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Échange de permis de conduire entre la France et le Chili

route voiture

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L’équipe de l’ASFE s’est entretenue avec Bernard Garcia Larrain, juriste franco-chilien, 30 ans, vivant en France, promoteur de l’accord de réciprocité en matière de permis de conduire entre la France et le Chili.

Actuellement, est-ce que je peux conduire au Chili avec un permis de conduire français ? et en France avec un permis de conduire chilien ?

Actuellement, les Français ayant la qualité de résident au Chili doivent obtenir un permis de conduire chilien. Ils doivent donc se soumettre au passage de l’épreuve théorique et/ou pratique.

De leur côté, les Chiliens en France peuvent conduire avec leur permis chilien s’ils ont le statut d’étudiant ou si cela fait moins d’un an qu’ils habitent en France. Une fois leurs études achevées ou le délai d’un an écoulé, ils doivent passer le code et le permis en France.

Quel est le problème ?

La France pratique la réciprocité en matière de permis de conduire avec de nombreux pays dans le monde. Parmi ces pays, beaucoup de pays d’Amérique Latine tels que le Paraguay, le Salvador, le Panama, le Brésil, le Nicaragua, le Guatemala, le Costa Rica, le Honduras et Cuba. Dans ce contexte, on a du mal à comprendre pourquoi le Chili ne fait pas partie de ces pays.

Concrètement, les Français au Chili doivent repasser leur permis. Plus particulièrement ce qui leur pose problème est l’obligation de présenter un certificat d’études qui n’est pas toujours simple à obtenir surtout en cette période de crise sanitaire.

D’un autre côté, les Chiliens en France doivent eux aussi passer à nouveau le permis, y compris les heures de conduite (sauf s’ils arrivent à s’inscrire en tant que « candidat libre », mais cela n’est pas facile). Ni leur permis ni leur expérience ne sont pris en compte. La procédure d’obtention du permis de conduire est longue, difficile (surtout pour les non francophones) et très chère. Ce sont les personnes les plus pauvres ou les moins bien intégrées qui ont le plus de mal à trouver une solution à ce problème. Au contraire, avoir un permis permet en quelques cas de trouver un travail plus rapidement, mieux s’intégrer, etc. A titre d’exemple, il y a quelques jours une Chilienne, mariée avec un Français et installée en France, m’a raconté qu’elle venait de recevoir une offre pour un travail très intéressant pour lequel il était demandé d’être titulaire du permis de conduire.

Si la France a pu hésiter à signer cet accord par le passé avec le Chili, nous voyons deux arguments intéressants pour faire le pas à présent. En premier lieu, le Chili dispose déjà de cet accord avec l’Espagne, pays membre de l’Union européenne qui a des exigences similaires en matière de sécurité routière avec la France. En deuxième lieu, le Chili a entrepris une réforme ambitieuse de son système de permis de conduire qui va permettre d’augmenter l’exigence pour passer le permis, la sécurité sur les routes et la fiabilité des titres. Une telle réforme permettra au système chilien d’avoir les mêmes standards que ceux des pays développés.

Quelles avancées ont pu être obtenues ces dernières années / mois ?

Personnellement, je me suis intéressé à ce sujet quand j’ai dû changer de statut. En n’ayant plus le titre de séjour étudiant je n’avais plus le droit de conduire en France avec mon permis chilien. C’est pourquoi j’ai passé le permis français ; mais je me rends compte qu’il y a beaucoup de Chiliens en France qui n’ont pas forcément les moyens, l’énergie et le niveau en langue française pour présenter cet examen. C’est ainsi que je me suis engagé à essayer de faire de mon mieux pour que cet accord devienne une réalité ! J’étais conscient que la tâche n’était pas évidente mais cela me semblait possible et juste.

Nous avons commencé par lancer une pétition sur internet en mai 2018 qui a été signée par 1300 personnes environ. Ce chiffre n’est pas négligeable si l’on considère qu’il y a 13.000 Français au Chili et 11.000 Chiliens en France. Vous pouvez encore signer notre pétition !

A partir de septembre 2018, nous avons contacté les autorités chiliennes : l’Ambassadrice en France de l’époque, les ministères des Transports et des Affaires étrangères. C’est ainsi que le 6 décembre 2018, le Chili a envoyé officiellement une note diplomatique avec le but de solliciter cet accord avec la France.

C’est début 2019 que nous sommes rentrés en contact avec l’ASFE. Un ami Conseiller des Français de l’étranger nous a mis en contact avec la sénatrice Evelyne Renaud-Garabedian. Cette rencontre a été féconde puisque la sénatrice a posé une question parlementaire au Ministre Le Drian sur notre sujet à laquelle la réponse suivante a été apportée :

« Le Chili a sollicité la France pour l’établissement d’un accord bilatéral permettant l’échange des permis de conduire entre nos deux pays. La France considère le Chili comme un partenaire potentiel pour la conclusion d’un tel accord. L’opportunité de débuter ces négociations s’apprécie toutefois au regard des conditions observées au Chili en matière de sécurité routière, de formation des conducteurs et de sécurisation des titres. Ces conditions sont actuellement à l’examen des services compétents du ministère de l’intérieur. Il convient d’ajouter que, dans un effort conjoint, le ministère de l’intérieur et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères conduisent actuellement une révision globale du dispositif français d’échange des permis de conduire avec l’ensemble des pays concernés, l’objectif étant d’en améliorer la sécurité juridique par la conclusion éventuelle d’accords bilatéraux en bonne et due forme, ainsi que de renforcer les standards en matière de sécurité routière et de lutte contre la fraude. Ce dossier reste étroitement suivi par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères ».

