L’ASFE a eu le plaisir d’échanger avec Pierre Hourst, Président et fondateur de l’ONG « Saèk Thmey » au Cambodge : une école internationale francophone offrant, à travers l’enseignement du français, une formation professionnelle dans le secteur du tourisme à des nombreuses familles cambodgiennes.
Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Médecin à Paris pendant 10 ans puis dans le pays de Gex (près de Genève) pendant plus de 30 ans. Aujourd’hui à la retraite.
En plus d’être médecin généraliste, je suis spécialisé en homéopathie, acupuncture et nutrition.
J’ai toujours été un enseignant (apprécié selon les retours !) dans toutes les disciplines que j’ai pratiquées, sport, théâtre, yoga et médecine… J’aime partager ce que je connais.
Pour commencer, comment vous est venue l’idée de créer Saèk Thmey ?
Après avoir adopté un bébé cambodgien en 1991, l’idée de créer une ONG fut naturelle, pour rendre au pays de mon fils un peu du bonheur que cette adoption m’a apporté.
Les nombreuses visites effectuées au Cambodge depuis 1991 m’ont sensibilisé au manque de guides touristiques francophones et d’une manière plus générale au besoin qu’il y ait des jeunes pouvant comprendre et s’exprimer en français.
Ainsi, suite à une enquête d’intérêt est née l’école « Saèk Thmey » (Un avenir meilleur) d’enseignement du français avec formation professionnelle aux métiers du tourisme et de l’enseignement pour des jeunes issus de milieu défavorisé avec l’ouverture d’un petit internat pour accueillir ceux qui habitent loin de l’école, à travers les provinces du Cambodge.
Pouvez-vous décrire la situation relative à l’accès à l’enseignement au Cambodge ?
L’accès à l’enseignement au Cambodge a fait ces dernières années un bond formidable, même si tout n’est pas encore parfait, mais le bon cheminement est là. Les classes restent encore souvent surchargées et la formation des maîtres et professeurs doit se poursuivre pour leur permettre d’acquérir une pédagogie moderne. De moins en moins de jeunes sont laissés au bord de la route ou aux bons soins d’ONG qui doivent donc se reconvertir dans la formation professionnelle validante.
Comment votre projet s’est articulé concrètement ? Quels étaient vos principaux objectifs ?
Nous avons commencé en novembre 2014, après toutes les formalités déclaratives de reconnaissance auprès des instances gouvernementales, par louer une maison et la réhabiliter pour accueillir des étudiants externes désirant apprendre le français le matin ou l’après-midi selon leurs disponibilités scolaire et quelques internes. Deux espaces d’enseignement ont été aménagés progressivement pour deux niveaux d’apprentissage. Des stages pratiques ont été proposés à ceux qui souhaitaient devenir guide francophone (par accompagnement d’un guide professionnel sur le terrain).
Le succès rencontré par l’école nous a encouragé à envisager une implantation plus pérenne par l’achat d’un terrain construit ou à construire. Très vite un terrain avec une maison et un grand hall nous ont séduit car pouvant correspondre à l’ouverture rapide d’une nouvelle école d’enseignement (superficie totale doublée par rapport au premier lieu).
Le nombre d’internes a rapidement triplé ainsi que la fréquentation des externes.
L’objectif initial a vite été atteint et nous avons en plus pu répondre à une demande de cours de conversation anglaise.
Une initiation à l’informatique a également été mise en place pour les internes.
Enfin, une tentative de cours de khmer a également été proposée, mais les expatriés qui étaient intéressés par cet enseignement n’ont pas l’assiduité nécessaire après une journée de travail pour suivre des cours à l’heure de l’apéritif !
Quelles difficultés rencontrez-vous dans la réalisation de votre projet ?
