Au pied du mur pour faire adopter le volet recettes de son budget, le gouvernement a donc dégainé le fameux article 49-3 de la Constitution. Cette disposition donne la possibilité au Premier ministre de ne pas soumettre un texte au vote de l’Assemblée nationale, lequel est dès lors considéré comme adopté. Cette faculté est accordée au pouvoir exécutif dans le cadre de l’adoption d’un projet de loi de finances, d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale et, au cours d’une session parlementaire, pour seulement celle d’un autre projet ou d’une proposition de loi. Limite qui n’existait pas avant la réforme constitutionnelle de 2008. Ainsi, quand il était à Matignon entre 1988 et 1991, Michel Rocard a, lui, utilisé cette « arme » à 28 reprises, soit le tiers des 84 recours au 49.3 qu’on a compté jusqu’à ce jour sous la Ve République.
Faute de pouvoir se reposer sur une majorité absolue au Palais Bourbon, Elisabeth Borne est donc contrainte de procéder ainsi. Et cela risque d’être une pratique courante de ce quinquennat, car si les oppositions pourront parfois s’abstenir sur certains textes – hors projets budgétaires où il est de règle qu’elles votent contre -, elles ne feront pas de cadeau en associant leurs voix à celles de la majorité.
Qui dit recours au 49-3 dit, en retour, possible motion de censure de ces mêmes oppositions. Le danger existe pour l’exécutif, mais il est peu probable que cette motion recueille la majorité car les oppositions ont déjà signalé – notamment le Rassemblement national – qu’elles ne confondraient leurs voix dans une même motion. Si tel devait être le cas néanmoins, Emmanuel Macron a déjà annoncé qu’il dissoudrait immédiatement l’Assemblée nationale pour s’en remettre à de nouvelles élections législatives. Menace à laquelle, évidemment, aucun groupe ne souhaite s’exposer tant personne n’est sûr de récupérer son siège dans un paysage politique pour le moins mouvant ces dernières années.
Ce contexte institutionnel né des dernières législatives mérite quelques commentaires. Jamais – ou presque -, l’hémicycle du Palais Bourbon n’a présenté un visage aussi varié et diversifié. Ce qui fait dire à beaucoup que le débat devrait être, pour une fois, le plus démocratique possible. Certes, mais le 49-3 est là.
Deuxième remarque : le président de la République s’est engagé, pour son second mandat, à exercer un pouvoir plus horizontal que vertical, où le dialogue serait la règle. Certes, mais le 49-3 est là. Enfin, compte tenu que cet article ne peut être utilisé qu’une fois – hors textes budgétaires – par session, le nombre de réformes devrait être limité ces cinq prochaines années. A ce titre, quelle sera la procédure législative retenue pour la réforme des retraites ? A suivre…
L’équipe de l’ASFE