Le paysage politique français est une nouvelle fois en pleine recomposition. En outre, un coup de tonnerre vient de frapper les Etats-Unis avec une résonance mondiale. Par six voix contre trois, la Cour suprême américaine vient d’annuler la célèbre décision « Roe vs Wade » de 1973. Cela instaurerait un droit fédéral à l’avortement. Elle renvoie désormais aux États fédérés le pouvoir de trancher cette question sensible.
Pour de nombreux observateurs avertis, comme Laure Mandeville, spécialiste des Etats-Unis, cette décision n’est pas plus étonnante que cela. Contrairement aux Français, qui ont accepté le droit à l’avortement à la faveur d’un vote démocratique obtenu après un débat passionné à l’Assemblée nationale en 1975, les Américains, court-circuités par les juges, ne sont jamais parvenus à un consensus. Pays fédéral toujours très chrétien, les États-Unis restent en réalité, selon Laure Mandeville, « très partagés sur l’avortement, même si une majorité de 60 % est aujourd’hui favorable à ce droit, les désaccords portant surtout sur son encadrement. »
Loin de refléter l’approbation de la majorité de la population, une Cour suprême progressiste a imposé la décision « Roe vs Wade », ajoute-t-elle, par le haut au pays en 1973, évacuant du débat la moitié conservatrice américaine. La décision de 2022 ressemble donc de ce point de vue « à un effet boomerang » : elle est celle d’une Cour suprême beaucoup plus conservatrice dont les derniers juges à vie ont été nommés par Donald Trump. Mitchell est un professeur américain de droit favorable au droit à l’avortement des femmes. Le professeur estime que « la politique doit venir en premier, le droit en second ». « Les juges, dit-il, ne peuvent se substituer au débat démocratique. Nous devons redevenir une nation politique, surmonter nos désaccords profonds par la conversation, même quand elle est extrêmement difficile. Surtout au lieu d’abandonner les décisions aux juges ou aux experts. »
Ce revirement jurisprudentiel a eu, bien évidemment, un écho au-delà des Etats-Unis. En France, de nombreuses voix sont élevées pour demander l’inscription du droit à l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution. Aurore Bergé, nouvelle présidente du groupe de la majorité à l’Assemblée nationale, fut parmi les premières à se faire entendre. Tout comme le garde des Sceaux, Eric Dupont-Moretti. En revanche, François Bayrou a critiqué l’idée de « sacraliser » l’IVG dans la Loi fondamentale. Le chef du MoDem prétend, non sans raison, que personne ne remet en question le droit à l’avortement en France. De plus, que nul, non plus, ne revendique son entrée dans la Constitution. Il est certain que ce serait là un moyen de montrer que la gauche et la droite pourraient s’entendre.
L’équipe de l’ASFE