Jean-Luc Ruelle avait interrogé le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères sur l’arrêté actant la suspension des adoptions internationales dans plusieurs pays d’Afrique, notamment à Madagascar et au Burkina Faso. Quelles sont les raisons ayant conduit à cette suspension ? Qu’adviendra-t-il des procédures d’adoption qui étaient sur le point d’aboutir ? Ces suspensions à répétition, correspondent-elles à une remise en cause globale du cadre de l’adoption internationale ? L’interpellation du Sénateur ASFE vient d’obtenir une réponse.
Suspension des adoptions internationales : la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant
Selon le ministre, les décisions de suspension des adoptions internationales prises par la France à l’égard de Madagascar puis du Burkina Faso reposent sur le principe fondamental de la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant. Ce principe est consacré par les conventions internationales auxquelles la France est partie. Il s’agit particulièrement de la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989 et de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, ratifiée en 1998. Ces conventions relatives à l’adoption internationale soulignent l’importance de préserver l’intérêt supérieur de l’enfant dans le cadre de la procédure d’adoption. Cela implique de veiller à ce qu’un certain nombre de conditions soit réunis.
Le rôle central de la MAI dans l’instruction de la procédure d’adoption internationale
S’agissant des raisons qui ont motivé la décision de suspension des adoptions internationales par la France, le ministre réaffirme qu’en l’espèce les décisions de suspension des adoptions internationales à Madagascar et au Burkina Faso sont justifiées par la nécessité de faire prévaloir l’intérêt supérieur de l’enfant. De même, il souligne le rôle central de la Mission de l’Adoption Internationale (MAI) dans l’instruction qui conduit à une décision de suspension d’une adoption internationale.
La MAI est l’autorité centrale au sein du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE), chargée d’orienter et de coordonner l’action des administrations et des autorités compétentes en matière d’adoption internationale. Ainsi, dans le cadre de ses prérogatives, la MAI exerce une mission permanente d’expertise en matière :
- De veille ;
- De régulation et d’orientation sur les questions de l’adoption internationale ;
- Sur les conditions de l’adoption internationale dans les différents pays d’origine, au regard du respect des droits des enfants.
Dans le cadre de ses missions, la MAI à un certain nombre de pouvoirs. En effet, elle est compétente pour suspendre les adoptions internationales en fonction des circonstances et des garanties apportées par les procédures mises en œuvre par le pays d’origine de l’enfant.
Pour instruire la procédure de suspension, la MAI s’appuie :
- Sur l’évaluation de la situation par les ambassades françaises et le réseau consulaire ;
- Sur l’expertise des autorités centrales des autres pays d’accueil voisins et des organisations internationales comme l’UNICEF ou le Service Social international.
Les élèments déterminant pour le maintien d’une procédure d’adoption internationale
Pour qu’une adoption internationale soit maintenue dans un pays, un regard majeur est accordé au contexte sécuritaire et au respect de la procédure d’adoption par l’organisme compétent. En effet, le ministre rappelle que selon les observateurs des droits de l’enfant, le maintien de l’adoption internationale est fortement déconseillé dans les situations d’urgence ou lorsque les conditions de sécurité ne sont pas réunies. Les situations de crise ne permettraient pas de garantir la sécurité et l’éthique des procédures, notamment parce qu’elles sont un facteur propice aux pratiques frauduleuses et aux violations des droits des enfants.
D’après le ministre, c’est à l’aune de ces considérations du contexte sécuritaire au Burkina Faso que la suspension des adoptions a été actée. Loin d’être un cas isolé, le ministre rappelle que ces mêmes considérations avaient conduit à la suspension des adoptions internationales en Haïti en mars 2020, en Russie et en Ukraine dès mars 2022, au Mali plus récemment. Le ministre relève notamment le fait que la France avait déconseillé formellement tout déplacement au sein de ces pays, notamment en raison de la dégradation du contexte sécuritaire.
Concernant Madagascar, le ministre souligne que la suspension des adoptions intervenue en octobre 2022 puis sa reconduction en 2023 a été motivée par les fragilités de l’autorité centrale pour l’adoption relevée par le rapport du Comité des droits de l’enfant des Nations unies du 9 mars 2022. En somme, le ministre affirme que les décisions de suspension des adoptions internationales à Madagascar et au Burkina Faso reposent sur l’absence de garanties nécessaires en termes de sécurité et d’éthique des procédures.
Conséquences de la décision de suspension pour les procédures d’adoption en cours
Selon le ministre, les décisions de suspension ne concernent pas les procédures sur le point d’aboutir.
En effet, il précise que les familles qui étaient déjà apparentées à un enfant à la date de publication des arrêtés ne seront pas affectées par les décisions de suspension. Le ministre confirme que les familles peuvent mener leur procédure d’adoption jusqu’à leur terme.
En revanche, le ministre souligne que les familles qui avaient débuté la procédure d’adoption, mais qui n’étaient pas encore apparentées à un enfant à la date de la publication ne pourront pas poursuivre leur projet d’adoption dans un pays ayant fait l’objet d’un arrêté de suspension. Le ministre précise que ces décisions s’imposent par précaution et dans l’intérêt supérieur des enfants qui doivent être protégés de tout risque de dérives. Le ministre rappelle qu’en la matière la plus grande vigilance est de rigueur dans ce domaine où le risque de pratiques illicites ne saurait être écarté.