Patrick Pagni, conseiller des Français de l’étranger à New York, défend la création d’un statut fiscal inédit : la résidence d’attache. Ce dispositif permettrait aux Français établis hors de France de garder un lien immobilier avec la France sans subir les pénalités fiscales des résidences secondaires. Une proposition équitable, constitutionnelle et pragmatique.
Une résidence ni principale, ni secondaire
Face aux besoins croissants des Français de l’étranger qui souhaitent conserver ou acquérir un pied-à-terre en France, il apparaît nécessaire de créer un nouveau statut : celui de résidence d’attache. Ce statut concernerait des logements qui ne sont ni des résidences principales (par définition hors du territoire) ni de simples résidences secondaires, souvent soumises à des majorations fiscales locales.
Toute évolution fiscale dans ce domaine doit cependant respecter le principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt. Cela suppose d’abord de définir un cadre juridique robuste, avant d’envisager une adaptation fiscale via un véhicule budgétaire.
Un précédent juridique utile : le statut d’impatrié
Il est utile de rappeler ici le précédent du statut d’impatrié, créé il y a plus de vingt ans sous l’impulsion de Jean-Pierre Raffarin. À l’origine réservé aux seuls étrangers venus travailler en France, ce statut avait été jugé inconstitutionnel par le Conseil d’État en raison de la rupture d’égalité qu’il instaurait entre contribuables. Le gouvernement avait donc été contraint d’élargir ce statut aux citoyens français, à condition qu’ils aient résidé à l’étranger pendant au moins cinq ans.
Ce précédent structure la présente proposition. Il serait juridiquement risqué de réserver un avantage fiscal lié à la résidence d’attache aux seuls citoyens français établis à l’étranger : cela introduirait une inégalité de traitement entre contribuables français et étrangers possédant un bien en France.
Une proposition inclusive, adossée à un lien fiscal concret
Pour garantir la sécurité juridique du dispositif, la résidence d’attache serait ouverte à tous les contribuables – Français ou étrangers – remplissant une condition claire d’attachement à la France :
- avoir été imposé à l’Impôt sur le Revenu en tant que résident fiscal pendant au moins cinq années, à titre personnel ou en tant que personne rattachée au foyer fiscal de ses parents.
Cette exigence, inspirée du statut d’impatrié, permet de cibler les foyers véritablement liés à la France, tout en excluant ceux qui n’y ont jamais résidé fiscalement.
Un régime fiscal équilibré et maîtrisé
La résidence d’attache :
- ne serait pas exonérée de taxe d’habitation (contrairement à une résidence principale),
- mais serait exonérée de la majoration souvent appliquée aux résidences secondaires par de nombreuses municipalités.
Ce choix constitue un compromis fiscal raisonnable, qui reconnaît le lien affectif et familial de certains contribuables avec la France, sans créer de charges excessives pour les finances locales.
De plus :
- Le dispositif serait limité aux biens immobiliers dont la valeur est inférieure à 1,3 million d’euros, soit le seuil actuel d’entrée dans l’assiette de l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI).
- Il permettrait également à ces résidences de bénéficier des aides publiques à la rénovation thermique, aujourd’hui réservées aux résidences principales, afin d’encourager leur entretien et leur performance énergétique.
Ce plafonnement protège le dispositif contre toute perception d’injustice : il serait inacceptable qu’un contribuable fortuné, parti s’installer en Suisse, soit exempté de majoration sur un hôtel particulier à Paris.
Limites assumées du dispositif
Ce cadre exclut :
- certains Français nés à l’étranger n’ayant jamais été fiscalisés en France, malgré leur attachement réel au pays ;
- les propriétaires de résidences d’attache dont la valeur dépasse le seuil IFI.
Ces limites sont regrettables, mais nécessaires pour préserver la constitutionnalité du dispositif et éviter les effets d’aubaine. À l’inverse, il est assumé que des étrangers ayant vécu en France puissent en bénéficier, à l’image d’Anthony Blinken, ancien secrétaire d’État américain ayant passé une partie de sa jeunesse à Paris. Ce respect du principe d’égalité des contribuables est un fondement incontournable.
Conclusion
La création d’un statut fiscal pour la résidence d’attache permettrait de mieux reconnaître l’attachement durable à la France de nombreux contribuables non-résidents, tout en respectant les principes constitutionnels et en préservant les finances publiques locales. Ce dispositif, pragmatique et équilibré, constituerait un signal fort adressé aux Français de l’étranger et à tous ceux qui, au-delà de la nationalité, portent la France dans leur trajectoire de vie.