Les Jeux Olympiques d’hiver ont démarré officiellement le vendredi 4 février 2022 à Pékin, dans un climat un peu particulier. L’équipe de l’ASFE a eu l’opportunité de s’entretenir avec Pascal Gentil, Conseiller des Français de l’étranger pour la circonscription de Pékin et ancien médaillé olympique de Taekwondo.
Les Jeux Olympiques d’hiver sont un événement sportif international organisé tous les quatre ans, dont certaines disciplines sportives dites « d’hiver » sont pratiquées comme le ski de fond, le patinage artistique ou encore le bobsleigh. Comment ces Jeux Olympiques d’hiver s’organisent-ils sur le territoire chinois ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le nombre de disciplines représentées, le nombre d’athlètes sur place, etc. ?
La Chine accueille cet événement planétaire en dépit de l’aggravation de l’épidémie de Covid-19 dans le monde liée à la recrudescence du variant OMICRON et des fortes tensions diplomatiques avec certains pays occidentaux au sujet notamment des droits de l’Homme. C’est donc un événement à haut risque pour un Etat dont la politique 0 Covid pourrait être mis en difficulté.
C’est une famille olympique de 7500 membres dont 3400 athlètes qui dès le 23 janvier ont commencé à arriver progressivement pour prendre leur quartier dans les différents villages olympiques. Depuis deux ans des mesures drastiques ont étés mises en place. Tous les participants doivent être vaccinés : deux doses pour les athlètes arrivant de l’étranger et 3 pour les résidents souhaitant assister aux épreuves.
Une quarantaine de 21 jours avant d’intégrer la « bulle sanitaire » a été appliquée à ceux bénéficiant d’une dérogation ou exception vaccinale. Ces derniers ont donc été soumis à des procédures encore plus strictes que celles appliquées aux Jeux Olympiques de Tokyo de l’été dernier. Pour les sportifs et les personnels des équipes, le suivi quotidien de santé a débuté 14 jours avant l’arrivée en Chine, grâce à une application chinoise qu’il a fallu installer sur son téléphone depuis la France. L’application permet d’assurer activement le suivi sanitaire depuis le pays d’origine avec entre autre une prise de température au moins deux fois par jour.
Isolés, les milliers d’athlètes, d’entraîneurs, d’officiels, de membres du personnel olympique, de bénévoles et de journalistes vivent en « circuit fermé » (à Tokyo, les sportifs étaient également dans une bulle. Mais il y avait une certaine flexibilité et une porosité entre tous ces participants, comme les journalistes ou les bénévoles).
D’un point de vue diplomatique, il faut faire selon moi, la fameuse trêve olympique et favoriser le dialogue plutôt que le boycott pour ne pas priver les sportifs de leurs moments …
En raison de la situation épidémique, les Jeux olympiques d’hiver de Pékin se dérouleront sans aucun spectateur étranger, tandis que la billetterie a ouvert ses services à la population chinoise. Quelles autres mesures sanitaires a adopté le gouvernement chinois afin d’assurer le bon déroulement de cet évènement international ?
Comme évoqué précédemment les spectateurs seront autorisés. Même si la billetterie n’est pas ouverte, des invitations ont été distribuées via les associations et sociétés. Aucun spectateur venant de l’étranger n’est autorisé et le nombre de places sera limité. Le public n’étant pas dans la bulle, les organisateurs devront veiller à ce qu’ils ne se mêlent pas aux sportifs et aux délégations. Les autorités hésitent à prendre le risque d’ouvrir les gradins à des milliers de spectateurs qui pourront rapidement former un cluster.
La bulle comprend les sites de compétition, des hôtels et hébergements pour les athlètes, les centres de presse ainsi que les transports entre les trois zones de compétition, parfois distantes de 180 kilomètres. Dans le nouveau train à grande vitesse reliant Pékin au site de Zhangjiakou, les participants seront placés dans des wagons séparés. Une fois sur place, tout le monde sera testé tous les jours.
Seuls ceux qui ont achevé la vaccination avec deux doses depuis au moins deux semaines pourront rentrer dans la bulle sanitaire. La troisième dose n’est pas obligatoire pour le moment, mais fortement recommandée. Pour se déplacer le port du masque FPP2 sera nécessaire, voire obligatoire.
Les mesures habituelles seront en vigueur, à savoir, le port du masque, la distance physique, le lavage des mains, désinfection et ventilation des espaces régulièrement. Les températures seront également surveillées au moins deux fois par jour.
Des laboratoires d’analyse vont travailler 24 heures sur 24, avec une armée de personnel, pour fournir les résultats de manière très rapide. Les autorités se disent « prêtes » à faire face à de possibles foyers épidémiques. Elles ont même prépositionné des hôpitaux pour recevoir de potentiels cas positif.
Aucun faux pas ne sera toléré et la surveillance des autorités sera extrême. Chaque organisation arrivant de l’étranger sera d’ailleurs placée sous le contrôle direct d’un « agent de liaison » chinois. « Son rôle est de maintenir un contact étroit avec les délégations, pour s’assurer qu’elles connaissent le contenu du guide officiel contenant le protocole sanitaire « le PLAYBOOK » rédigé conjointement avec le Comité International Olympique (CIO). Ce document a pour but d’assurer l’intégrité des athlètes en les aidant à effectuer tous les travaux préparatoires avant et pendant pour faire face à une éventuelle urgence liée à l’épidémie.
