Monsieur BLANQUETTE et Madame BAGUETTE ont décidé de se marier en Bretagne, chez les parents de Madame BAGUETTE, avant de repartir vers leur pays d’expatriation immédiatement après les noces. Sensibilisés par les conseils avisés de Maître ETOILEMICHELIN, ils choisissent de faire établir un contrat de mariage.
Mais plusieurs questions demeurent : quel régime matrimonial adopter ? Que faut-il y inclure ? Et comment s’assurer que ce contrat sera reconnu dans les pays où la vie les mènera ?
1. Quel régime choisir ?
Les différents régimes. – Nos futurs époux optent pour un régime français. Il en existe trois principaux :
- Le régime de communauté de biens réduite aux acquêts, régime légal en France, il prévoit que les biens acquis pendant le mariage – y compris les revenus – sont communs. Les biens reçus avant le mariage, par donation ou succession, restent « propres » donc à chacun d’eux personnellement. Une troisième catégorie de biens propres sont les biens propres par nature, ce qui, du fait de leur nature même sont attachés à l’un des époux comme ses vêtements par exemple ou encore les comptes épargnes retraites.
- Le régime de séparation de biens, régime comme son nom l’indique séparatiste : chacun conserve la gestion, l’administration et la jouissance de ses biens personnels, qu’ils soient acquis avant ou après le mariage. Les revenus restent également personnels. Les époux peuvent cependant acquérir ensemble des biens en indivision. En cas d’apport personnel, des créances réciproques ou vis-à-vis de l’indivision peuvent naître.
- Enfin, le régime de participation aux acquêts : ce régime hybride prévoit, au moment de la dissolution, que l’époux s’étant le moins enrichi a droit à une « créance de participation ». On compare alors le patrimoine originaire (ce qui dans un régime de communauté serait considérer comme un bien propre) et le patrimoine final de chacun. La moitié de la différence entre les deux enrichissements constitue la créance dite de participation due à celui dont le patrimoine s’est le moins accru. Ce dernier régime, provenant des pays germaniques, constitue un juste milieu entre le régime séparatiste et le régime communautaire.
FOCUS – Attention, pour les époux ayant conclu ce type de contrat avant le 2 juin 2025, avec une clause d’exclusion des biens professionnels (un des époux a créé une société pendant le mariage et ils ont décidé qu’en cas de divorce, lesdits biens ne seraient pas pris en considération dans le calcul de la créance de participation). Avant la réforme du 31 mai 2024, ces clauses ne s’appliquaient pas en cas de divorce, car elles étaient considérées comme un avantage matrimonial. Depuis la réforme, il est possible par volonté expresse des parties de conserver cette clause en cas de divorce. Par précaution, si vous avez ce type de clause dans votre contrat de mariage, il est recommandé de voir de nouveau son notaire pour préciser que cette clause d’exclusion se maintiendra en cas de divorce.
D’autres régimes plus rares existent, comme la communauté universelle ou encore la séparation de biens avec société d’acquêts (ce qui intègrera la société d’acquêts, de la seule volonté des époux, et sera régie par les textes relatifs à la communauté). Et il est toujours possible de concevoir un régime sur mesure avec l’aide d’un notaire. Mais attention à ne pas mettre n’importe quoi et ne pas se retrouver avec un contrat qui serait écarté comme étant contraire à l’Ordre public international en France mais également à l’étranger.
Comment faire un choix éclairé ? – Il n’existe pas de règle unique, mais certains critères peuvent guider le choix :
- Création d’entreprise : un régime séparatiste offre une protection en cas de dettes professionnelles, les créanciers ne pouvant saisir les biens de l’autre époux.
- Inactivité liée à l’expatriation : en cas d’arrêt d’activité d’un époux (raisons familiales, financières ou administratives), un régime communautaire peut garantir un partage plus équitable, les revenus étant communs, quel que soit le compte sur lequel ils sont versés.
