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Enseignement français à l’étranger : l’inquiétude persiste

Lors de la Conférence des ambassadeurs et des ambassadrices qui se tenait le 29 août dernier à Paris, Jean-Yves le Drian – ministre de l’Europe et des Affaires étrangères – a tenu à mettre en avant l’importance de la diplomatie d’influence de la France. L’enseignement français à l’étranger, vecteur du rayonnement culturel et linguistique français, en fait partie. Les lycées français constituent également un instrument de service public à l’adresse des Français résidant à l’étranger, souhaitant que leurs enfants suivent une scolarité dont la qualité et les valeurs correspondent à celles du système éducatif français.

Ce modèle est cependant de plus en plus questionné. D’année en année, les moyens alloués à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) ne cessent de décliner tandis que les frais d’écolage, eux, ne cessent d’augmenter. Le nombre d’établissements en gestion directe diminue au profit des établissements conventionnés et des établissements partenaires, pendant que le nombre de professeurs employés en contrat de droit local n’a jamais été aussi grand.

Des annonces qui semblent aller dans le bon sens…

Alors que le président de la République appelle de ses vœux le doublement des effectifs au sein des établissements français à l’étranger à l’horizon 2030, et qu’une réforme de l’enseignement français à l’étranger est en préparation, Jean-Yves le Drian a fait plusieurs annonces qui seront prochainement précisées dans le « Plan de développement de l’enseignement français à l’étranger ». Ce plan a été conçu conjointement avec le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer.

Le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères a réaffirmé la volonté du président d’accueillir plus d’élèves au sein des établissements français, c’est-à-dire d’atteindre le nombre de 700 000 élèves d’ici 2030.

Pour ce faire, il plaide pour un élargissement du cercle des partenaires (investisseurs, associations…) et pour l’y aider, la procédure d’homologation des établissements délivrée par le ministère de l’Education nationale devrait être simplifiée tout en restant « exigeante ». En effet, chaque établissement prétendant entrer dans le réseau AEFE doit au préalable mettre en œuvre et respecter un certain nombre de critères, liés aux programmes et aux méthodes éducatives.

Le ministre a également annoncé l’augmentation du nombre de détachement de professeurs (1000 titulaires supplémentaires viendront renforcer les équipes éducatives), le recours à un recrutement local accru et la création d’un nouveau master spécialisé pour l’enseignement dans ces établissements (par ailleurs, il existe déjà un DU proposé par l’Université Clermont-Auvergne « Enseigner dans un établissement français à l’étranger »).

L’AEFE disposera d’une subvention supplémentaire de 25 millions d’euros dès 2020. La participation financière complémentaire pour les établissements en gestion directe ou conventionnés – dont l’augmentation avait provoqué globalement une hausse des frais de scolarité à partir de 2017 – devrait retrouver son niveau de 2016.

…mais qui cachent une réalité plus contrastée

Le point d’inquiétude majeur réside dans le risque réel d’une privatisation du réseau déjà bien amorcée. La dynamique budgétaire publique – très contrainte – servirait la substitution de l’opérateur public par des investisseurs privés, tendance qui semble être privilégiée par le gouvernement pour conduire son plan de doublement des effectifs, faute d’apporter les moyens nécessaires à cette ambition.

Si l’appui du secteur privé dans l’enseignement français à l’étranger semble incontournable compte tenu des orientations budgétaires et de la nécessaire diminution des dépenses publiques, le Quai d’Orsay se doit de garder la main sur le réseau des établissements. Autrement, le risque est de voir se développer un véritable marché de l’enseignement français à l’étranger, avec une augmentation inéluctable et importante des frais de scolarité, réservée à ceux qui pourront en assumer le coût financier.

Intervenant après la suppression de 500 postes d’enseignants sur les trois dernières années, le recrutement de 1.000 nouveaux titulaires soulève de nombreuses interrogations : à quelle échéance se feront leur prise de poste, dans quel établissement seront-ils affectés – ceux du réseau actuel ou au sein des nouveaux établissements partenaires – sur quel budget s’opéreront ces détachements ?

Quant aux 25 millions d’euros supplémentaires annoncés, les interrogations sont tout aussi nombreuses : s’agit-il de 25 millions supplémentaires par an ou seulement sur le budget 2020 ? En tout état de cause, ces subventions additionnelles ne compenseront pas la coupe de 33 millions intervenue à l’été 2017 et encore moins la baisse constante des crédits publics consacrés à l’AEFE évaluée à 14% depuis 2012, alors même que les charges n’ont cessé d’augmenter (+19,5% entre 2012 et 2017) du fait de la croissance du nombre d’élèves et du poids des pensions civiles des enseignants, que l’AEFE doit assurer.

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