Alors que les Jeux Olympiques ont commencé la semaine passée, plusieurs nations ont décidé comme les Etats-Unis, le Canada ou encore l’Angleterre de ne pas envoyer de représentants politiques aux JO, à l’inverse de la France. Comment interprétez-vous cette décision ?
En effet, début décembre 2021, les USA, le Canada, l’Angleterre et l’Australie ont annoncé leur intention de boycotter les JO de Pékin 2022 pour protester contre le « génocide et les crimes contre l’humanité en cours au Xinjiang ».
De la Chine, comment sont perçus ces boycotts ? C’est une guerre des nerfs qui dure entre les Etats-Unis et la Chine depuis des années. Les Jeux sont pris en otages pour pointer du doigt la Chine, comme cela avait été le cas en 2008 lors du passage de la flamme olympique en France où une athlète handisport chinoise s’était vue arraché la torche par des activistes pour protester contre les actions au Tibet.
Je pense qu’un sportif de haut niveau participant ou médaillé aux Jeux mérite que le Président de son pays soit présent pour l’encourager et le féliciter. J’ai eu le plaisir de m’entretenir avec le Président Macron cet été à Tokyo, et la semaine dernière, le Prince Albert II de Monaco est venu pour soutenir les Monégasques.
Quel est l’état d’esprit de nos athlètes français actuellement présents à Pékin ? Et des athlètes en général ? Quels sont vos pronostics ?
N’oublions pas que les Jeux, ce sont avant tout la fête du sport olympique et paralympique. Les athlètes sont impatients d’en découdre, l’enjeu fait le jeu. Evidemment ce long périple pour passer au travers des nombreux test PCR et autres contraintes sanitaires viendra décupler la joie lors de cette hypothétique médaille. Côté pronostics, je dirais 12 médailles françaises dont 3 en or !
Êtes-vous satisfait de l’organisation de ces JO ?
Difficile pour moi de critiquer cette organisation à laquelle j’ai pris part et encore plus le pays où je me suis installé pour voir si l’herbe y était plus verte… Des mesures drastiques sont mises en places pour protéger les sportifs ainsi que la population locale. Pour preuve, je suis séparé de mon épouse pour presque 3 mois car afin de respecter l’interdiction de quitter la bulle. Il est demandé aux résidents de ne pas voyager en dehors de la ville pour éviter les brassages de population. Une armée de bénévoles répond aux attentes des « invités » participants.
Je trouve toutefois dommage que les principaux acteurs de ce spectacle, de plus en plus suivi, n’aient pas plus de reconnaissance financière par les organisateurs. Donner des téléphones Samsung et des vêtements de marques de sport et un diplôme de participant, ce n’est pas comme ça qu’on rémunère un sportif qui, durant de nombreuses années, se prépare pour cette échéance.
Avez-vous quelque chose à ajouter ?
En 2022 nous vivons dans un monde ou le dérèglement climatique n’est plus à prouver. Pour preuve, les chutes de neige en Grèce la semaine dernière ou les multiples tsunamis. Concernant l’aspect environnemental, environ 90 % de la neige utilisée sur le site de ski alpin aux Jeux d’hiver de PyeongChang 2018 était artificielle. Son utilisation avait également été très répandue aux Jeux de Vancouver en 2010 (rebaptisés les « brown games » ou « jeux marrons » à cause d’une météo trop pauvre en neige) et Sotchi en 2014 (jeux parmi les moins verts de l’histoire, 500 canons à neige qui fonctionnaient toutes les nuits pour stocker de la neige artificielle…).
Les organisateurs font valoir que les canons sont actionnés par de l’électricité d’origine renouvelable et que l’eau retournera dans le sol après la fonte. Il est indiqué que l’eau nécessaire à la fabrication de neige dans la zone de compétition de Yanqing, où se dérouleront les épreuves de ski alpin, ne représentera que 1,6% de l’eau utilisée dans la région, selon l’Autorité des eaux de Pékin.
La neige de compétition nécessite une densité plus élevée que la neige récréative afin de répondre aux exigences de la FIS, l’instance dirigeante du ski professionnel, et d’assurer des conditions constantes pour chaque compétiteur donc la neige artificielle s’avère indispensable même avec un enneigement naturel.
Trois réservoirs d’une capacité totale maximale de stockage d’eau de 160 000 mètres cubes peuvent collecter l’eau de fonte des neiges et l’eau de pluie à travers des conduits dans la zone de compétition de Yanqing et pomper l’eau pour la fabrication de neige sur les sites, formant un recyclage interne des ressources en eau.
Les précipitations naturelles collectées et le ruissellement seront principalement utilisés, et un système intelligent aidera à décider du moment de l’enneigement en fonction des conditions météorologiques. Il est donc évident que les prochaines éditions des Jeux d’hiver subiront les affres du réchauffement climatique.