La désignation de la loi applicable : une précaution essentielle pour les couples globe-trotteurs – Pour éviter toute incertitude en cas d’expatriation, il est vivement conseillé d’intégrer au contrat une clause de loi applicable, désignant explicitement la loi française comme régissant le régime matrimonial. Il est possible de choisir une autre loi mais sous certaines conditions. Cette faculté est expressément prévue par les règlements européens. Attention néanmoins de s’assurer en amont que le pays d’expatriation accepte ce type de désignation.
Ainsi, Monsieur BLANQUETTE et Madame BAGUETTE prévoiront une clause précisant que leur régime est soumis à la loi française et qu’ils entendent faire le choix du régime de séparation de biens.
Ainsi, et pour ne donner qu’un exemple, si Madame BAGUETTE ne travaille pas, que Monsieur BLANQUETTE règle le crédit du domicile conjugal seul, et que les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens, ce dernier ne pourra venir revendiquer une créance à l’encontre de son épouse pour les mensualités réglées. Ceci vaudra aussi pour les résidences secondaires.
Avec ce contrat de mariage, ai-je la garantie d’une reconnaissance à l’étranger ?
Une reconnaissance incertaine– La reconnaissance d’un contrat de mariage n’est jamais automatique. De nombreux pays – notamment anglo-saxons comme les États-Unis ou le Royaume-Uni – imposent des conditions strictes : conseils juridiques individualisés, représentation par un avocat distinct pour chaque époux, rédaction dans une langue comprise par chacun, etc.
Or, les notaires français sont peu enclins à proposer une rédaction dite « en double colonne » (bilingue). De même, certains Etats, comme c’est le cas de l’Etat de New-York par exemple, considère parfois que les régimes de séparation de biens « à la française » ne sont pas suffisamment mutualistes. Ainsi, certains Etats écartent parfois le contrat de mariage français au profit de leur propre régime légal.
Dans le cas de nos futurs mariés, la langue n’est pas un obstacle. Mais qu’en est-il du conseil personnalisé ? Un simple entretien avec un avocat commun est-il suffisant ? Il est fortement recommandé que chacun dispose de son propre conseil au moment de la signature. Maître ETOILEMICHELIN devra donc se retirer mais il pourra recommander aux époux deux autres conseils.
Pour nos lecteurs, si vous avez conclu un contrat de mariage français attention à bien vérifier que celui-ci soit reconnu dans votre pays d’expatriation.
Et si ces précautions ne sont pas prises ? – L’absence de certaines garanties ne signifie pas pour autant que le contrat sera systématiquement écarté. Le juge appréciera au cas par cas, l’enjeu étant de prouver que chacun comprenait la portée du document.
Et la reconnaissance d’un contrat étranger en France ?– La question mérite également d’être posée. Certains pays laissent une liberté contractuelle extrême, comme l’absence de toute obligation alimentaire. Or, de telles clauses pourraient heurter l’ordre public français et être écartées, même si le contrat a été valablement conclu à l’étranger.
Mais alors que se passe-t-il si le contrat n’est pas reconnu ? – Si, par exemple, un divorce est engagé dans un pays qui ne reconnaît pas le contrat français, le juge appliquera son propre droit international privé. Dans un pays anglo-saxon, on appliquera alors souvent l’equitable distribution, c’est-à-dire un partage équitable (et non nécessairement égal) des biens, selon des critères propres au juge et aux circonstances. Une approche très éloignée de notre conception française de la propriété.
En conclusion
Monsieur BLANQUETTE et Madame BAGUETTE devront s’entourer des meilleurs conseils et choisir un notaire expérimenté. Une clause de loi applicable, des conseils personnalisés et une rédaction rigoureuse leur offriront les meilleures garanties de reconnaissance à l’international.
Spoiler- Après avoir choisi un contrat de séparation de biens à la française, entourés de leurs conseils, les époux s’installent à New-York. Quelques mois après leur lune de miel, Monsieur BLANQUETTE et Madame BAGUETTE apprennent une bonne nouvelle, elle est enceinte de jumeaux ! Dans le prochain épisode, nous évoquerons le statut des enfants du couple et les conséquences de cette belle nouvelle.