Pour de nombreux Français installés à l’étranger, l’ancien permis de conduire au format papier trois volets, longtemps symbole de la mobilité à la française, est devenu une source de complications. Incompatible avec les systèmes numériques actuels, notamment celui de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), il ne peut ni être converti à distance, ni intégré dans la base centrale. En cas de perte ou de demande d’attestation, son titulaire se retrouve sans recours immédiat.
Alerte sénatoriale
C’est dans ce contexte que la sénatrice Sophie Briante Guillemont a interpellé, le 12 juin 2025, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Dans sa question écrite, elle relève que cette situation « complique les démarches administratives de nombreux Français établis hors de France » et peut même entraîner le refus de reconnaissance du permis comme justificatif officiel. Elle demande au gouvernement quelles mesures pourraient être envisagées pour permettre aux Français expatriés de mettre à jour leur titre dans des conditions adaptées à leur situation.
Le rappel des règles internationales et européennes
La réponse ministérielle, publiée le 11 septembre 2025, souligne que les marges de manœuvre de la France sont limitées. En vertu des conventions internationales de Genève (1949) et de Vienne (1968), un conducteur doit détenir un permis délivré par l’État de sa résidence normale. Ainsi, lorsqu’un Français s’installe durablement à l’étranger, il doit soit échanger son permis contre un titre local — quand un accord bilatéral le permet —, soit repasser les examens du pays d’accueil.
À l’échelle européenne, la directive 2006/126 encadre ces pratiques.
Elle instaure une reconnaissance mutuelle des permis entre États membres de l’UE et de l’EEE, ce qui constitue une garantie importante pour les expatriés. Toutefois, certains pays — comme l’Espagne, l’Italie ou l’Allemagne — exigent l’échange des permis cartonnés roses au-delà de deux ans de résidence permanente.
L’objectif est double : permettre le suivi des points de permis et appliquer leurs règles spécifiques, par exemple des contrôles médicaux pour les conducteurs de plus de 65 ans. Ces exigences, bien que contraignantes, sont jugées conformes au droit de l’Union tant qu’elles s’appliquent de manière non discriminatoire.
Une règle des 18 mois qui change tout
La réponse ministérielle distingue deux situations :
- Séjour de moins de 18 mois : la résidence normale reste considérée comme française. Dans ce cas, un expatrié peut demander le renouvellement de son permis français, y compris depuis l’étranger, en adressant son dossier par courrier aux centres d’expertise et de ressources des titres (CERT). Une modification réglementaire est en préparation pour permettre à ces usagers de faire directement leur demande en ligne via la plateforme France Titres/ANTS.
- Séjour de plus de 18 mois : la résidence normale est réputée à l’étranger. Le titulaire ne peut plus obtenir un nouveau permis français et doit se tourner vers les autorités locales. La France invoque ici le principe de compétence territoriale, découlant du droit européen et national, qui interdit de délivrer un permis français à une personne n’ayant plus sa résidence dans l’Hexagone.
Des solutions alternatives, mais partielles
Afin de faciliter la vie des expatriés, plusieurs options existent néanmoins :
- Anticiper avant le départ : un titulaire d’un permis cartonné peut solliciter son remplacement par un permis sécurisé au format européen. Cela simplifie les démarches d’échange ultérieur dans le pays d’accueil, même si les délais peuvent être longs.
- Obtenir une attestation de droits à conduire : grâce au téléservice MesPointsPermis, les Français peuvent télécharger un document officiel, sécurisé, attestant de la validité de leurs droits à conduire. Ce document, adossé au numéro NEPH, peut être exigé dans certaines démarches à l’étranger.
Enfin, une révision de la directive européenne est en cours. Elle devrait permettre aux citoyens européens de passer l’examen du permis de conduire dans le pays de leur nationalité si la langue du pays de résidence constitue un frein. Toutefois, même dans ce cas, le titre resterait délivré par l’État de résidence.
Entre protection des titres et complexité administrative
Pour le gouvernement, la situation actuelle est le résultat d’un équilibre délicat : assurer la sécurité des titres de conduite, harmoniser les règles avec les partenaires européens et respecter le cadre juridique international, tout en cherchant à limiter les désagréments pour les Français de l’étranger.
Pour les expatriés, l’enjeu est clair : prévoir avant de partir et, une fois à l’étranger, s’adapter aux pratiques locales. En attendant la réforme européenne, les anciens permis roses resteront un document fragile et de moins en moins reconnu à l’international.