Johanna Lévy, lauréate du Trophée Alumni des lycées français du monde 2024, parrainé par l’AEFE et lepetitjournal.com, s’est engagée passionnément pour soutenir les réfugiés en Thaïlande depuis son arrivée en 2015. En tant qu’expatriée dévouée, elle consacre son temps et son énergie à apporter un soutien financier, juridique et humain à ceux qui ont fui les conflits et les persécutions. En co-fondant Hope-Bangkok, une marque d’accessoires et de sacs qui vise à lever des fonds pour aider les réfugiés, elle incarne la résilience et la solidarité dans son action humanitaire.
Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre organisation Hope-Bangkok en quelques mots ?
Je m’appelle Johanna Levy, française née à Paris, j’ai vécu au Japon pendant 11 ans et en 2015 nous avons décidé avec mon mari et mes 2 enfants de venir nous installer à Bangkok en Thaïlande.
Quelques mois après mon arrivée à Bangkok, un peu par hasard, j’ai eu l’opportunité de visiter un centre de détention pour réfugiés et de là a démarré mon dévouement pour la cause.
Hope-Bangkok créé en 2022 est la continuité de mes actions et de celles d’autres volontaires depuis 2015. Nous nous sommes rencontrées pour la plupart lors des visites au centre de détention pour réfugiés où nous allions toutes les semaines apporter de la nourriture, des produits de première nécessité et du réconfort à ces personnes qui ont quitté des pays en guerre, persécutions et qui se retrouvent incarcérées car elles sont en dépassement de visa mais n’ont pas la possibilité de rentrer dans leur pays d’origine.
Avec le COVID les centres de détentions ayant fermés, ces personnes se sont retrouvées encore plus isolées sans aide de l’extérieur. Nous avons eu l’idée pour lever des fonds de créer une marque de sacs et d’accessoires. Ma Co-fondatrice Servane Ternynck Pierre ayant un réel talent pour la couture et la création nous nous sommes lancées et avons tout de suite rencontré un beau succès tout d’abord auprès de la communauté française puis d’autres expatriées… Les profits de cette marque ainsi que les dons de particuliers nous permettent de financer les besoins ; nourriture, aide au loyer, scolarisation des enfants, paiement des cautions pour remise en liberté des réfugiés (environ 1500 euros par personne), formation des femmes à la couture, frais médicaux…
Crédit : Adelina Colucci
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous impliquer dans l’aide aux réfugiés en Thaïlande dès votre arrivée dans le pays ?
La décision de m’impliquer dans l’aide aux réfugiés en Thaïlande dès mon arrivée dans le pays a été motivée par une profonde empathie envers leur situation. Chaque histoire individuelle m’a touchée personnellement, me rappelant la fragilité de la condition humaine et la chance que j’ai eu de naître dans un pays stable comme la France.
Mes parents sont issus de l’immigration et ont eu la chance d’être accueillis en France et d’avoir des beaux parcours de vie dans notre pays.
Voir ces personnes, qui ont déjà tant souffert, venir chercher sécurité et être emprisonnées dans ces conditions difficiles, m’a bouleversé.
J’ai ressenti un devoir moral de les aider, de leur offrir un peu de réconfort et de soutien dans cette période de grande vulnérabilité. Au fil du temps mon champs d’actions et celui de mon équipe s’est élargi et nous sommes déterminés à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour leur offrir une lueur d’espoir dans leur parcours souvent semé d’obstacles.
Hope-Bangkok s’efforce ainsi de fournir un soutien concret et indispensable aux réfugiés dans le besoin, tout en sensibilisant la communauté locale à leur situation souvent mal connue.
D’après un rapport des Nations unies, il y a 4 millions de réfugiés en Thaïlande, comment l’expliquez-vous ? Quelles stratégies spécifiques mettez-vous en œuvre pour répondre à leurs besoins ?
Les réfugiés en Thaïlande, sont en majorité en provenance de Birmanie et d’autres pays voisins. La Birmanie, en particulier, a été le théâtre de conflits ethniques et politiques chroniques, poussant des milliers de personnes à fuir leur pays pour chercher refuge ailleurs. La Thaïlande, en raison de sa frontière commune avec la Birmanie et de sa relative stabilité politique, est l’une des destinations privilégiées pour ces réfugiés.
Les conditions de vie des réfugiés en Thaïlande varient considérablement. Certains sont hébergés dans des camps de réfugiés dans le Nord de la Thaïlande gérés par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), où ils ont accès à des services de base tels que la nourriture, l’eau et l’éducation. Cependant, ces camps sont souvent surpeuplés et les conditions de vie y sont difficiles.
