Le divorce quand celui-ci présente des liens avec plusieurs Etats – époux mariés et résidant à l’étranger, couples mixtes – soulève plusieurs questions quant à la la possibilité que le divorce soit prononcé en France ou bien encore quant à la reconnaissance en France d’un divorce prononcé à l’étranger. L’ASFE vous répond…
Peut-on divorcer en France si le mariage a été célébré à l’étranger?
Il faut d’abord vérifier si le juge français est compétent puis quel droit est applicable au divorce. En effet, le juge compétent peut être amené à appliquer la loi d’un autre pays que le sien.
Cela relève t-il de la compétence du juge français ?
Le règlement européen Bruxelles II bis (art. 3) du 27 novembre 2003, détermine la juridiction compétente en matière de divorce. Les juges français peuvent se déclarer compétents si, la France est :
- la résidence habituelle des époux ;
- la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l’un d’eux y réside encore ;
- ou la résidence habituelle du défendeur ;
- ou, en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l’un ou l’autre époux ;
- ou la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l’introduction de la demande ;
- ou la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l’introduction de la demande et s’il est soit ressortissant français
- l’Etat dont les deux époux possèdent la nationalité.
Si votre situation n’est pas décrite dans l’article 3 du règlement européen précité, c’est l’article 7 du même règlement, qui s’appliquera et renverra aux lois de la juridiction que le requérant envisage de saisir afin de désigner alors la juridiction compétente.
Pour la France, il est possible d’invoquer l’article 1070 du code de procédure civile ou les articles 14 et 15 du code civil (qui définissent un privilège de nationalité lorsque le demandeur ou le défendeur a la nationalité française).
L’article 1070 du code civil donne compétence au juge du tribunal de résidence de la famille et si les parents sont déjà séparés, il s’agira alors hiérarchiquement :
- du juge du lieu de résidence du parent avec lequel résident habituellement les enfants mineurs en cas d’exercice en commun de l’autorité parentale ;
- du juge du lieu de résidence du parent qui exerce seul cette autorité ;
- du juge du lieu de résidence de celui qui n’a pas pris l’initiative du divorce.
Les articles 14 et 15 du Code civil instituent eux le “privilège de juridiction” qui permet, dès lors que le demandeur ou le défendeur est de nationalité française, de désigner le juge français compétent. La demande en divorce devra alors être déposée par un avocat au greffe du tribunal de grande instance du domicile en France de l’un des conjoints. Si aucun des époux ne possède de résidence en France, l’avocat s’adressera au tribunal de grande instance de l’ancienne résidence française du demandeur ou à défaut au tribunal de grande instance de Paris.
/!\ Il n’est pas rare que plusieurs tribunaux soient compétents : les conseils d’un avocat spécialisé sont essentiels pour vous aider à faire votre choix selon vos priorités : la procédure la plus rapide ou la moins onéreuse ou la plus avantageuse pour avoir les effets attendus ou l’exécution de la décision de divorce.
Une fois que vous avez déterminé la juridiction compétente, cela ne détermine pas forcément la loi applicable au divorce qui peut être différente pour le régime matrimonial et les obligations alimentaires.
Quelle loi est applicable au divorce ?
Au même titre que les règles de conflit de juridiction, il existe des règles de conflit de lois quand plusieurs lois sont susceptibles de s’appliquer à un même litige, chaque État a encore ici des règles différentes qui peuvent être régies par :
Des conventions bilatérales
3 pays ont signé des conventions avec la France, qui disposent que la loi applicable est celle de l’Etat dont les époux ont tous deux la nationalité ou celle de l’Etat où les époux ont leur résidence commune ou avaient leur dernière résidence commune : la convention entre la France et le Maroc relative « au statut de personnes et de la famille et à la coopération judiciaire du 10 Août 1981 », la convention entre la France et la Pologne relative à la loi applicable, la compétence et l’exéquatur dans le droit des personnes et de la famille du 5 Avril 1967 et la convention entre la France et la Yougoslavie (reconduit par la Serbie) relative à la loi applicable et à la compétence en matière de droit des personnes et de la famille du 18 Mai 1971.
Le Règlement européen N°1259/2010 dit Rome III
Le règlement est applicable dans les États membres participant à la coopération renforcée, soit seize États (Belgique, Bulgarie, Allemagne, Espagne, France, Italie, Lettonie, Luxembourg, Hongrie, Malte, Autriche, Portugal, Roumanie, Slovénie, Lituanie, Grèce) mais concerne tous les couples internationaux, quelle que soit leur résidence, ressortissants des 16 États membres participants ou des 11 autres États de l’UE ou d’un État tiers .
Il permet, si les époux sont d’accord de désigner à l’avance la loi applicable à leur divorce dans les situations suivantes :
- les époux sont de nationalités différentes ;
- les époux n’ont pas leur résidence habituelle dans le même Etat ;
- les époux résident dans un Etat dont ils n’ont pas la nationalité ;
- le mariage a été contracté dans un Etat autre que celui dans lequel le couple a sa résidence habituelle.
Le règlement n’est applicable que dans les Etats participants mais concerne tous les couples internationaux.
