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Mexique : « la présidente Sheinbaum reçoit un pays polarisé avec des défis importants »

Le 2 juin dernier, le Mexique a élu présidente Claudia Sheinbaum avec 59% des voix. Un vote historique certes, mais exprimé dans des élections qui sont considérées comme les plus violentes de l’histoire récente du pays à cause de l’omniprésence des cartels.

L’équipe de l’ASFE a eu l’occasion de revenir sur cette campagne électorale et sur son dénouement avec Véronique Ramon Déchelette, Conseillère des Français du Mexique.

Le Mexique a organisé le 2 juin dernier les élections les plus importantes de son histoire avec la tenue en simultané des scrutins présidentiels, législatifs et locaux. Est-ce que ces différentes échéances électorales se sont bien déroulées ?

Globalement et dans le contexte mexicain oui. Quelques incidents se sont déroulés dans des bureaux de vote en province, mais rien de particulièrement notable pour le Mexique. Le parti majoritaire (et gagnant) dénonce une fraude électorale pour l’élection du nouveau Gouverneur de Jalisco, qui est issu de l’opposition comme le Gouverneur sortant, mais aucune conclusion dans ce sens n’a été émise par le Tribunal électoral.

Pour la première fois dans l’histoire du Mexique, une femme a été élue à la présidence avec 59% des voix et dont le parti Morena (le Mouvement de régénération nationale) a également largement remporté les législatives avec une forte majorité au Congrès. Quel a été le principal ressenti de la population mexicaine vis à vis de l’élection de Claudia Sheinbaum ?

Les électeurs mexicains ont montré dans les sondages successifs leur attachement et confiance dans le président sortant, Claudia Sheinbaum est la candidate adoubée et appuyée par le président, qui a construit sa campagne sous le signe de la continuité.

Il me semble que pour les partisans du président Lopez Obrador, l’élection de C. Sheinbaum représente l’assurance de la continuité des politiques publiques appliquées pendant les 6 dernières années. Pour les autres, les prévisions sont divisées : sera-t-elle fidèle dauphine d’ « AMLO » ou saura-t-elle se démarquer de son prédécesseur, dans la bonne tradition du Parti Révolutionnaire Institutionnel (au pouvoir pendant 70 ans et dont émane le président Lopez Obrador) ? Les premières nominations du futur cabinet de Mme Sheinbaum vont plutôt dans le sens de la 1ère option, mais des surprises sont envisageables.

Son slogan “Pour le bien de tous, les pauvres d’abord” met en avant son engagement particulier envers la lutte contre la pauvreté. Quelles sont les principales mesures que souhaite mettre en place la nouvelle présidente du Mexique pour soutenir les populations les plus vulnérables du Mexique ?

Ce slogan était déjà celui du président Lopez Obrador, qui a mis en place divers programmes visant à aider de manière directe leurs bénéficiaires (bourses pour étudiants, augmentation des montants de retraites, etc.) et qui ont eu comme conséquence la réduction de la pauvreté la plus significative en 20 ans. Cette amélioration est aussi largement due à la revalorisation notable du salaire minimum mexicain (+18.2%), commanditée en partie par les accords de libre-échange entre le Mexique, les Etats-Unis et le Canada.

La nouvelle présidente a promis qu’elle maintiendrait les programmes d’AMLO en matière de pauvreté, mais parmi ses défis seront celui de réduire les taux quasiment invariables de la pauvreté extrême, réduire la proportion du travail informel (53% de la population active), améliorer le revenu des agriculteurs et l’accès à la santé publique pour les plus démunis.

Pas moins de 28 candidats aux élections locales ont été assassinés pendant la campagne, ciblés par les cartels. Ce terrible bilan rappelle le défi immense de la lutte contre la violence à Claudia Sheinbaum. De nombreuses disparitions restent non résolues, et les autorités ont souvent du mal à prendre des mesures efficaces pour rechercher les personnes disparues. Par quels moyens la nouvelle présidente du Mexique souhaite-elle endiguer l’insécurité qui pèse sur le pays ?

Lors de sa campagne, C. Sheinbaum a promis qu’elle appliquerait à l’échèle fédérale la stratégie de lutte contre l’insécurité qu’elle a déployé avec certain succès lorsqu’elle était Maire de la Ville de Mexico. Cette politique est notamment basée sur l’amélioration de la formation et des conditions de l’exercice de la profession de policier.

Cependant parmi les problèmes majeurs du Mexique à ce sujet se trouvent l’impunité, la corruption et la justice, où moins de 1% des plaintes déposées par les particuliers sont résolues.

Claudia Sheinbaum succèdera le 1er octobre prochain à celui qui est considéré comme son parrain, Andrés Manuel Lopez Obrador. Quel principal bilan a-t-il laissé derrière lui après ses 6 ans de pouvoir ?

Fin politique, grand connaisseur des problématiques nationales et s’adressant directement à la population lors de ses conférences de presse quotidiennes, AMLO termine son mandat avec un taux d’acceptation très élevé.

A son acquis, le bilan est plutôt positif en matière macroéconomique, avec une économie stable, une fiscalité améliorée, un péso fort, une attractivité pays préservée pour l’investissement étranger, l’amélioration de conditions du travail et la baisse du taux de pauvreté.

Cependant, les zones d’ombre sont multiples : dépenses pharaoniques et très controversées en infrastructure, renforcement du pouvoir des forces armées, politique très polémique d’attention à la pandémie du Covid 19, renforcement du pouvoir des très puissants syndicats de l’éducation nationale au détriment de la qualité de l’éducation, ébauche tardive d’une réforme de la justice qui pourrait fragiliser encore plus l’indépendance et la professionnalisation des juges, critiques constantes des contrepouvoirs publics, échec de la politique en matière de lutte contre les narco trafiquants, contre la violence et la corruption.

La présidente Sheinbaum reçoit un pays polarisé avec des défis importants entre autres, en matière, d’éducation, de santé, de travail, d’accès à la justice, de droits humains et de préservation de l’environnement. Elle devra aussi se doter d’une politique diplomatique face aux enjeux commerciaux et migratoires avec les Etats Unis, notamment.

Véronique Ramon-Déchelette, Conseillère des Français du Mexique.
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