Site icon ASFE · Alliance Solidaire des Français de l'Étranger

Les principaux réflexes à adopter dans la gestion de votre patrimoine à l’étranger

Spécialiste du conseil patrimonial et de l’accompagnement des Français de l’étranger, Laetitia Trabet a fondé T Conseil – Patrimoine, Collection et Expatriation, une structure dédiée aux problématiques financières, fiscales et patrimoniales des expatriés. Son approche sur-mesure vise à aider chacun à mieux comprendre les spécificités de sa situation à l’étranger, à sécuriser son avenir financier et à conserver son autonomie économique. Son rôle est de mettre en lumière les points d’attention et de vous orienter vers les professionnels adaptés. Avec elle, nous revenons sur les grands réflexes à adopter en matière de gestion de patrimoine à l’étrangernotamment pour les femmes, souvent plus exposées aux risques de dépendance financière au sein du couple.

De manière générale, quelles sont les erreurs les plus fréquentes que commettent les expatriés français lorsqu’ils s’installent à l’étranger, notamment sur le plan fiscal et patrimonial ?

La première erreur est de considérer l’expatriation comme un simple changement d’adresse. En réalité, c’est un changement complet de système : juridique, fiscal, bancaire et administratif. Beaucoup conservent leurs réflexes français, alors que les règles du jeu changent totalement. Un défaut fréquent est le manque d’anticipation sur la résidence fiscale, pouvant entraîner double imposition, perte d’avantages fiscaux ou absence de déclaration correcte.

Autre point : la méconnaissance de l’organisation patrimoniale et de la mutabilité du régime matrimonial. Beaucoup pensent qu’il suffit de se marier au consulat, de faire un aller-retour en France ou que leur PACS ou mariage reste automatiquement reconnu à l’étranger, ce qui n’est pas toujours le cas. Les règles varient selon le pays et certaines dispositions locales peuvent s’imposer au fil du temps. Cette méconnaissance peut entraîner des conséquences importantes sur la propriété des biens, la succession ou la répartition en cas de séparation.

Enfin, ne pas remettre sa situation patrimoniale en question au fil du temps peut déstabiliser l’équilibre du couple et avoir des conséquences importantes en cas de séparation ou de décès.

Vous accompagnez beaucoup de femmes expatriées. Quels conseils leur donneriez-vous pour éviter de se retrouver dépendantes économiquement de leur conjoint, surtout lorsqu’elles interrompent leur activité professionnelle pendant l’expatriation ?

Le plus important est de conserver une forme d’autonomie financière, même réduite : un compte bancaire personnel, une épargne à leur nom ou un suivi régulier des finances du foyer (le téléchargement des applications bancaires sur son téléphone est souvent le premier pas le plus simple à réaliser).

Il ne faut pas oublier de documenter la situation : contrats de travail, droits à retraite, régimes du pays d’accueil, montants et type d’investissements du couple. Lorsqu’une femme met sa carrière entre parenthèses, elle doit compenser par une organisation patrimoniale claire et traçable.

Si le fameux 50/50 a été mis en place, il peut être utile de le rediscuter pour ajuster l’équilibre réel du couple.

Parler d’argent sans tabou et, si nécessaire, faire appel à un tiers de confiance (notaire spécialisé, avocat, médiateur familial ou conseiller en gestion de patrimoine) contribue à sécuriser la situation de chacun.

Comment une femme expatriée peut-elle anticiper sa situation pour préserver ses droits – notamment en cas de séparation, de retour en France ou de succession ?

La première étape consiste à identifier correctement sa résidence fiscale : c’est elle qui détermine les obligations, les droits et parfois même la manière dont un patrimoine sera partagé en cas de rupture ou de décès. Ensuite, il est utile de vérifier comment le pays d’accueil reconnaît le régime matrimonial choisi en France, car certains systèmes appliquent automatiquement leurs propres règles au bout de quelques années.

Actualiser les documents de protection (testament adapté au pays de résidence, clauses bénéficiaires mises à jour, organisation du patrimoine du couple clarifiée) permet à chacun de rester acteur de sa situation et de sécuriser les droits de toute la famille.

Quelles stratégies d’épargne et d’investissement recommandez-vous pour une expatriée qui souhaite constituer un patrimoine personnel tout en tenant compte de sa résidence fiscale à l’étranger ?

La stratégie dépend toujours du pays d’accueil, mais quelques principes sont universels. Conserver une épargne de précaution personnelle est indispensable pour maintenir une autonomie financière.

Ensuite, éviter les écueils silencieux qui s’installent sans que nous nous en rendions compte. Il est courant de penser que tout ce qui est dépensé pour le foyer ou les enfants constitue un investissement commun. Ce n’est pas toujours le cas que nous soyons mariés ou non. En réalité, payer les courses, les loisirs ou la vie quotidienne peut revenir à financer les “épluchures de carottes” : indispensable, mais cela ne construit pas un patrimoine propre. Pendant ce temps, si le partenaire utilise son épargne pour un portefeuille-titres ou un bien immobilier à son nom, un déséquilibre se crée sans bruit.

Chaque conjoint suiveur doit pouvoir constituer un capital personnel et une vraie retraite, au-delà des dépenses quotidiennes. Il s’agit de trouver un équilibre entre contribution au foyer et construction patrimoniale individuelle, avec des solutions compatibles avec la fiscalité du pays de résidence et une vision claire des projets de vie.

Le choix du régime matrimonial a-t-il un impact particulier pour les couples expatriés ? Faut-il envisager une adaptation en fonction du pays d’accueil ?

Le régime matrimonial a un impact direct sur la manière dont les biens sont possédés et partagés, surtout à l’étranger. Selon le pays d’accueil, un régime choisi en France peut être reconnu, adapté ou totalement ignoré. Dans certains systèmes, les règles locales s’imposent après quelques années, ce qui peut entraîner des conséquences inattendues sur la propriété des biens, la succession ou les droits en cas de séparation.

Il est donc conseillé de revoir son régime matrimonial avant le départ, et de prévoir une adaptation éventuelle en fonction du pays de résidence, avec l’accompagnement d’un professionnel du droit international privé ou d’un notaire spécialisé.

Enfin, si vous deviez donner trois réflexes financiers essentiels à toute femme qui part vivre à l’étranger, quels seraient-ils ?

  1. Conserver un compte bancaire personnel dans les pays clefs (France, pays de résidence et pays dans lesquels sont les principaux investissements) et une épargne disponible.

  2. Comprendre son statut fiscal et social dans le pays d’accueil, même si l’on n’y exerce pas d’activité.

  3. Garder une lecture précise du patrimoine du foyer : savoir comment il est structuré, où sont les comptes, quels sont les engagements, avoir un accès direct aux documents essentiels (livret de famille, contrat de mariage, contrat de PACS, actes de propriété…).

Ces précautions ne visent pas à distinguer ou opposer “conjoint moteur” et “conjoint suiveur”. Elles permettent de maintenir un dialogue équilibré sur l’économie du foyer et de protéger la famille dans son ensemble. L’expatriation ne crée pas les risques : elle déplace les règles. Les comprendre permet de rester libre de ses choix, où que l’on vive.

Quitter la version mobile