de la gastronomie française, soutien aux producteurs et défense des valeurs culinaires françaises, il incarne un parcours riche entre le savoir-faire et la diplomatie culinaire français.
Vous avez commencé votre carrière à l’Élysée en 1997 et y avez servi plusieurs présidents. Vous avez également été le Représentant Personnel du Président de la République pour la Gastronomie et l’Alimentation jusqu’à fin 2024. Aujourd’hui, vous êtes Ambassadeur pour la Gastronomie et l’Alimentation. Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
J’ai un parcours classique de chef de cuisine. J’ai fait l’École de Paris des Métiers de la Table en apprentissage. Par la suite, je suis parti travailler au restaurant Divellec, 2 étoiles Michelin. Au bout de trois ans aux côtés de Jacques Le Divellec, je suis placé en juin 1997 à l’Élysée pour faire mon service national. Alors que je devais rester un an, le chef cuisinier, Joël Normand, me propose de rester pour étoffer la brigade, proposition que j’accepte.
En parallèle, je participe à plusieurs concours de cuisine et reçois, en janvier 2004, le titre de Meilleur ouvrier de France, devenant ainsi le plus jeune lauréat de l’histoire dans la catégorie cuisine. Suite à cela, Jacques Chirac me demande de rester à l’Élysée. Lorsque que Joël Normand part en retraite, on me propose le poste de chef de cuisine, ce que j’accepte.
Au cours de mes 25 années à l’Élysée, j’ai travaillé pour 4 présidents de la République avant de décider, il y a un peu plus de 4 ans, de partir afin de donner une autre dimension à ma carrière. À ce moment-là, le président me propose le poste de Représentant personnel et d’Ambassadeur pour la gastronomie afin de relever le challenge des Jeux olympiques. Une fois les Jeux olympiques terminés, j’ai décidé de faire autre chose. Ainsi, depuis le mois de janvier je reste Ambassadeur pour la gastronomie.

Vous avez dit que « la gastronomie française possède une hégémonie naturelle à l’étranger ». Comment cette influence se manifeste-t-elle aujourd’hui et comment la France peut-elle la préserver ?
Quand je dis que c’est naturel j’entends que la première gastronomie, la meilleure gastronomie au monde, c’est celle de la France ! Même s’il y a des très bonnes gastronomies et des très belles influences partout dans le monde, pour tous les chefs étrangers c’est en France qu’il faut venir apprendre la cuisine et la pâtisserie. Tous les grands chefs internationaux me le disent, soit leur mentors ont été formés en France, soit eux sont venus se former en France.

Quand on parle de gastronomie, on parle du travail des sols jusqu’à la méthanisation des déchets, du travail de nos producteurs, de nos agriculteurs et de nos éleveurs. Nous avons la chance d’avoir un pays qui est unique au monde avec une telle variété de produits. Nos territoires et nos régions ont une identité gastronomique forte. Une bouillabaisse ça ne ressemble en rien à une choucroute, qui ne ressemble en rien à welsh, qui ne ressemble en rien à une galette bretonne. C’est ce qui fait la grandeur gastronomique et la pluralité de la France.

Mais, comment la maintenir ? Eh bien, d’une part par des actions de soutien et de rayonnement, des festivals, des semaines de la gastronomie, par la présence dans les salons, et d’autre part, en faisant en sorte que cette gastronomie réponde toujours aux enjeux de notre temps. Aujourd’hui, on ne fait bien évidemment plus la même cuisine et l’on ne dispense plus la même gastronomie qu’il y a 50 ans parce que le monde change, les habitudes aussi. La gastronomie d’aujourd’hui se veut plus engagée en termes de société, de santé, d’environnement. Plus personne ne reste quatre heures à table. Ça n’a plus de sens de se fournir en produits depuis l’autre bout de la planète. Il faut toujours être à la page et se remettre en question pour que la gastronomie française reste cette première gastronomie du monde.
Nous sommes la première destination touristique au monde : 7 touristes sur 10 disent se rendre en France pour partager un moment de gastronomie, un verre de vin, un macaron, un bout de camembert, une coupe de champagne.
Vous êtes engagé dans de nombreuses associations culinaires, en France et à l’étranger. En quoi ces réseaux sont-ils essentiels pour la transmission et la valorisation du savoir-faire français ?
À travers toutes ces associations, les Disciples d’Escoffier International ou encore Euro-Toques, mais également beaucoup d’associations caritatives, nous participons aux semaines de la gastronomie comme les semaines So French So Food qui sont dispensées un petit peu partout dans le monde. Dans ces évènement, il y a toujours un volet caritatif parce que la France c’est aussi des valeurs d’accompagnement et de transmission. C’est important de montrer que la France rayonne aussi par ses valeurs et toutes ces associations se mobilisent bénévolement pour la cause, la transmission intergénérationnelle des valeurs de cette gastronomie française.

