La sénatrice Sophie Briante Guillemont s’est rendue en Éthiopie pour un déplacement de trois jours. L’équipe de l’ASFE a souhaité lui poser quelques questions sur ce pays et les rencontres qu’elle a pu y faire.
Vous vous êtes rendue en Éthiopie. Pourquoi ?
Les Sénateurs des Français de l’étranger représentent notre communauté française à Paris, au Sénat. Mais évidemment, nous allons régulièrement à la rencontre de ces Français. Chaque communauté française est unique. Elle a sa propre histoire, parfois ses propres problématiques, et il est important de pouvoir leur parler sans écran interposé, rappeler notre rôle d’élu, comment nous les représentons.
Le Conseiller des Français d’Éthiopie, Michel Gleyze, demandait depuis longtemps une visite sénatoriale de l’ASFE. C’est désormais chose faite et je dois dire que ces trois jours de déplacement ont été particulièrement riches, non seulement en activités mais aussi en émotions.
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Qu’est-ce qui vous a frappé dans la communauté française d’Addis-Abeba ?
C’est une petite communauté de 800 personnes. Mais elle est extrêmement dynamique. Évidemment, tout le monde se connaît. Le lycée franco-éthiopien Guebre-Mariam est le lieu où se retrouve la communauté française. Ainsi que l’endroit où se cristallisent les tensions.
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Le lycée est géré financièrement par la Mission Laïque Française, depuis Beyrouth. Cela crée un certain nombre d’incompréhensions car la situation de ce lycée est très particulière. L’Éthiopie le considère comme un lycée public éthiopien. Les frais de scolarité sont donc très bas pour les Éthiopiens – largement majoritaires parmi les élèves – ce qui interroge évidemment le modèle économique de l’école, sachant que du côté français nous n’avons plus les mêmes moyens budgétaires à investir dans notre réseau… Malgré les difficultés, j’ai pu rencontrer des élèves, des enseignants, des parents d’élèves et une direction extrêmement engagés dans la vie du lycée et qui ne comptent pas leurs heures.
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Y a t-il beaucoup d’entrepreneurs Français en Éthiopie ?
Ils sont peu nombreux, car l’Éthiopie est un pays très complexe pour que les étrangers entreprennent. La réglementation applicable aux entreprises ne cesse de changer. De nouvelles règles s’inventent à chaque contrôle. Certains parlent d’un véritable harcèlement administratif de la part des autorités qui empêche en réalité tout développement entrepreneurial.
Même certaines grandes entreprises françaises ont dû se résoudre à partir. Celles qui sont restées savent pourquoi elles le font : l’Éthiopie est un marché de 115 millions d’habitants, en plein développement, avec un potentiel extraordinaire. Mais les petits entrepreneurs ne doivent pas sous-estimer les difficultés de s’y installer. J’invite ceux qui l’envisagerait à se rapprocher de ceux qui y sont déjà, pour bien savoir où ils vont mettre les pieds.
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Quel a été pour vous l’événement le plus marquant de ce déplacement ?
Il y en a eu beaucoup. La visite des ateliers Muya, co-fondé par un Français – M. Dubois – m’a beaucoup appris. De même que je suis admirative du parcours du fondateur de l’herboristerie Abeessinia Herbal.
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Il faut savoir que beaucoup d’enfants adoptés en France sont nés en Éthiopie (on ne sait pas exactement combien). Ces enfants ont, une fois adulte, parfois voulu retrouver leurs racines, se reconnecter à leur histoire, avec des retours en Éthiopie plus ou moins « réussis ». Ces histoires personnelles sont difficiles. Elles sont truffées de déceptions (en particulier, dans la volonté de reconstruire le lien avec les familles biologiques). Soutenir leurs projets est essentiel.
Et enfin, je dois dire que la visite qui m’a le plus marquée est incontestablement celle d’un des centres d’Addis-Abeba géré par les Missionnaires de la Charité, la congrégation fondée par mère Teresa. Nous avons découvert un centre où 16 sœurs se consacraient à 600 éthiopiens (âgés, handicapés, tuberculeux, des enfants sortant d’une famine, des filles qui venaient accoucher…). Un concentré de misère. La dévotion de ces femmes, le travail social réalisé, est plus qu’admirable et je crois que nous nous souviendrons longtemps de cet endroit un peu caché dans les rues d’Addis-Abeba, cette ville qui se veut une vitrine de l’Éthiopie moderne, où l’on essaye d’occulter la misère. Elle est bien là.
Avez-vous quelque chose à ajouter ?
Je tiens à remercier l’Ambassadeur de France, Alexis Lamek, ses équipes, en particulier le Consul Alain Mastroiani, pour leur accueil, la qualité de leurs explications et leur immense disponibilité. Ainsi que Michel Gleyze bien sûr, dont j’ai pu mesurer l’étendue de son engagement auprès de la communauté française.
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