L’ASFE s’est entretenue avec Anna Godefroy, co-fondatrice et ancienne directrice d’un réseau d’entraide appelé « Binners’ project », une structure pour aider et valoriser les recycleurs urbains à Vancouver et désormais dans d’autres villes canadiennes. En 2019, elle a été lauréate du prix Trophées des Français de l’étranger 2019 dans la catégorie « Innovation ».
Pour commencer, qu’est-ce qu’un binner exactement ?
Un binner est une expression locale particulièrement utilisée pour désigner des personnes marginalisées, recyclant les déchets qu’ils trouvent dans les ‘bins’ (poubelles).
En quoi consiste votre projet ? Comment cette idée a-t-elle émergé ?
Six ans sont passés depuis la création de ce projet, développé en commun par des bénévoles et les binners eux-mêmes. Leur position sociale ainsi que leur pauvreté les ont isolés. Le but premier était de parvenir à les rassembler autour d’une même communauté mais également de créer un dialogue entre eux afin de les aider à s’organiser ensemble. Et enfin, de proposer des programmes qui répondraient à leurs besoins.
Quels sont les impacts des binners sur l’organisation et le développement socio-économique du Canada ?
Le « Binners project » a un impact qui touche à trois dimensions : sociale, économique et écologique. L’association a permis aux binners de changer de vie en obtenant des contrats auprès des différentes entreprises et acteurs locaux. Il y a donc eu création d’emplois et donc mise en relation des binners avec les différents acteurs locaux, d’où une meilleure intégration sociale (dimension socio-économique). Et enfin, les organismes qui ont fait appel à l’expertise et du savoir-faire des binners en matière de recyclage ont réduit leur taux de déchets jusqu’à 97%.
Avez-vous des partenaires qui vous soutiennent dans votre projet ou, à l’inverse, vous agissez seule avec votre communauté ?
Il s’agit véritablement d’un projet collectif et c’est sans doute, selon moi, ce qui a fait le succès du projet et de l’association. Nous avons travaillé continuellement avec les organismes et institutions de la ville de Vancouver mais également en collaboration avec les individus des quartiers. Et évidemment, nous avons noué des collaborations étroites avec les partenaires commerciaux auprès de les binners ont obtenu des contrats.
Pour quels aspects, dans la réalisation de votre projet, avez-vous fait preuve d’innovation (démarche, équipement & technologie) ?
Le Binners project a fait preuve d’innovation sur divers aspects. D’abord, en apportant un nouveau regard aux ‘vieux problèmes’ du monde – telle que la pauvreté, l’addiction, etc. Surtout en connectant ces problèmes entre eux et par exemple, en mettant en relation les acteurs entre eux au lieu de les opposer. On peut faire la comparaison avec la France, où la relation entre Etat et acteurs locaux est souvent marquée par la division. Au contraire, là il s’agit de les faire travailler ensemble pour pouvoir trouver les meilleures solutions possibles. Maintenant, les binners font partie du processus d’organisation de la ville et proposent des services de haute performance aux entreprises.
Avez-vous rencontré certaines difficultés dans l’élaboration de votre projet ? (mise en place, logistique, relation avec les différents acteurs / autorités incluses dans la réalisation du projet, …?).
Les défis concernant la réalisation de ce projet sont de nature multiple. Dès mon arrivée s’est posé le problème d’intégration et de légitimité. En tant que jeune femme française, il a fallu s’adapter aux décalages et gagner la confiance des binners.
Sans surprise, à ses débuts notre organisme a connu des difficultés à trouver des financements pour le projet. Sans oublier la charge de travail et souvent le manque de staff au moment du lancement. Ces deux facteurs font qu’il est difficile de se positionner sur le long-terme.
Pour autant, c’est la ville qui a fait part du plus grand soutien que ce soit à travers la volonté de collaborer et de nous soutenir (financièrement par exemple) avec pour objectif une réussite et des bénéfices communs.
Quelles sont les perspectives d’évolution de ce projet ?
Je ne suis plus la co-présidente de l’association donc il faudrait demander au nouveau directeur pour avoir plus de détails. Mais je sais que le groupe a reçu et continue de recevoir de plus de demandes venant du monde entier. Notamment pour des services en consultation.
Qu’est-ce qui vous a marqué lors de votre contribution à ce projet ?
Au début, en arrivant, je ne pensais pas qu’on pourrait avoir autant d’impact sur la vie des gens. Car lorsque que nous aidons quelqu’un à trouver un emploi et un logement, nous pouvons dire que nous avons changé sa vie. Et d’ailleurs, cela prouve que si tout le monde donnait un peu de son temps afin de contribuer à une cause qui lui tient à coeur, le monde serait bien meilleur.
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