Dans un groupe disposant d’une implantation internationale, un salarié peut être mis à disposition d’une filiale étrangère. Qu’il soit alors sous le statut de détaché ou d’expatrié, un contrat de travail peut être conclu avec la filiale étrangère. Le lien contractuel entre le salarié et l’entreprise d’origine en France peut, lui, être maintenu ou pas. Dans tous les cas, l’entreprise d’origine a l’obligation de rapatrier et de reclasser le salarié en cas de rupture de contrat ou de licenciement. L’ASFE fait le point sur le droit des salariés et les obligations des entreprises.
Quels types de contrats sont concernés?
- Mise à disposition du salarié auprès de la filiale avec maintien du lien contractuel avec l’entreprise d’origine par avenant à son contrat de travail initial ;
- Suspension du contrat de travail initial et conclusion d’un contrat de travail entre le salarié et la filiale ;
- Rupture du contrat de travail initial (rupture amiable ou démission) et conclusion d’un nouveau contrat entre le salarié et la filiale. Il s’agit d’un contrat de droit local, sauf en cas de choix expresse de le soumettre à une autre législation.
Fin de la mise à disposition
En cas de licenciement – quel qu’en soit le motif : économique, personnel ou disciplinaire (faute simple, grave ou lourde), la société mère française a obligation de rapatriement et de réintégration du salarié (article L 1231-5 du Code du travail).
Ces obligations s’imposent également à la société en cas de rupture du contrat par la filiale – quelle qu’en soit la cause – (Cass. soc. 26-5-2016 no 15-12.448 F-D) et en cas de cession de la filiale (Cass. soc. 13-11-2008 no 06-42.583 FS-PBR).
Cela s’applique même si le salarié concerné n’a pas exercé de fonctions effectives au sein de la société mère avant son détachement auprès de la filiale étrangère. Un salarié embauché par la société mère et mis immédiatement à disposition de la filiale se verra donc rapatrié et réintégré dans les mêmes conditions qu’un salarié qui avait occupé un poste précédemment au sein de la société mère (Cass. soc. 7-12-2011 no 09-67.367 FS-PB ; Cass. soc. 9-1-2013 no 11-20.013 F-D).
Ces obligations s’exercent aussi si le contrat conclu avec la filiale est soumis au droit étranger (Cass. soc. 30-3-2011 no 09-70.306 FS-PBR) ou si celui conclu avec la société mère n’a pas été maintenu.
En cas de démission du salarié au cours de sa mise à disposition à l’étranger, l’employeur n’est pas tenu d’assurer sa réintégration.
Comment s’organise le rapatriement?
L’employeur est tenu d’organiser le rapatriement à l’issu de la mission à l’étranger de son propre chef et non pas sur demande du salarié concerné. (Cass. soc. 18-7-2000 n° 97-45.043 FS-D ; Cass. soc. 19-10-2017 n° 16-18.854 F-D).
Le montant des frais ainsi que leur nature, que l’employeur doit prendre en charge, sont habituellement prévus par le contrat de travail ou l’avenant à ce contrat signé avant la mise à disposition. Au minimum, cela couvre le transport du salarié et son déménagement. Les frais supplémentaires liés au retour en France peuvent également avoir été négociés par le salarié lors de la conclusion du contrat.
Les frais liés au transport du conjoint ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité (Pacs), ainsi que des enfants peuvent être endossés par l’employeur mais ce n’est pas une obligation.
Si l’employeur accuse du retard dans la prise du rapatriement, il doit rembourser au salarié les frais de séjour supportés par le salariés entre son licenciement par la filiale et son rapatriement en France (Cass. soc. 5-5-1982 no 80-40.481 P).
Comment la société mère doit-elle réintégrer le salarié?
Licenciement par la filiale étrangère
L’article L 1231-5 du Code du travail dispose que la société mère française doit procurer au salarié « un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions » en son sein. Elle a obligation de proposer au salarié un poste dont le niveau hiérarchique et la rémunération sont au moins équivalent au poste qu’occupait le salarié avant son départ à l’étranger.
