La sortie du sixième rapport du GIEC ne constitue pas une révolution par rapport aux rapports précédents, mais il est essentiel. Nous avons une fenêtre de tir extrêmement ténue pour ne pas tomber dans la catastrophe climatique. Du fait des difficultés sociales en France et de la guerre d’Ukraine, ce rapport a finalement été peu commenté. Pourtant, il conditionne plus que tous les autres sujets l’avenir de notre vie et surtout celle de nos enfants.
Il constitue en réalité, sous le vocable de rapport des rapports, la substantifique moelle des cinq rapports précédents fondés sur plus de 14 000 études avec un processus de relecture qui a impliqué 78 000 commentaires.
Ce rapport prend en considération l’évolution des sciences du climat intervenue depuis le dernier rapport, celui de 2013. Une meilleure connaissance de l’évolution du climat dans le passé permet une meilleure prise en considération de ce qui nous attend. Selon le professeur Masson Delmotte, les changements récents sont « généralisés, rapides et s’intensifient ». Certains d’entre eux sont sans précédent depuis des milliers d’années ou totalement inconnus. Le rythme actuel de réchauffement est sans précédent depuis au moins 2000 ans ; si l’on fait une moyenne sur les 10 dernières années, l’augmentation de la température moyenne à la surface de la terre et de 1,1° (1,8° pour la France).
Les concentrations actuelles de CO2 sont les plus élevées depuis au moins 2 millions d’années ; le niveau de montée des mers est la plus rapide depuis au moins 3000 ans, la surface de la banquise arctique la plus réduite depuis 1000 ans et le recul des glaciers est sans précédent depuis au moins 2000 ans.
Cette situation conduit à une augmentation des phénomènes extrêmes, avec des extrêmes chauds de plus en plus fréquents et plus intenses, des événements de fortes précipitations plus fréquents et plus intenses, une augmentation des sécheresses. Tout ceci bien entendu impacte l’ensemble du vivant. L’agriculture est modifiée mais aussi l’ensemble des conditions météorologiques favorables aux incendies sont de plus en plus fréquentes dans toutes les régions du monde.
Les conséquences s’agissant des efforts à accomplir sont évidentes.
Limiter le réchauffement à 2° ou proche de 1,5° demande des baisses immédiates rapides et profondes du CO2 (jusqu’au net zéro) mais aussi du méthane, du protoxyde d’azote et des CFC. Nous en sommes bien loin. Entre 2015 et 2019 les émissions ont bien augmenté et, même si tous les engagements pris dans le cadre des accords de Paris étaient respectés, ils permettraient au mieux une légère baisse des émissions d’ici 2030 alors qu’il faudrait une baisse de 15 % par rapport à 2019. Les politiques actuelles conduisent à dépasser les 1,5° en 2030, 2° en 2050 et 3° à la fin du siècle.
Bien évidemment, réduire massivement nos émissions de gaz à effet de serre pose des questions de coût, de soutenabilité, de risque sur la pression des terres notamment (voir Docteur Valérie Masson Delmotte). Mais les coûts de l’inaction sont beaucoup plus élevés que ceux de l’action. De plus, nous avons à notre disposition de très nombreuses mesures qui peuvent être mises en œuvre à une plus grande échelle.
Sur le plan énergétique, les plus efficaces et les moins coûteux sont, dans l’ordre, le recours à l’énergie solaire, au vent, à la réduction du méthane, à la géothermie, au nucléaire et enfin la capture de carbone. Le nucléaire et la géothermie posent des problèmes d’adaptation en raison de l’eau.
Si l’on s’attarde maintenant sur la question de l’utilisation des terres, de l’eau et de la nourriture, les moyens les plus efficaces sont la réduction de la conversion des écosystèmes naturels, la reforestation, le recours à une alimentation soutenable et enfin et surtout la réduction du méthane dans l’agriculture.
Ce rapport offre de nombreuses options d’action faisables, efficaces et abordable pour réduire les émissions et s’adapter au climat qui change.
Il est essentiel de travailler sur la demande et sur l’adaptation, indispensable mais qui bien entendu ne suffira pas. Un des outils les plus efficaces est évidemment la réorientation et la montée en puissance des financements pour l’adaptation et transfert de technologies et de coopération. De plus, comme les pertes et dommages heurtent de plein fouet les écosystèmes et les populations les plus vulnérables, il faut impérativement agir avec eux pour permettre un développement résilient face au climat. L’action doit donc être juste, inclusive et basée sur le partage des connaissances.
En conclusion, l’humanité est confrontée à la fois à des enjeux de court terme, militaires, économiques, financiers, géostratégiques et bien entendu sociaux, mais aussi au plus grand enjeu qui soit, celui de la pérennité du vivant, qui implique solidarité entre les humains d’aujourd’hui et de demain, mais aussi entre l’humanité et le vivant non humain, innovations, transformations, réduction des inégalités pour pouvoir continuer à vivre ensemble, sans avoir à affronter des conflits inévitables dans le cas contraire.
Notre génération a l’immense responsabilité d’agir. Elle peut le faire. C’est une responsabilité plus qu’historique et chaque jour qui passe sans que les moyens de transformation soient mis en œuvre est une journée qui nous éloigne un peu plus de cet objectif existentiel.