Cette réponse nous a beaucoup motivés car c’était la première fois, à notre connaissance, que la France se positionnait officiellement sur cet accord. Nous sommes très reconnaissants envers l’ASFE pour leur soutien depuis le début de notre initiative !

Après cette question parlementaire, nous n’avons pas eu de nouvelles sur les avancées du processus, notamment car l’actualité s’est centrée sur la crise sociale au Chili et ensuite sur la crise sanitaire mondiale.

En décembre 2020, nous avons pris connaissance de la visite officielle du ministre des Affaires étrangères chilien, Monsieur Andrés Allamand. Nous lui avons fait parvenir une lettre explicative sur notre projet. Il l’a bien reçue car une fois à Paris, il nous a contactés pour préparer sa réunion avec le Ministre Le Drian. Cette réunion a permis de débloquer l’affaire puisque le Ministre chilien nous a rappelé après, pour nous dire que la France préparait une proposition d’accord. En effet, la semaine suivante le Quai d’Orsay a envoyé une note aux autorités chiliennes selon laquelle la France préparait un protocole d’accord. Nous avions compris que ce protocole allait être prêt en janvier 2021 mais cela n’a pas été le cas …

Quand espérez-vous la signature d’un accord entre la France et le Chili sur ce sujet ?

Nous espérons que l’année 2021 sera celle de l’accord de réciprocité du permis de conduire entre la France et le Chili ! C’est aussi ce qu’a annoncé la députée représentant les Français d’Amérique Latine dans un entretien avec le Petit Journal du 15 janvier 2021.

Un accord de ce genre comporte plusieurs étapes. La plus importante a déjà été atteinte puisque les gouvernements sont d’accord sur le principe de signer un accord. Ensuite, il faut signer l’accord qui devrait prendre la forme d’un accord intergouvernemental. Il y a aussi une partie annexe, plus technique, qui concerne les types de permis, de véhicules et d’autres aspects qui rentrent dans l’accord. Finalement, un accord de ce type doit être ratifié par les parlements des deux pays.

Y a t-il d’autres sujets de préoccupations propres à la France et au Chili qui soient semblables ?

Il me semble que l’accord de réciprocité est l’un des grands sujets qui pourrait aider concrètement beaucoup de gens à mieux vivre leur expatriation. Concernant cet accord, il y a encore un sujet qui nous préoccupe. En effet, la circulaire du 3 août 2012 relative à la mise en œuvre de ce type d’accord dispose que « le titulaire d’un permis étranger délivré par l’Etat signataire de l’accord, résidant en France depuis plus d’un an à la date d’entrée en vigueur de l’accord, ne peut solliciter l’échange de son permis en invoquant le bénéfice de ce texte puisque à la date de son entrée en vigueur la condition relative au respect du délai règlementaire d’un an n’était plus remplie ». Si une telle règle venait s’appliquer à l’accord, de nombreuses personnes installées en France et au Chili seraient exclues de l’accord. C’est pourquoi nous demandons que seule l’exigence de la validité du permis soit prise en compte et non pas les années de résidence. Autrement dit, une personne habitant en France ou au Chili depuis plus d’un an mais titulaire d’un permis de conduire valable pourrait demander l’échange de son permis.

Il y a un autre sujet préoccupant qui concerne plus le Chili que la France, même si des Français sont affectés aussi. Depuis novembre, une page Facebook (« Chilenos en Francia, por un servicio consular digno ») recueille des expériences avec le consulat chilien à Paris. Ce sont surtout des Chiliens qui témoignent mais les Français en lien avec le Chili doivent aussi passer par le Consulat pour certaines démarches. Grâce à mon rôle dans l’initiative pour le permis de conduire, j’ai agi en tant que « médiateur » entre les dirigeants de ce mouvement et le Consulat : nous avons ainsi créé un « groupe de dialogue » pour essayer de trouver des solutions à des problèmes tels que l’attention à l’usager, la communication avec le public, les numéros d’urgence, l’organisation du service et l’attention qui méritent les gens qui viennent de province.

De manière plus générale, c’est la question de la représentation de la communauté chilienne à l’étranger qui est en cause ici. Le Chili pourrait prendre exemple sur la France sur la prise en compte des ressortissants à l’étranger en créant, par exemple, la figure des élus consulaires, des parlementaires, etc. Nous pensons que l’organisme qui sera élu cette année pour rédiger la nouvelle Constitution chilienne pourrait se pencher sur cette question.

Bernard Garcia Larrain, juriste franco-chilien.

Retrouvez également l’entretien de Bernard sur ZED La Radio à ce sujet.

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