En matière d’impact environnemental, sociétal, de santé, et d’alimentation, la France organise parmi les plus beaux concours au monde, dont le Bocuse d’or qui est un peu notre Coupe du monde à nous. Tout ça se passe en France, tout s’organise en France. Il y a donc une attente internationale forte de voir ce que les Français peuvent faire pour le rayonnement de la gastronomie à travers le monde. Toutes ces valeurs sont importantes et rayonnent grâce à toutes ces associations et ces initiatives qui ne sont pas secondaires mais essentielles pour l’évolution économique bien sûr, mais surtout sociétale de notre temps.
Vous avez également soutenu des projets humanitaires au Sénégal et au Vietnam via Vision du Monde. Selon vous, le savoir-faire culinaire peut-il être un levier de développement et d’entraide internationale ?
Bien sûr. Vous parlez des écoles et des projets que j’ai au Vietnam et au Sénégal avec Vision Du Monde, j’ai également deux écoles à Madagascar avec la Fondation École de Félix, et une école gastronomique au Cameroun avec la Fondation Gacha. À partir du moment où un français ou la France fait quelque chose de positif quelque part dans le monde, les gens qui sont impactés par cette initiative auront une belle image du pays. C’est donc quelque chose d’essentiel pour notre pays. Les projets humanitaires que je soutiens permet à ces jeunes qui ne connaissent pas la France, d’avoir une certaine idée de notre pays et de ses valeurs éducatives : donner sa chance à l’autre. C’est quelque chose d’essentiel pour la valorisation de notre savoir-faire.
Vous le savez, moi je suis meilleur ouvrier de France, la transmission fait partie de mon ADN. Le point commun de tous les meilleurs ouvriers de France, dans tous les métiers, c’est qu’au-delà d’un savoir-faire, bien sûr reconnu par le titre, il y a des valeurs humaines et de transmission qui sont fortes.
Vous soulignez souvent le gaspillage alimentaire comme un défi majeur. Que peut faire la France pour mieux exporter son modèle alimentaire ?
Le sujet est multiple. Il y a le sujet du gaspillage, de l’accès à une alimentation saine, à l’eau plus pérenne et plus équitable, celui du recyclage et du gaspillage. Quand on voit les chiffres, on se dit « mais on marche sur la tête ! ». Nous sommes 9 milliards de personnes sur terre et la moitié de ce qui est produit n’est pas consommée ou est gaspillé, ce sont les chiffres de la FAO. Par ailleurs, la moitié de la population mondiale est en surpoids, l’autre moitié n’a pas accès comme il le faudrait à l’alimentation. Près de 18% de nos moins de 21 ans sont obèses, on s’alimente trop et mal, et à côté de ça il y a près de 30% des français qui n’ont pas accès à une alimentation correcte.

