Rencontre avec Thierry Rey, Conseiller spécial auprès du Comité d’organisation des Jeux Olympiques de Paris 2024.
Vous avez été le premier judoka – et l’un des rares Français – à avoir été champion olympique, champion du monde et champion d’Europe sur la scène internationale. Pouvez-vous expliquer comment le travail et la discipline ont été des valeurs fondamentales pour arriver au plus haut niveau mondial ?
La discipline est inhérente au monde du judo. Elle est également liée aux valeurs présentes dans le code du judo. Ces valeurs sont la modestie, la politesse, la sincérité, l’amitié, le contrôle de soi, le courage, le respect et l’honneur.
Le travail est commun à tous les sports. Même si le talent est là au début de la vie d’un athlète, le travail est indispensable notamment pour durer. Il faut également beaucoup rêver, avoir une envie féroce de réussir. Je parlerai pour ma part plus d’engagement que de travail car la notion de bonheur est plus présente.
Concernant mes titres de champion de France, champion d’Europe, champion du monde, champion olympique, ils sont tous différents. Chaque titre est un bonheur. Le premier titre de champion de France, parce que c’est le premier, a une saveur particulière. Pour autant, lorsque je suis devenu pour la sixième fois champion de France, il y avait également une saveur particulière. Chaque titre amène une fierté, chaque titre de champion de Seine-et-Marne revêt pour moi une sensation particulière.
Gagner les Jeux, c’était un soulagement incroyable. Je les ai gagnés après avoir été champion du monde à Coubertin chez moi devant ma famille. Pour le titre de champion d’Europe, j’ai dû m’y reprendre à 6 fois.
Vous êtes désormais l’un des directeurs du comité d’organisation de Paris 2024. Pouvez-vous nous décrire ce que vous faites ?
Je suis conseiller spécial au sein du comité d’organisation de Paris 2024. J’étais d’ailleurs déjà conseiller spécial pour les phases de candidature. C’est un titre qui est extrêmement intéressant, les missions sont très diverses. Je m’occupais notamment des relations avec l’État et les collectivités locales. Je suis un peu comme un couteau suisse !
Au sein du comité d’organisation, je m’occupe des relations avec les territoires. Il y a effectivement 160 étapes de la tournée des drapeaux et j’en ai effectuées personnellement 87. Ce sont tous les territoires français qui sont impliqués dans les Jeux olympiques au niveau départemental comme au niveau régional. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail de chacun des élus. Ce sont les Jeux de la France, d’où ma présence à Marseille pour accueillir la flamme olympique.
Quel est votre ressenti concernant l’engouement des Français pour ces JO ?
L’engagement et l’engouement viennent naturellement. Au début, on peut être critique parce qu’on ne voit pas véritablement ce qui va se passer, mais après la flamme arrive à Marseille en métropole et il a une montée en puissance.
Je suis certain que les Français vont le ressentir et vont être de plus en plus positifs vis-à-vis des Jeux. Cela va être un grand moment pour notre pays au niveau sportif.
Votre passion pour la vie vous a également fait connaitre une carrière au cinéma, à la télévision, au théâtre… que votre livre « Sept vies » met bien d’ailleurs bien en avant ! Nous avons souvent tendance à penser – en France en tout cas – qu’il faut rester dans le même domaine toute sa vie. Que les reconversions sont difficiles, voire impossibles. Or vous montrez brillamment qu’il est possible de dépasser ce cadre. Pouvez-vous nous faire partager l a façon dont vous avez réussi à entreprendre dans plusieurs domaines ?
Je vais avoir 65 ans le 1er juin, ma vie s’est véritablement enchaînée joyeusement ! Je n’ai pas senti de rupture pour aller « de vie en vie », par exemple entre le sport et la comédie. J’en avais envie, je me suis engagé, j’ai pris des cours de comédie. Cela a duré cinq, six ans. Après, en tant qu’ancien sportif de haut niveau, Canal+ m’a demandé de commenter le judo aux Jeux de Barcelone en 1992. Pierre Lescure m’a ensuite demandé de rester au sein de la chaîne et je suis finalement resté 15 années.
Effectivement, j’étais champion olympique, c’était comme un tatouage sur ma personnalité. Mais la vie est longue, il n’y a pas eu de calcul. J’ai véritablement embrassé la vie. Lorsque j’étais au chômage, je me suis engagé pour François Hollande et il m’a proposé, après son élection, de devenir son conseiller à l’Elysée. Il y a une part de chance. Mais il faut oser, y aller, se tromper, recommencer, s’engager. A 65 ans, je vais pouvoir vivre les Jeux à Paris comme étant un point d’orgue. Ma vie garde, depuis longtemps, ce fil rouge du sport.
Pouvez-vous nous faire part de l’héritage des JO, des valeurs que vous souhaiteriez transmettre à la jeune génération qui arrive ?
L’héritage des Jeux olympiques est double. Tout d’abord, c’est un héritage matériel : c’est l’ensemble des infrastructures qui sont construites, notamment en Île-de-France et qui permettront à tous les habitants qui le souhaitent de faire du sport. Ces constructions permettent également de réfléchir sur la pratique du sport, sur le sport en France et sur le statut des sportifs.
Ce dernier point représente le deuxième héritage. C’est le renforcement du sport dans notre environnement, dans notre société, du plus jeune au plus âgé. Paris 2024 va accompagner le regard que notre société porte sur le sport. Ils permettront de sensibiliser toute la population et d’inscrire le sport dans l’héritage culturel français.
Avez-vous quelque chose à ajouter ?
Enfin, les Jeux olympiques vont être un moment très particulier parce que c’est un moment où le collectif prime. Ce ne sont pas les Jeux d’une ou deux personnes, mais ceux des villes, des départements, des régions. Ce sont les Jeux de l’État mais aussi ceux des sportifs, des fédérations sportives et de chacun des licenciés. Cela permettra également à la France de rayonner à l’international.