L’épidémie de COVID a tout chamboulé, bien sûr, mais nous avons tenu bon, en grande partie du fait que nous sommes la maison d’habitation de nos internes et que nous nous devions de maintenir notre présence et notre enseignement pour eux. Les cours ont donc été donnés en présentiel pour les internes et en visio-conférence pour les externes (en tout cas pour ceux qui avaient les moyens de les suivre !).
Le confinement n’ayant été que de courte durée au Cambodge, l’école a pu reprendre dès la réouverture avec le respect des règles sanitaires.
Le problème le plus important fut l’absence des bénévoles, enseignants FLE venant d’Europe, qui eux ont tardé à revenir du fait des mesures imposées aux étrangers voulant se rendre au Cambodge.
Grâce à la présence sur place du directeur de l’école, de quelques francophones vivant à Siem Reap et de nos meilleurs anciens étudiants privés de travail, l’enseignement a pu reprendre sans trop de heurts.
Les étudiants ne sont pas tous revenus, la famille étant retournée à la campagne pour trouver à manger ou à la capitale à la recherche d’un travail. Dans l’ensemble, l’école a plutôt bénéficié de cette réduction d’effectif pour ne pas exploser sous les demandes.
La principale difficulté aujourd’hui est la situation de l’école qui est en zone Apsara II, rendant les constructions – extensions difficiles voir impossibles à certaines périodes.
Comment l’école a-t-elle traversé la pandémie qui a durement frappé le secteur touristique et donc vos anciens élèves ?
L’école a subi le minimum de restrictions par les confinements, celles imposées obligatoires, et a poursuivi son activité au maximum des possibilités offertes. Nous avons pu aider quelques anciens étudiants en leur proposant de donner des cours de soutien en khmer, en français et en anglais.
À quoi ressemble aujourd’hui votre quotidien ?
Mon quotidien personnel est lié à celui de l’école qui est ouverte de 07h30 à 19h30.
Nous assurons entre 20 à 22 heures de cours tous les jours de la semaine du lundi au vendredi et le dimanche j’organise des sorties « Sport et Culture » à vélo pour le plaisir (sport) et l’enseignement sur le terrain (culture).
Ma présence sur place, à l’école, permet d’organiser le planning des cours, une adaptation permanente étant nécessaire pour suivre les modifications constantes de l’école publique.
Je dois aussi suivre la progression des élèves par des évaluations régulières conjointement avec les enseignants bénévoles qui s’échangent environ tous les 2 mois.
Comment se porte aujourd’hui le secteur du tourisme au Cambodge ?
Le tourisme est essentiellement constitué de cambodgiens des couches moyennes et riches qui vont au bord de mer, visitent le site d’Angkor ou se rendent dans des régions où ils ont de la famille. En ce qui concerne le tourisme international, les pays d’Asie, Chine en tête, ne sont pratiquement pas revenus. On sent par contre un frémissement de retour des touristes européens.
Les francophones à qui vous vous adressez sont-ils revenus ? Avez-vous un message en particulier à transmettre aujourd’hui ?
En ce qui nous concerne, nous ne nous adressons pas à des francophones directement, mais à des jeunes cambodgiens qui ont le désir et la volonté de s’en sortir.
Mon message pour les jeunes cambodgiens : avoir l’envie, le courage et l’énergie de se surpasser en apprenant les langues, la culture locale et générale.
Mon message pour les francophones : soutenir des ONG qui sont transparentes sur leur passé, mais aussi sur leur futur, demain ne ressemble pas à hier et les changements demandent de savoir s’adapter, soutenir des ONG qui sont généreuses et honnêtes dans leur message.
Merci à Pierre pour cette bonne description et surtout pour son implication de tous les jours dans ce beau projet qui continue, nonobstant les nombreuses difficultés ! Bravo et longue vie à Saèk Thmey !
Super article, bravo à toi Pierre pour ton investissement. Tu fais un super travail pour les jeunes et tu permets l’apprentissage du français.
Un bonjour de France, à bientôt au Cambodge.