La France n’est pas exemplaire là-dessus mais en tout cas elle travaille depuis de nombreuses années à trouver des solutions donc moi je préfère aller vers celles et ceux qui sont à l’écoute et se demandent comment changer les choses plutôt que de trouver les responsables. C’est un vrai enjeu de santé publique.
Tout est lié pour lutter contre le gaspillage. D’après l’institut Montaigne, la mauvaise alimentation, le diabète et le cholestérol nous ont coûté près de 125 milliards d’euros en 2024. C’est évitable. C’est pour cela que nous sommes nombreux à militer pour une éducation à l’alimentation.
Le président de la République a lancé, il y a maintenant 3 ans, une coalition mondiale des cantines avec 70 pays comment nourrir cinq millions d’enfants d’ici 2030. On parle souvent de la stratégique De la fourche à la fourchette, mais il faut aussi travailler dans l’autre sens, à savoir ce qui n’est pas consommé ou mal consommé et quelles sont les habitudes alimentaires permettant de mieux produire, et bien sûr éduquer nos enfants pour avoir non pas des chefs de cuisine mais tout simplement des meilleurs consommateurs.
Il n’y a pas de mauvaises idées ou de meilleure idée, il y a plein d’idées et d’initiatives qui se font. Je pense que c’est là où la France est attendue à l’international.
Si vous deviez choisir un plat pour symboliser la cuisine française à l’international, lequel serait-il ?
Ce qui définit la gastronomie française c’est sa pluralité. Il n’y a pas un plat qui définit la gastronomie française. La France est riche de ses territoires : on ne mange pas du tout la même chose que ce soit au Nord, au Sud, à l’Est, à l’Ouest, au centre, en Outre-mer, donc forcément tous ces plats définissent la France.
Mais au-delà de ça, pour le volet salé, ce qui définit la gastronomie française ce sont les sauces. Notre richesse, c’est nos sauces qui sont riches et variées : sauce froide, sauce chaude, sauce émulsionnée… Il y en a énormément, c’est ce qui nous différencie de beaucoup de gastronomies dans le monde. Parallèlement, ce sont nos hors-d’œuvres, ces tourtes, ces tartes, ces macarons, ces fromages… C’est tout ça qui définit la gastronomie française.
Quand je fais le tour du monde, je demande souvent les plats préférés des personnes que je rencontre et je suis souvent étonné de voir que dans certains pays, beaucoup me disent le camembert qu’ils considèrent comme un plat français, ou d’autres – au Japon notamment – me disent le macaron.

Aussi, il y a un produit incroyable depuis quelques années c’est bien sûr notre baguette qui a été reconnue à l’Unesco, mais aussi notre croissant, rendu célèbre à l’international par la série à Emily in Paris. Pour beaucoup de gens, tout cela représente la gastronomie française.
On ne doit pas se fermer à un plat qui représenterait la gastronomie française. À travers le monde, chacun a son idée de la gastronomie française et chaque français a son idée de la gastronomie française en fonction de son histoire, de son lieu de résidence, de son territoire, de sa famille.
De nombreux chefs français s’installent à l’étranger et contribuent à diffuser la culture culinaire française. Quel message aimeriez-vous leur adresser ?
Peu importe le métier, mais aux Français en général qui s’expatrient pour les raisons qui sont les leurs, je veux leur dire qu’ils représentent la France, ils sont la France ! Nous sommes très fiers d’avoir des français qui nous représentent à l’international. Qu’ils n’oublient pas qu’à partir du moment où ils sont français, ils représentent nos valeurs, notre culture et donc notre gastronomie.
J’ai reçu, il y a quelques semaines, un appel d’un jeune installé à New York qui me demandait des conseils en cuisine parce que ses colocataires lui réclamaient de cuisiner. Le malheureux, ne sachant pas cuisiner, était catastrophé. Car pour l’imaginaire collectif international, lorsque l’on est français, on doit savoir cuisiner, ce qui est paradoxal quand on voit les chiffres chez nous de ceux qui savent cuisiner, de la mauvaise alimentation…
Aux Français de l’étranger, permettez-moi de les féliciter, parce qu’il faut aussi avoir le courage d’aller s’expatrier. Ils sont toujours français, ils sont toujours une partie de la France et donc voilà, je voudrais juste leur dire merci et qu’ils continuent de porter les couleurs de la France.

Guillaume Gomez
Bonjour
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre article et vous félicite pour votre parcours. Je vis en Afrique du Sud avec mon épouse et ma famille. Je suis aussi alsacien et avec mes compatriotes français et alsaciens nous faisons la promotion de notre pays et de la gastronomie bien sûr. Nous avons en projet d’organiser une semaine des chefs au début de l’année 2025 avec la participation de certains chefs étoilés dont alsaciens . Ce projet est également en lien avec le Consulat de France à Cape Town, l’école française, le consortium Accord et quelque vignobles tenus par des français. Seriez vous intéressés pour y participer afin de donner une belle image gastronomique française en Afrique du Sud ? Merci d’avance. Très cordialement Rene Vogel
Bonjour René,
Votre projet a retenu l’attention du cabinet de Monsieur Gomez.
Nous allons vous contacter par mail pour tenter d’y donner suite.
Bien à vous,
L’Équipe de l’ASFE
Belle passion, Beau combat.
Bravo et Merci.