D’autres réfugiés vivent dans des zones urbaines, c’est ceux que nous aidons, ils viennent du Pakistan, Somalie, Sri Lanka, Ethiopie, Soudan, Iran, Afghanistan, Syrie…
En plus de notre soutien financier, nous croyons fermement à l’importance de l’accompagnement humain. En nous engageant activement avec ces communautés, nous cherchons à leur offrir non seulement une assistance matérielle, mais aussi un soutien émotionnel et social essentiel pour les aider à survivre en Thaïlande en attendant qu’ils soient, pour les plus chanceux, accueillis dans un pays tiers.
Face aux politiques thaïlandaises envers les réfugiés qui vivent dans des conditions précaires et sont parfois renvoyés de force vers d’autres pays, comment voyez-vous leur avenir en Thaïlande et le rôle de votre organisation Hope-Bangkok dans ce contexte ?
Le statut des réfugiés en Thaïlande est effectivement très précaire. Officiellement, la Thaïlande n’a pas signé la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ni son protocole de 1967, ce qui signifie qu’elle ne reconnaît pas officiellement les réfugiés et n’a pas de cadre légal pour les protéger. Par conséquent, de nombreux réfugiés vivent dans l’incertitude juridique, craignant d’être détenus ou expulsés à tout moment.
Récemment, les autorités en Thaïlande ont commencé un processus qui vise à interviewer les réfugiés et leur donner un document leur permettant de rester sur le territoire mais il n’est pas encore confirmé que ce document leur donnera le droit de travailler, d’étudier ou d’aller à l’hôpital librement.
Nous n’avons d’autre choix que d’espérer que la situation des réfugiés évoluera et qu’ils n’auront plus besoin de notre soutien mais cela risque de prendre du temps…
Quels sont vos projets futurs pour développer et pérenniser l’impact de Hope-Bangkok ?
Nos projets futurs pour développer et pérenniser l’impact de Hope-Bangkok sont ambitieux et visent à renforcer notre engagement envers la cause des réfugiés. Nous travaillons en étroite collaboration avec l’UNHCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, ainsi qu’avec d’autres ONG locales. Dans le cadre de notre partenariat, nous aspirons à collecter des fonds pour libérer les réfugiés détenus dans les centres de détention. Nous envisageons également de distribuer notre marque dans plusieurs boutiques à Bangkok et nous cherchons des opportunités pour étendre notre présence, notamment à Paris.
Notre projet phare consiste à financer la création d’un centre communautaire dédié aux réfugiés. Ce centre servirait de point de rencontre pour nos clients et partenaires, mais surtout, il offrirait un espace essentiel pour la formation et le développement personnel. Nous souhaitons y organiser des sessions de formation pour les femmes que nous avons aidées à sortir des centres de détention, ainsi que des cours d’anglais et d’autres activités éducatives. Ce lieu deviendrait un véritable foyer pour les réfugiés, où ils pourraient recevoir un soutien moral et pratique dans un environnement accueillant et solidaire.
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent s’engager dans l’aide aux réfugiés ou créer leur propre organisation humanitaire ?
Il y a beaucoup de façon de s’engager dans l’aide aux réfugiés :
- Participer à des visites dans les centres de détention afin de comprendre directement les besoins des réfugiés et leur apporter un soutien moral.
- Organiser des collectes de nourriture et de produits de première nécessité pour aider les réfugiés vivant dans des conditions précaires.
- Envisager le parrainage d’une famille de réfugiés pour les aider à subvenir à leurs besoins fondamentaux, notamment parce qu’ils n’ont pas le droit de travailler.
- Contribuer financièrement en faisant des dons pour aider à libérer les réfugiés détenus dans les centres de détention.
- Pour les personnes créatives, envisager de rejoindre des initiatives telles que la nôtre, en aidant à former les femmes à la couture et contribuer à la création de sacs et d’accessoires qui soutiennent financièrement les réfugiés.
En ce qui concerne la création d’une ONG ou d’une entreprise sociale en Thaïlande, celle-ci est complexe mais il existe des démarches pour être reconnu comme entreprise sociale. Nous sommes nous-mêmes en processus pour obtenir cette reconnaissance. En parallèle, nous travaillons à la création d’une association en France pour faciliter les dons et soutenir nos efforts en Thaïlande.
Avez-vous d’autres remarques à ajouter ?
Merci à l’ASFE de votre intérêt pour les actions menées par Hope-Bangkok en Thaïlande.
Il est important pour nous de sensibiliser le public et briser les stéréotypes et les préjugés sur les réfugiés, nous espérons promouvoir plus d’empathie et de solidarité envers ces personnes et contribuer à un effort commun plus large.
Johanna Lévy, co-fondatrice de Hope-Bangkok
Crédit : Adelina Colucci
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Johanna Lévy (au milieu), lors de la remise de son Trophée Alumni des lycées français du monde 2024, parrainé par l’AEFE et lepetitjournal.com
Crédit : Le Petit Journal
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