En Iran, la rentrée scolaire 2023 dans les écoles internationales a été morose. En cause, la décision des autorités iraniennes de retirer leur accréditation aux élèves iraniens et binationaux qui, de ce fait, ne peuvent plus poursuivre leur cursus scolaire dans ces écoles. L’école française de Téhéran (EFT) ne fait pas exception et a perdu plus de 80 % de ses élèves. Le témoignage de Baktache Hosseini Maneche, Conseiller des Français de l’étranger dans la circonscription d’Iran.
Pourquoi une telle décision, à la veille de la rentrée scolaire ?
Cette décision est incompréhensible par son caractère soudain et le moment où elle intervient. Il y a une volonté du gouvernement iranien de favoriser l’enseignement en langue persane et de limiter l’accès des élèves à l’enseignement en langue étrangère en Iran. Il s’agit donc d’une décision politique de recentrage sur la langue et la culture iraniennes qui va pénaliser toute une génération sur le marché international. Même si cette décision ne concerne pas que l’Ecole Française de Téhéran, mais également l’école allemande et autres, il est vrai que les tensions actuelles entre la France et l’Iran n’aident pas, c’est le moins que l’on puisse dire.
Désormais, l’EFT ne compte plus qu’une soixantaine d’élèves sur les 359 inscrits à la rentrée. Comment a réagi l’établissement ?
En pleine rentrée 2023-2024, l’école a été obligée de se réorganiser afin d’assurer la scolarité de la soixantaine d’élèves autorisée à s’inscrire, avec cependant une bonne nouvelle : l’ambassadeur de France, Nicolas Roche, a obtenu une dérogation pour les élèves de Terminale et de 1ère, l’école pouvant ainsi accueillir ces élèves iraniens et binationaux initialement inscrits. À l’heure actuelle, l’ambassadeur nous fait savoir que cette dérogation n’est valable que pour l’année scolaire 2023-2024.
Quelles conséquences pour l’équipe pédagogique et les élèves ? La pérennité de l’établissement est-elle remise en cause ?
L’EFT a bien entendu revu en conséquence l’équipe pédagogique. Beaucoup d’élèves binationaux ont dû être replacés dans des écoles iraniennes internationales, où l’enseignement est dispensé quasi exclusivement en farsi, à l’exception de quelques cours de français et d’anglais. Bien entendu, d’un point de vue financier, si l’école ne doit accueillir qu’au maximum une cinquantaine d’élèves par année scolaire ce sera une charge très lourde à supporter, mais à ce jour l’administration fait tout son possible pour le maintien de l’Ecole Française de Téhéran.
Des sanctions sont-elles prévues en cas de non-respect de ces nouvelles dispositions par les élèves iraniens et binationaux ?
À priori, il n’y aurait pas de sanction, mais les autorités iraniennes mettent la pression sur les visas de travail et les titres de séjour des membres français de l’équipe pédagogique, y compris le proviseur de l’Ecole Française de Téhéran.
Comment l’ambassade de France s’est-elle saisie de cette problématique ?
L’ambassade de France a été, comme toutes les parties prenantes, prise au dépourvu mais a réagi de manière exemplaire. Elle a utilisé la voie diplomatique et celle du dialogue avec l’administration iranienne. Elle a obtenu des dérogations pour les classes de 1ère et Terminale, mais a malheureusement reçu une fin de non-recevoir des autorités iraniennes pour les autres classes. Aujourd’hui, l’administration continue de chercher des solutions alternatives pour les élèves qui veulent ou peuvent aller poursuivre leur scolarité en France ou dans la région, loin de l’Iran.
D’un point de vue statutaire, l’EFT est une association de droit français gérée par l’association des parents d’élèves. Elle est ainsi en situation irrégulière du point de vue du droit iranien. Pouvez-vous nous expliquer cet état de fait et ses conséquences ?
Le statut de l’EFT n’était certainement pas idéal. L’EFT n’est d’ailleurs pas la seule structure d’enseignement français à l’étranger à se trouver dans une situation délicate, coincée entre les règles françaises en matière d’éducation et d’organisation et celles du pays d’accueil. Mais c’est ainsi que l’enseignement français en Iran perdurait, certes avec une organisation imparfaite, mais elle perdurait malgré d’innombrables difficultés. Les autorités iraniennes étaient parfaitement conscientes de la situation et toléraient cet état de fait en grommelant. Pourquoi ce revirement soudain ? Plusieurs facteurs peuvent être avancés : des facteurs internes comme externes, notamment certaines actions tourmentées qui n’ont pas manqué d’attirer davantage l’attention des autorités iraniennes sur l’organisation juridique, financière et fiscale de l’école qu’elles reprochaient depuis longtemps à l’administration française.
Selon-vous, existe-t-il des solutions à ce problème ?
Il semble que les solutions soient purement diplomatiques, sachant que la balle est dans le camp de l’administration iranienne et que le travail de l’ambassade a été rendu plus difficile par des tentatives d’ouverture de discussions parallèles avec l’administration iranienne à l’initiative d’éléments extérieurs à l’Ambassade.