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COVID-19, vaccins et variants : réponses à vos questions

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A la suite de notre dernier entretien, de nombreuses questions ont surgi et il nous paraissait naturel d’y répondre tant le sujet est complexe et important pour les personnes qui nous lisent. Nous avons interrogé deux professeurs de médecine reconnus – Pr Cacoub et Pr Halfon – pour obtenir leurs avis et conseils sur la question.

La France vient de refermer ses frontières extra-européennes de façon à éviter l’introduction de nouveaux variants. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est un variant ? Est-il véritablement possible de s’en prémunir ?

Le SARS-CoV-2, comme tous les virus à ARN, a une capacité de muter. Celle-ci est liée à une diminution de sa capacité à réparer ses erreurs lors de la réplication virale. Ainsi, à chaque cycle de réplication virale, une mutation peut se produire. Un variant est un virus qui a donc acquis par ce mécanisme une mutation par rapport à une souche originelle ; (dite souche sauvage).

La plupart de ces mutations n’entraîne pas de changement du cadre de lecture de l’ARN. Et donc, pas de modifications des protéines virales : il s’agit de mutations silencieuses. D’autres mutations vont conduire à des changements d’acides aminés, ce qui aura un impact sur certaines propriétés du virus. Notamment son immunogénicité, engendrant alors de façon plus importante échappement immunitaire, transmission et mortalité.

La survenue de variants est donc un phénomène inéluctable ; plus le virus circule, plus la probabilité est grande que des mutations et variants surviennent.

Quels variants ont été identifiés jusqu’à présent et quelles sont leurs particularités ?

De nombreux variants ont été successivement décrits au fur et à mesure de leurs découvertes. Et ont ainsi été un peu rapidement appelés par leur zone géographique d’origine de première description ; Chine, Brésil, Afrique du Sud, New-York, UK, Breton… Ceci a conduit à un problème de nomenclature de ces variants qui ont ensuite été dénommés par des lettres (P1, V1,2,3…) puis lineage B.1.1.7.

L’OMS devrait prochainement statuer sur une harmonisation de l’appellation de ces variants ; nous vous résumons ici les données actuelles.

  1. Le variant UK (United Kingdom, B.1.1.7).

Le 20 septembre 2020, le premier cas d’infection avec le variant UK a été observé dans le Kent. Il s’agissait d’un virus présentant de multiples mutations (n=23) dans différentes régions du génome viral, correspondant à une évolution très importante par rapport au génome viral sauvage (souche chinoise).

Une de ces mutations, N501Y, serait associée à une transmissibilité plus importante du virus. L’émergence de ce variant UK a été imputée à une infection chronique chez un patient immunodéprimé. Plusieurs travaux ont alerté sur la forte capacité de transmission du variant UK (+50 à 70%), en comparaison des lignages européens qui circulaient alors de manière majoritaire. A l’échelle mondiale, le variant UK a diffusé dans 94 pays, essentiellement en Europe. Il représente aujourd’hui la majorité des virus détectés dans la plupart des pays européens, y compris au Royaume-Uni. Il est maintenant installé dans de nombreux pays où il circule de façon épidémique.

Les données françaises de surveillance permettent d’estimer que le variant UK est 52% à 69% plus transmissible que le virus historique chinois. En France, fin mars 2021, le variant UK est dominant et représente environ 90% des virus circulants, avec quelques différences régionales. Deux études récentes au Royaume-Uni montrent une mortalité plus élevée par rapport au virus historique.

2. Le variant SA (variant B.1.351 dit « sud-africain »)

Il a émergé dans la région du Cap (Afrique du Sud) au début de la seconde vague en Octobre 2020. Le mécanisme précis ayant conduit à son émergence reste inconnu. Il est possible que, comme pour le variant UK, il soit apparu après une infection chronique chez une personne immunodéprimée, ou qu’il s’agisse d’un phénomène d’échappement immunitaire dans une zone à forte prévalence de l’infection à SARS-CoV-2.

