Le 28 avril 2025, une panne d’électricité inédite a touché l’Espagne et le Portugal, provoquant d’importantes perturbations. Alors que l’origine de l’incident reste incertaine, les autorités ont écarté, à ce stade, toute hypothèse de sabotage ou de cyberattaque. La situation rétablie, l’ASFE a souhaité interroger Gilles Servanton, conseiller des Français d’Espagne pour la circonscription de Madrid, et Pascal Bourbon, conseiller pour celle de Barcelone.
Le 28 avril 2025, une panne d’électricité massive a frappé l’Espagne et le Portugal. Quelle est la situation actuelle ?
Gilles Servanton : Aujourd’hui 29 avril, tout est revenu à la normale. Je note cependant une circulation moins dense qui reflète une baisse d’activité.
La raison de cette panne reste actuellement inconnue, mais plusieurs responsables, dont le président du Conseil européen, António Costa, ont exclu la possibilité d’un sabotage. « À ce stade, rien n’indique qu’il s’agisse d’une cyberattaque », a-t-il notamment écrit. Quelles sont les conclusions préliminaires des enquêtes en cours sur les causes de cette panne ?
Gilles Servanton : De ce que j’ai retenu, toutes les hypothèses, sabotage ou défaillance technique, sont sur la table. Le Président du Conseil n’écarte rien. Enfin pour un évènement du même type, considérablement plus réduit, l’enquête a nécessité plusieurs mois.
Depuis la panne d’électricité, plusieurs fausses informations circulent, accusant notamment le Maroc ou la Russie. Dans ce contexte de désinformation et de spéculation, comment décririez-vous l’état d’esprit de la population espagnole et portugaise ?
Gilles Servanton : À mon sens la population est partagée entre son éternel esprit critique des responsables techniques et gouvernementaux et son irrésistible attirance pour les théories du complots.
Pascal Bourbon : J’ai personnellement continué de travailler dans la journée. Une fois rentré à la maison, le courant a été rétabli à 21h chez moi. Par contre, pas de connexion Internet, ou alors par intermittence. Je n’ai pas observé de mouvements de panique. Il y avait moins de personnes dans les rues. Cela rappelait un peu les ambiances du confinement et rendait la vie plus agréable, car Barcelone est trop touristique.
La panne a entraîné l’arrêt des transports publics et des services de communication, provoquant des perturbations majeures. Comment les autorités ont-elles géré la coordination des services, notamment d’urgence, pendant la crise ?
Gilles Servanton : À mon niveau je n’ai observé aucune erreur majeur, comme celles – nombreuses – que nous avions regretté lors de la catastrophe de la tempête à Valence le 29 octobre dernier. À titre d’exemple, la région de Madrid a tout de suite fait appel à l’aide de l’État central et à l’armée pour renforcer la sécurité des populations.
Pascal Bourbon : Barcelone a été pas mal touchée, donc il y a eu une panne totale. Le plus inquiétant, c’était que les feux de trafic ne fonctionnaient plus. J’ai été témoin de quelques petits accidents, évidemment pas très graves car les gens roulaient lentement. C’était un petit peu dangereux. C’est donc pour cela qu’il y a eu des alertes, ou plutôt des annonces du Gouvernement, du genre : « Ne prenez pas vos véhicules ».
La gestion de la crise a nécessité une mobilisation rapide des ressources et une coordination étroite entre les différents niveaux de gouvernement. Comment évaluez-vous la réponse des autorités, et quelles pistes d’amélioration identifiez-vous pour faire face à de futures crises de grande ampleur ?
Gilles Servanton : Je n’ai pas le recul nécessaire pour porter un quelconque jugement.
Pascal Bourbon : Le Gouvernement a bien géré. Il y a eu deux annonces du Président et du Gouvernement – une à 18h et une à 22h30 – en donnant des données.
À l’heure actuelle, la situation est maîtrisée et le courant a été rétabli. Selon vous, quelles actions devraient être envisagées pour mieux accompagner la population et renforcer sa résilience face à ce type d’incidents ?
Gilles Servanton : D’une manière générale nous devons accroitre la culture du risque afin de mieux faire face à tout type d’évènement majeur. Nous devons demander aux familles de posséder un kit de sécurité : bougies, lampe torches, réserve d’eau. Il faut aussi employer des moyens de communication ne nécessitant pas l’emploi de l’énergie électrique. Par exemple les municipalités doivent pouvoir mobiliser des personnels et des véhicules pour passer des informations dans les rues avec un simple mégaphone, afin de pallier la paralysie des moyens de communication modernes. Enfin des exercices doivent être organisés dans les villes, les écoles, les entreprises pour apprendre les bons gestes et avoir les bons réflexes.
Pascal Bourbon : Cela n’a pas été dramatique, mais ça nous donne une leçon. Il faut essayer d’être un peu plus indépendants du point de vue énergétique, essayer de voir ce qui est vraiment essentiel. Nous pouvons vivre en étant un peu moins dépendants des énergies. Par ailleurs, les personnes âgées sont, à ce titre, plus prévoyantes que le reste de la population. Ils ont leurs postes de radio – moi je n’en ai plus, car tout est digital –, des piles, des lampes-torches bien chargées, des bougies, du gaz – tout est électrique chez moi –, des bouteilles d’eau.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Gilles Servanton : Je pourrai témoigner, comme chacun d’entre nous, de l’étonnement qui s’est peu à peu transformé en un sentiment d’impuissance, des difficultés de circulation dans la ville de Murcie privée de feux de signalisation, ou enfin de l’inquiétude de nos proches avec qui nous ne pouvions plus communiquer. J’ai choisi au contraire un évènement empreint d’humanité et d’optimisme.
Pascal Bourbon : Pour ma part, ces quelques heures sans données m’ont fait du bien. C’était un moment de détente et de relaxation intellectuelle.
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