C’est encore une fois à l’employeur qu’incombe l’initiative de réintégrer le salarié en son sein. Il doit lui faire une proposition loyale (Cass. soc. 28-10-2015 no 14-16.269 FS-PB) et lui transmettre à ce titre une offre de poste sérieuse et précise (Cass. soc. 24-11-1983 no 3854 D ; Cass. soc. 21-11-2012 no 10-17.978 FS-PB ; Cass. soc. 20-10-2016 no 15-17.526 F-D) en lui communiquant les informations de base quant au nouveau poste (attribution, statut, rémunération).
Autre cas
Lorsque la fin de détachement ne résulte pas d’un licenciement mais que la réintégration s’impose comme explicité plus haut, les caractéristiques du poste de réintégration devant être proposé au salarié ne font l’objet d’aucune disposition légale. Toutefois, la convention collective, le contrat de travail ou son avenant prévoient les modalités de cette réintégration. Il faut alors se référer à ces dispositions pour s’assurer de la bonne exécution du contrat de travail.
A défaut de reclassement sérieux
Dans le cas où l’employeur ne fait pas de proposition sérieuse, précise et compatible avec l’importance des précédentes fonction du collaborateur, il est réputé n’avoir pas rempli ses obligations. Le salarié peut donc s’en prévaloir pour prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur ou solliciter la résiliation judiciaire de son contrat.
La société mère est dans l’obligation de lui verser des salaires et accessoires de rémunération (avantages en nature, frais professionnels…) de son dernier emploi (c’est à dire de celui qu’il percevait auprès de la filiale étrangère), jusqu’à la date de son licenciement.
Rupture du contrat lors du retour en France
Motif du licenciement
La société mère souhaitant mettre fin au contrat de travail du salarié à son retour en France doit avoir un motif réel et sérieux pour procéder au licenciement et respecter les règles de droit commun.
Elle doit disposer de motifs qui lui sont propres et invoquer un motif de licenciement distinct de celui de la filiale étrangère (Cass. soc. 30-3-1999 no 97-40.544 PB ; Cass. soc. 19-4-2000 no 98-40.039 D ; Cass. soc. 13-6-2006 no 04-40.256 F-D).
La société mère peut procéder au licenciement :
– pour motif économique en raison de l’absence de poste disponible (Cass. soc. 19-12-2000 no 98-42.919 FS-P) ;
– pour faute grave si des faits commis ou un comportement au cours du détachement a pu porter atteinte à la réputation de la maison mère (Cass. soc. 17-11-2010 no 09-42.695 F-D) ;
Calcul des indemnités
Le salarié licencié lors de son retour en France peut bénéficier d’indemnités de rupture. Celles-ci sont calculées par référence aux salaires perçus (en prenant en compte les primes et avantages liés au séjour à l’étranger) par le salarié dans son dernier emploi, en prenant donc en compte le temps qu’il a passé au service de la filiale (Cass. soc 4 mai 2011, n° 09-42979).
Si le salarié a été licencié par la filiale puis par la maison mère, il a droit au paiement d’indemnités distinctes au titre de ces deux licenciements successifs mais ne peut cumuler, pour une même période d’emploi et pour un même travail, des indemnités ayant le même objet.
Ainsi si l’employé a perçu, de la part de la filiale, des indemnités de licenciement sur l’ensemble de sa carrière et équivalentes à celles qu’il aurait perçues en France, il ne peut pas obtenir à nouveau de telles indemnités auprès de la société mère (Cass. soc. 4-12-1985 no 88-41.913 P).
Concernant les indemnités de préavis, celles-ci concernent des licenciements distincts n’ayant pas la même cause et s’appliquant à des périodes différentes et peuvent donc être versées de façon concomitante. (Cass. soc. 15-11-1989 no 86-43.866 P ; dans le même sens : Cass. soc. 20-1-1993 no 89-43.873 D)