La première détection du variant SA présentant un profil de mutation associant des mutations facilitant la transmission (501Y) et d’autres mutations facilitant l’échappement immunitaire (484K et 417N) date du 14 octobre 2020. La circulation de ce virus a entrainé en Afrique du Sud une seconde vague plus importante que la première. Puis le virus a diffusé progressivement en Afrique, par contiguïté avec l’Afrique du Sud, et des cas d’importation ont été rapidement déclarés en Europe, Asie et Amérique du Nord. A ce jour, 48 pays ont rapporté des cas d’infection avec ce variant.

En Europe, il a été noté des clusters parfois assez actifs avec le variant SA, en particulier en Autriche et en Italie (provinces du Tyrol), en Belgique (Ostende) et aux Pays Bas. Ces clusters ont été au moins partiellement résolus : soit par renforcement des mesures barrières, soit du fait de la co-circulation des virus B.1.351 (SA) et B.1.1.7 (UK). Pendant cette co-circulation, le variant UK semble avoir un avantage ce qui entraine la réduction du nombre de cas liés au variant SA.

3. Le variant brésilien (BR, B.1.1.28)

Il a été détecté chez un touriste japonais au retour d’un voyage au Brésil le 2 janvier 2021. Ce variant BR présente aussi de nombreuses mutations (n=12), dont certaines (484K) peuvent entrainer un échappement immunitaire. Lors de l’investigation de ces premiers cas, l’émergence d’un virus similaire au virus isolé chez le touriste japonais a été identifié dans la ville de Manaus au Brésil (ville qui avait déjà subi une circulation très intense du SARS-CoV-2 lors de la première vague).

4. De très nombreux autres variants ont été découverts à travers le monde.

Ils présentent pour certains des caractéristiques communes aux 3 variants les plus importants décrits (UK, SA, BR). Les mutations les plus surveillées sont celles qui peuvent entrainer une augmentation significative du potentiel de transmission (501Y),  un échappement immunitaire et/ou une réduction de l’efficacité vaccinale (484K, 417N, del 242-244). Parmi les virus surveillés :

Ces variants diminuent-ils l’efficacité des vaccins ?

Il s’agit d’une situation évolutive et non consolidée.

Pour le variant UK, il y a une sensibilité partiellement conservée du virus vis-à-vis des vaccins à ARN (Pfizer, Moderna). A partir des études sur le variant UK, utilisant le sérum de personnes ayant reçu un vaccin ARN et les essais cliniques, une diminution d’efficacité de 30% environ a été rapportée.

Mais lors des essais cliniques en Afrique du Sud , il y a eu des résultats beaucoup plus mitigés sur les variants SA/BR :

Pouvez-vous nous expliquer sur quelles populations sont testés les vaccins ? Sont-ils bien testés sur des personnes âgées ?

Les vaccins ont été testés sur des panels de populations de 18 à 85 ans voire plus, selon les études et les vaccins. Il est vrai que les patients de plus de 85 ans représentaient un petit nombre de cas dans les essais cliniques ; des études complémentaires dont certaines sont toujours en cours dans ces populations ont démontré une bonne tolérance également dans cette population fragile (vaccin Pfizer).

Existe-t-il des études sur les effets secondaires des vaccins ? Quelles sont leurs conclusions ?

Comme tout vaccin, il y a un risque d’effets secondaires, qui a été jugé par les agences réglementaires tout à fait acceptable, notamment comparé au risque propre de l’infection à SARS-CoV-2. A côté des réactions habituelles bénignes (douleurs au point d’injection, syndrome fébrile et courbatures de courte durée), il y a eu quelques cas de paralysies faciales régressives et de rares cas de réaction immunoallergiques. Ces effets secondaires ont été évalués lors des essais cliniques de mise sur le marché mais également lors d’études en vie réelle. Pour le vaccin Astra Zeneca, à la suite d’un signal sur les évènements thrombotiques (en particulier thrombophlébites cérébrales chez des sujets jeunes), une restriction a été émise aux sujets de plus de 55 ans.

La vaccination est-elle conseillée pour tout le monde ou existe-t-il des populations à risque, comme les personnes atteintes de certaines pathologies ?

Il est évident qu’il faudrait pouvoir vacciner tout le monde pour arrêter la circulation du virus. La contrainte est la disponibilité des vaccins et la logistique de la vaccination à travers le monde.

