Nouvelle convention et régime de transition
Après plus de 13 années sans convention fiscale, les deux pays ont signé le 4 février 2022 une nouvelle convention fiscale bilatérale qui est entrée en vigueur le 29 décembre 2023.
Une convention est un texte difficile, et il est important de bien comprendre les notions de l’Etat de la résidence (applicables aux personnes physiques comme morales) et le principe de l’Etat de la source (du revenus). Cette convention permet d’assurer la répartition des droits d’imposition et évite la double imposition par un système d’exemption et / ou de crédits d’impôts. Elle met également en place une assistance administrative et d’échanges de renseignement entre les deux administrations fiscales danoise et française.
Avec environ 9 000 Français sur le territoire danois et un investissement important des sociétés danoises en France notamment, la mise en vigueur de cette nouvelle convention ne peut être que la bienvenue pour les contribuables.
De plus, celle-ci est conforme au modèle OCDE, et très inspirée du texte du MLI (instrument multilatéral visant à mettre en musique les actions issues du plan BEPS en modifiant les conventions bilatérales conclues).
On se souvient que par note diplomatique du 10 juin 2008, le Danemark avait notifié à la France sa décision de mettre fin à la convention fiscale conclue entre les deux États. La convention avait cessé de produire ses effets au 1er janvier 2009, et l’administration avait publié dans la foulée une instruction commentant cette dénonciation et prévoyant quelques mesures d’atténuation (BOI n°71, 14 B-2-10, du 2 août 2010, ensuite reprise au BOFIP, BOI-INT-CVB-DNK, dernière mise à jour le 28 juillet 2016).
Etude des articles de la convention
La convention devrait, pour l’essentiel, s’appliquer aux revenus 2024.
En ce qui concerne la fiscalité des entreprises, la convention comprend un certain nombre de dispositions phares du MLI. L’instrument multilatéral (MLI) permet aux Etats de mettre rapidement en œuvre les recommandations du plan d’actions BEPS relatives aux conventions fiscales, y compris certains des standards minimum (dispositifs anti abus pour éviter l’évasion fiscale).
L’établissement stable (art. 5)
La convention intègre en son article 5 relatif à l’établissement stable, la nouvelle notion d’agent dépendant, susceptible de conduire à la caractérisation d’un établissement stable (personne concluant habituellement des contrats ou jouant habituellement le rôle principal menant à la conclusion de contrats, qui de façon routinière, sont conclus).
En revanche, s’agissant des exceptions en faveur d’activités spécifiques (présence d’un établissement stable écarté, par exemple, pour des activités, de stockage, d’exposition, ou de livraison de marchandises), la convention n’ajoute pas de manière systématique pour chacune des activités listées, la condition qu’elle présente un caractère préparatoire ou auxiliaire.
La convention prévoit aussi que le de temps de détention et aussi principe de la prépondérance immobilière (chère à la France). Il est ainsi précisé à l’article 13.5 de la convention, que les gains qu’un résident d’un État contractant tire de l’aliénation d’actions ou de droits ou participations similaires, tels que des droits ou participations dans une société de personnes ou une fiducie (ou un trust) sont imposables dans l’autre État contractant si, à tout moment au cours des 365 jours qui précédent l’aliénation, ces actions, droits ou participations similaires tirent directement ou indirectement plus de 50 % de leur valeur de biens immobiliers situés dans cet autre État.
La convention prévoit qu’en cas de double résidence d’une personne morale, celle-ci sera considérée comme un résident seulement de l’État où son siège de direction effective est situé (art. 4.3 de la convention, inspiré de l’art. 4 du MLI, au titre duquel la France avait formulé une réserve).
Résident (art. 4)
Si la définition de « résident d’un État contractant » est conforme à celle du modèle OCDE, la convention comporte, en sus, une définition spécifique pour les sociétés de personnes ou entités analogues françaises. Seront considérées comme résidentes de France de telles entités lorsque :
• leur siège de direction effective est en France ;
• elles sont assujetties à l’impôt en France ;
• et tous les porteurs de parts, associés ou membres sont, en application de la législation fiscale française, personnellement soumis à l’impôt à raison de leur quote-part dans les bénéfices de cette société de personnes ou de cette autre entité analogue (y compris un groupement de personnes).
Dividendes (art. 10)
Contrairement à l’ancienne convention franco-danoise qui attribuait le droit d’imposer les dividendes au seul État de résidence de leur bénéficiaire (principe d´exemption), la nouvelle convention prévoit qu’ils sont également imposables dans l’État de source. Toutefois, le taux de RAS ne pourra excéder 0 % si le bénéficiaire effectif des dividendes est une société qui détient directement au moins 10 % de la société qui paie les dividendes tout au long d’une période de 365 jours, ou 15 % dans tous les autres cas. Il y a des dispositions spécifiques dans le cas des fonds immobiliers d´investissements ou similaire.
Intérêts (art. 11)
Le droit d’imposer les intérêts est exclusivement attribué à l’État de résidence du bénéficiaire effectif (cf. ancienne convention franco-danoise).
Redevances (art. 12)
Les redevances provenant d’un État contractant et dont le bénéficiaire effectif est un résident de l’autre État contractant ne sont imposables que dans cet autre État (cf. ancienne convention franco-danoise).
Donc, si en général la convention penche, comme c’est la tendance des nouvelles conventions et le souhait de beaucoup de pays vers des systèmes de crédit d’impôt, elle permet certaines exemptions en faveur du pays de résidence (redevances, intérêts).
Paiements de la sécurité sociale et paiements similaires (art. 18)
Les paiements reçus par une personne physique, résident d’un État contractant, en application de la législation sur la sécurité sociale de l’autre État contractant sont imposables dans cet autre État. Cela couvre les pensions publiques notamment mais aussi les fonds de pensions (pensions privées si les cotisations ont permis au cours de la vie active de la personne des déductions fiscales).
Non-discrimination (art. 23)
La convention prévoit la non-application en matière fiscale de clauses de non-discrimination ou de clauses de la nation la plus favorisée figurant dans les autres accords ou traités conclus par ailleurs par la France et le Danemark.
Applications en France et au Danemark
Ses dispositions s’appliquent maintenant donc :
En France :
• en ce qui concerne les impôts sur le revenu perçus par voie de retenue à la source, aux sommes imposables à compter du 1er janvier 2024
• en ce qui concerne les impôts sur le revenu qui ne sont pas perçus par voie de retenue à la source, aux revenus afférents, suivant les cas, à l’année 2024 ou aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024
• en ce qui concerne les autres impôts, aux impositions dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2024.
Au Danemark :
• en ce qui concerne les impôts perçus par voie de retenue à la source, aux sommes payées à partir 1er janvier 2024
• et en ce qui concerne les autres impôts, pour toute année de revenu commençant à partir 1er janvier 2024
La nouvelle convention devrait significativement alléger la fiscalité des échanges entre les deux pays, prenant effet pour divers impôts à partir du 1er janvier 2024.
Mathieu Pouletty, avocat fiscaliste aux Pays-Bas