La France vient de franchir une étape importante dans la façon dont elle gère la fin de vie de ses navires. Un décret publié ce jour au Journal officiel de la République française met en œuvre la convention internationale dite de Hong Kong, signée en 2009, et désormais applicable depuis le 26 juin 2025.
Le pourquoi d’une convention
Le secteur du démantèlement naval est depuis longtemps perçu comme l’un des plus dangereux pour les travailleurs et l’environnement : navires contenant de l’amiante, des substances toxiques ou des métaux lourds, conditions de travail difficiles dans les chantiers de démolition. La convention de Hong Kong, adoptée sous l’égide de la Organisation maritime internationale (OMI), vise à encadrer les pratiques : elle impose que chaque navire dispose d’un inventaire des matières potentiellement dangereuses, que les chantiers de recyclage soient agrées, et que soit assurée la traçabilité et la conformité des installations.
Un décret français qui arrive après…
Même si la France avait signé la convention il y a plusieurs années, la publication de ce décret marque l’engagement concret de Paris dans l’application nationale du texte international. Par ce biais, la France adapte son cadre légal pour que les navires battant pavillon français – ou exploités sous autorité française – ainsi que les installations de recyclage situées en France puissent répondre aux exigences de la convention.
Ce que prévoit le texte
Parmi les principales exigences :
- l’obligation pour un navire neuf (et, dans un délai imparti, pour les navires existants) d’être accompagné d’un « Inventaire des matières potentiellement dangereuses ».
- les chantiers de démolition / recyclage doivent suivre un plan et respecter des normes strictes, tant sur les aspects environnementaux (stockage, traitement des déchets) que sur les conditions de travail (formation, équipements de protection).
- des mécanismes de contrôle, de certification et de sanction pour les installations sous juridiction française.
Enjeux pour les acteurs français
Pour les armateurs et les exploitants de navires en France, cela signifie un renforcement de la réglementation : la fin de vie d’un navire ne peut plus se faire de façon « informelle », mais dans un cadre clairement défini. Pour les chantiers de démolition et de recyclage, la conformité devient un facteur de compétitivité : seuls les sites reconnus pourront être utilisés pour certains types de navires.
Mais aussi des défis à relever
Ce changement ne va pas sans obstacles :
- Coûts accrus : Les nouvelles exigences peuvent induire des investissements supplémentaires pour les chantiers (installation de sols imperméables, traitement des déchets dangereux, formation des personnels).
- Coordination internationale : Comme le souligne une analyse du secteur, « aucun site conforme aux règles de Hong Kong ne satisfaisait encore aux critères européens » au moment de l’entrée en vigueur. Cela implique que pour les navires français ou européens, il faudra naviguer dans un environnement réglementaire double (convention internationale + règlement européen).
- Mise en œuvre effective : Avoir le texte légal est une chose, mais la capacité de contrôles, de sanction et de suivi dans les chantiers reste cruciale. Les syndicats rappellent que l’application dépendra de l’investissement des gouvernements, des employeurs et des travailleurs.
Une avancée symbolique et concrète
Au-delà de ses dimensions techniques, ce décret revêt une dimension symbolique forte : il traduit que la France inscrit sa politique maritime dans une logique de durabilité, de protection des travailleurs et d’environnement. Dans un contexte où les navires en fin de vie fleurissent – transport maritime mondial, armements publics ou privés –, pouvoir assurer un recyclage « sûr et écologiquement rationnel » devient un atout.
Vers quoi regarde désormais le secteur ?
Les prochains mois seront clés pour opérationnaliser le dispositif :
- cartographier les chantiers conformes en France ou à l’étranger susceptibles d’accueillir des navires français ;
- lancer les procédures d’inventaire systématique des navires concernés ;
- sensibiliser les armateurs, les assureurs, les recycleurs aux nouvelles responsabilités.
Par ailleurs, il sera intéressant de voir comment la France va articuler cette convention avec les autres normes européennes, notamment le règlement de l’UE sur le recyclage des navires.
En conclusion, la publication de ce décret marque une étape importante : la gestion de la fin de vie des navires passe d’une logique de repli à une logique de responsabilité et de transparence. Le secteur maritime français dispose désormais – sur le papier – d’un cadre plus ambitieux. La vraie question est de savoir si toutes les parties prenantes sauront en tirer pleinement parti.

