Dans quel état sera l’Europe quand Emmanuel Macron sera appelé pour la présider, pendant six mois, à compter du 1er janvier prochain ? Prise en étau dans le duel qui oppose les Etats-Unis et la Chine, elle doit impérativement s’organiser pour peser dans le concert international. Européen convaincu, notre Président de la République cherchera certainement à faire davantage entendre la voix de l’Union européenne. Cette ambition lui servira aussi de levier dans le cadre de la campagne électorale française pour sa propre candidature – qui ne fait guère de doute – face à des concurrents prônant, sinon une sortie, du moins un repli national.
On sait, depuis longtemps, que les Vingt-Sept n’ont pas tous la même conception de l’Europe. L’Allemagne et les pays d’Europe centrale en ont une conception parfois qualifiée de plus « commerciale », celle d’un grand marché qui facilite les échanges de richesses. La France et certains de ses voisins du Sud en ont une vision beaucoup plus culturelle et sociétale. Force est de constater que c’est la première option qui l’emporte actuellement.
La récente décision du Tribunal constitutionnel polonais, qui vient d’affirmer la primauté du droit polonais sur le droit européen, est un nouveau coup de boutoir porté à l’idéal communautaire souhaité par certains. Est-ce la première étape vers la sortie de ce grand pays ? Est-ce le signe avant-coureur d’un « Polexit » ? Sans doute la population polonaise ne le souhaite pas tant l’Union européenne est une réalité tangible. Selon un récent sondage, elle y serait même à 80% hostile. C’est dire si la menace, par Bruxelles, de suspendre son soutien au plan de relance polonais pour surmonter la crise sanitaire a été accueillie avec effroi sur place.
Beaucoup voient dans cette affaire la main du premier ministre hongrois : Viktor Orban a immédiatement appelé l’Union européenne à « respecter les limites de la souveraineté des États membres ».Dans une tribune publiée le 12 octobre dans Le Figaro, Jean-Eric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel français, apporte quelques réserves à l’indignation des commentateurs les plus pro européens. « On fait mine de voir dans la décision du 7 octobre du tribunal constitutionnel polonais, écrit-il, une provocation inédite, un attentat sans précédent contre la construction européenne. C’est passer sous silence les ruades du tribunal constitutionnel allemand et les réserves des cours suprêmes françaises ».
Certes, les Etats doivent conserver des domaines réservés de souveraineté. Mais il est également utile de rappeler que l’Union européenne a été fondée pour préserver la liberté des peuples contre les tentations autoritaires. Et il faut s’en féliciter !
L’équipe de l’ASFE