Une priorisation a été effectuée dans chaque pays en commençant par les personnes les plus fragiles ou exposées au Covid-19 (personnel médical, personnel soignant, personnes âgées en institution, sujet présentant des comorbidités), puis les personnes ayant des maladies graves (pathologies cardiovasculaires; hypertension artérielle compliquée; antécédent d’accident vasculaire cérébral; une insuffisance cardiaque; diabètes de type 1 et 2; pathologies respiratoires chroniques susceptibles de décompenser lors d’une infection virale, notamment une sclérose en plaques, un syndrome d’apnée du sommeil, une mucoviscidose).

Les personnes vaccinées peuvent-elle continuer à transmettre le virus ? 

Les données des études israéliennes ont bien montré que la vaccination permettait non seulement de diminuer le risque de s’infecter et de développer un COVID, mais aussi le risque de transmission du SARS-CoV-2. Il s’agit d’un autre avantage majeur de la vaccination qui permet ainsi de casser les cycles de transmission.

Une personne qui a déjà eu le COVID-19 doit-elle se faire vacciner, et si oui, a-t-elle besoin des deux doses ?

Les sujets ayant déjà été infectés par le SARS-CoV-2 doivent se faire vacciner pour plusieurs raisons : le risque de ré-infection est faible mais non nul (estimé entre 1 et 2% dans une étude récente danoise) ; la durée et la qualité de l’immunité naturelle sont très variables. La vaccination doit se faire au minimum 3 mois après la première infection. Elle ne repose que sur une seule injection de vaccin, avec une bonne protection vaccinale (Pfizer, Astra Zeneca).

Comment voyez-vous l’évolution de la pandémie dans les semaines / mois à venir ?

Des épidémiologistes, pour certains issus des plus grandes institutions universitaires du monde, viennent de partager leurs inquiétudes. Ils ont alors averti au sujet du risque planétaire de ne pas garantir un accès juste et équitable aux vaccins COVID19. Ceci pour protéger les populations dans tous les pays du monde.

Selon l’enquête menée auprès de 77 épidémiologistes de 28 pays – à l’initiative de la People’s Vaccine Alliance, dont est membre Oxfam – deux-tiers des répondants estiment que nous n’avons qu’un an, sinon moins, avant que le virus ne mute pour arriver à un point où la majorité des vaccins de première génération deviendraient inefficaces, et imposeraient donc d’importantes modifications. L’étude montre qu’il est impératif pour la sécurité planétaire que les personnes des pays en voie de développement soient vaccinées aussi vite que possible. Ne pas s’attaquer à l’inégalité mondiale autour des vaccins augmenterait le risque de nouvelles mutations.

« Le schéma de circulation de ce virus, à la fois à l’intérieur et entre les pays, rend impossible de supprimer ou de contrôler en toute sécurité la pandémie dans un court laps de temps. La seule stratégie est d’immuniser les populations partout dans le monde, en adaptant les vaccins aux évolutions virales. Cela doit s’appuyer sur une coopération scientifique, médicale et industrielle rapide et forte pour fournir des vaccins à toute l’humanité, en considérant les vaccins comme un bien commun universel. »

Selon Quarraisha Abdool Karim, directrice scientifique agréée au CAPRISA et professeure d’épidémiologie clinique à la Columbia University : « A mesure que les pays commencent à développer leurs programmes de vaccination, nous sommes une fois de plus rappelés à notre interdépendance. Avec d’un côté de hauts taux de vaccination et des immunités collectives dans certains pays et, d’un autre côté, des pays, et particulièrement ceux aux revenus faibles ou moyens, qui continuent d’attendre patiemment les vaccins, on crée un environnement parfait pour que le virus puisse muter et annuler toutes les avancées des vaccinations. »

Pr Patrice Cacoub, Département de Médecine Interne et Immunologie Clinique. Hôpital La Pitié-Salpêtrière et Sorbonne Université. Paris, France.
Dr Philippe Halfon, Département de Médecine Interne et de Maladies Infectieuses. Hôpital Européen – Laboratoire Alphabio. Marseille, France.
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