La situation à Port-au-Prince, la capitale d’Haïti, est critique. Avec une escalade de violence par des gangs armés et l’instauration d’un état de siège, des centaines de milliers de personnes ont été déplacées, paralysant ainsi les institutions et les infrastructures vitales. Dans ce contexte, l’ASFE a eu l’occasion de s’entretenir avec Christelle Chignard, conseillère des Français de l’étranger en Haïti
Au vu des récents bouleversements à Haïti, comment évaluez-vous la situation actuelle ?
La situation de tension est toujours forte, après l’annonce de la démission du Premier ministre Ariel Henry. Les gangs continuent de contrôler l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, la population est toujours très inquiète et 80% des activités commerciales sont paralysées. La situation est volatile et peut basculer dans la terreur à n’importe quel moment.
Comment percevez-vous le ressenti de la communauté française en Haïti face à cette situation ? Et quelles sont les principales préoccupations ou perspectives qu’ils expriment concernant la crise en cours dans le pays ?
La communauté Française est très inquiète. Avec l’aéroport et les ports qui sont fermés, rien ne sort ou n’entre en Haïti. Un état d’urgence a été décrété jusqu’au 3 avril.
L’avenir d’Haïti se joue en grande partie sur l’issue des négociations qui sont en cours entre la Caricom (Communauté caribéenne) et les acteurs haïtiens. Nous attendons tous la résolution d’un accord qui permettra la mise en place du nouveau gouvernement qui nous l’espérons remettra en confiance la population et la communauté internationale, qui aura comme objectifs principaux la sécurité des vies et des biens ainsi que l’organisation d’élections libres et démocratiques dans les meilleurs délais. Nos compatriotes souhaitent que cet accord ait un large consensus et obtienne l’assentiment des Haïtiens qui voulaient le départ du Premier ministre.
De nombreux diplomates européens et américains ont été appelés à quitter le pays. Pensez-vous que ce départ puisse affecter la capacité de la communauté internationale à fournir une assistance et à contribuer à une résolution de la crise en Haïti ?
Je crois savoir que les personnels qui ont été évacués font partie soit d’ambassades dont les équipes étaient déjà fortement réduites, soit d’organismes qui ont opté pour l’évacuation de personnel non essentiel ou qui ont décidé de déplacer leur bureau temporairement vers la République Dominicaine puisque les projets sont paralysés du fait de cette crise.
Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères français a décidé ce mardi 12 mars d’évacuer lui-aussi tout le personnel jugé non essentiel. L’ambassade de France maintient cependant une communication régulière avec la communauté française pour partager les consignes de sécurité à observer. Elle rassure de son engagement à servir la communauté sur place. En mon sens il n’y aurait pas d’impact sur la contribution à résoudre la crise en Haïti à court terme.
Quelles sont les mesures spécifiques que vous estimez nécessaires pour empêcher l’éclatement d’une guerre civile en Haïti et restaurer la stabilité dans le pays ?
Le point essentiel qui a provoqué cette crise selon moi était la revendication du départ du Premier ministre Ariel Henry. Ce dernier a donné sa démission le 11 mars dans la soirée. La restauration de la stabilité dépendra de la capacité des acteurs politiques et de la société civile haïtiens à faire preuve de dépassement de soi pour trouver un consensus rapide afin de nommer de nouveaux dirigeants compétents et efficaces dans le conseil présentiel et le nouveau gouvernement.
Selon vous, quelles pourraient être les répercussions à long terme de la crise actuelle sur le plan politique et socio-économique d’Haïti ?
Haïti est un pays brisé, la classe politique est malade, le tissus social est en lambeau et l’économie en récession depuis 5 ans. La misère est un des facteurs de l’insécurité grandissante et il faudra de grands moyens et une volonté sincère de tous les acteurs locaux et internationaux pour freiner cette descente aux enfers.
Êtes-vous confiante quant à la possibilité de retrouver la paix en Haïti ?
La paix reviendra en Haïti. Quand ? On ne sait pas. Tout passe un jour ou l’autre, mais aujourd’hui j’observe et j’attends. Tout ceux qui vivent en Haïti, espèrent que cette fois-ci la voix du peuple haïtien sera entendue, qu’une solution sera mise en application rapidement pour soulager la misère de ce pays et pour le remettre sur les rails de la démocratie et du travail qui sont les bases fondamentales d’une nation.
Avez-vous autre chose à ajouter ?
Je remercie l’ASFE de toujours être les premiers à exprimer leur inquiétude et leur solidarité envers la communauté Française en Haïti. Il faut sensibiliser les gens autour de nous sur ce qui se passe en Haïti car la population est en grave danger, il y a des pénuries de tout et pas d’hôpitaux. Il y a une crise humanitaire en cours dans les Caraïbes. Haïti a besoin d’aide sans attendre.