Les lois susceptibles d’être choisies sont :
- la loi de l’État de la résidence habituelle des époux au moment de la saisine de la juridiction ;
- la loi de la dernière résidence habituelle des époux pour autant que cette résidence n’ait pas pris fin plus d’un an avant la saisine de la juridiction et que l’un des époux réside encore dans cet Etat au moment de la saisine de la juridiction ;
- la loi de l’État de la nationalité de l’un des époux au moment de la conclusion au moment de la saisine de la juridiction ;
- la loi du for c’est-à-dire la loi du tribunal saisi.
Vous êtes déjà mariés ? Il n’est pas trop tard. Le choix peut être effectué avant la saisine du juge du divorce, en cours de mariage voire en cours de procédure de divorce si la loi du for le permet.
N.B : Ce règlement a une application universelle. Cela signifie que la loi désignée par les époux sera applicable même si celle-ci est issue d’un Etat non participant. Indépendamment du tribunal saisi dans l’un des États membres participants, la loi désignée d’un accord commun sera appliquée.
Des règles internes de conflit de loi
À défaut de choix par les parties, l’article 8 du règlement dispose que le divorce sera soumis à la loi de l’Etat :
- De la résidence habituelle des époux au moment de la saisine de la juridiction ; ou à défaut,
- De la dernière résidence habituelle des époux pour autant que cette résidence n’ait pas pris fin plus d’un an avant la saisine de la juridiction et que l’un des époux réside encore dans cet Etat au miment de la saisine de la juridiction ;
- De la nationalité des deux époux au moment de la saisine de la juridiction ; ou à défaut ;
- Dont la juridiction est saisie.
Reconnaissance des divorces étrangers en France
Divorces prononcés dans l’Union européenne (hors Danemark)
Les divorces prononcés à l’étranger sont en principe reconnus de plein droit en France, cela signifie qu’ils ne nécessitent pas de jugement français pour produire des effets.
La vérification d’opposabilité n’est plus systématiquement nécessaire. Pour que l’apposition de la mention soit faite sur les acte de naissance et de mariage, il faut présenter et remettre à l’officier de l’état civil :
- la copie intégrale de la décision : soit en original soit en copie certifiée conforme ;
- la demande écrite, signée et datée : doit figurer votre identité et celle de votre ancien conjoint (nom – prénom – date et lieu de naissance) ainsi que la mention des actes de naissance et/ou de mariage à mettre à jour ;
- le certificat, rempli par l’autorité étrangère compétent de l’état européen dans lequel a été rendue la décision de divorce ;
- à défaut de certificat, une copie de l’acte étranger de naissance ou de mariage doit être fournie. Elle doit obligatoirement porter mention de la décision ;
- la copie de tous les actes d’état civil français qui nécessitent une mise à jour.
La transcription en pratique
- Lorsque le mariage a été célébré en France
Il faut adresser votre demande à la mairie de mariage qui transférera aux mairies de naissance. Si la naissance a eu lieu à l’étranger et a été retranscrite en France, la demande de mention en marge de l’acte doit être aussi demandée auprès de Service Central d’état Civil de Nantes.
Pour un époux étranger, il faudra prendre contact avec sa mairie de naissance afin que mention soit faite. Pour les pays de l’Union Européenne, les officiers d’état civil demandent généralement le certificat de l’article 39 (certificat visé à l’article 39 concernant les décisions en matière matrimoniale et prévu dans le règlement (CE) n°2201/2003) qui est délivré par le Tribunal de Grande Instance où les époux ont divorcé.
Pour les autres Etats, un certificat de non-pourvoi apostillé ou légalisé sera demandé et un avocat sera parfois nécessaire. Il pourra vous guider sur la nécessité de fournir d’autres pièces justificatives qui seront presque toujours traduites et légalisées.
- Lorsque le mariage a été célébré à l’étranger
Pour des ex-conjoints de nationalité française mariés à l’étranger, la mairie de leur lieu de naissance s’occupe de la transcription sur l’acte de naissance.
Pour l’acte de mariage, il est nécessaire de faire une demande de mention en marge auprès du Service Central d’état Civil de Nantes. Si le mariage célébré n’a pas été transcrit au préalable, vous devrez fournir la copie de l’acte de mariage légalisé et traduit.
Divorces prononcés dans un État hors Union Européenne et au Danemark
Il faut faire une demande de vérification d’opposabilité qui doit être adressée au Procureur de la République (du lieu du mariage ou si le mariage a été célébré à l’étranger auprès du Procureur de la République de Nantes ) avec les documents suivants :
• une copie intégrale de la décision en original ou en copie certifiée conforme. Si la décision n’est pas motivée, il convient de produire également l’acte de saisine du tribunal ou tout autre acte comportant l’exposé de la demande ;
• la preuve du caractère définitif de la décision étrangère (certificat établi par l’avocat ou par toute autre autorité, acte de non recours ou acte portant mention de la décision) ;
• la traduction des pièces établies en langue étrangère, apostillées ou légalisées si nécessaire ;
• la preuve du domicile des parties au jour de l’introduction de l’instance devant l’autorité étrangère (si elle ne résulte pas de la lecture même de la décision) ;
• la preuve de la nationalité des parties au jour de l’introduction de l’instance devant l’autorité étrangère ;
• la copie intégrale des actes de l’état civil en marge desquels doit être apposée, le cas échéant, la mention de la décision étrangère ;
Si la décision étrangère est jugée opposable en France, le Procureur de la République donne instruction aux officiers d’état civil concernés (c’est à dire ceux détenant les actes concernés) d’apposer la mention de divorce en marge des actes dont ils sont détenteurs.