Bénédicte Défontaines est neurologue et Directrice générale d’ALOÏS, un centre spécialisé dans la santé mentale et cognitive. Aux côtés de Géraldine Lebrun Guillaud, Docteure en neuropsychologie et neurologue, elle nous présente l’association ALOÏS et l’enjeu du dépistage précoce des troubles de la mémoire et du comportement pour prévenir les troubles cognitifs.
Pouvez-vous nous présenter l’association ALOÏS et sa mission principale dans le domaine des troubles cognitifs ?
ALOÏS est un centre d’expertise pour la santé mentale et cognitive, créé en 2004 par le Dr. Défontaines, neurologue, et dont l’objectif est d’innover dans la prévention, le diagnostic et la prise en charge précoce de la santé cognitive à tous les âges de la vie, face à la saturation des services hospitaliers. Ces handicaps invisibles impactent l’individu, son entourage et la société entière. ALOÏS œuvre pour une prise de conscience de l’importance de prendre soin de sa cognition dès le plus jeune âge.
La mission sociale d’ALOÏS est de créer des parcours coordonnés permettant de faciliter l’accès aux soins pour tous, en levant les freins financiers, via des tarifs adaptés aux revenus, et les freins d’accès, via la téléconsultation dans les déserts médicaux. Nous répondons à cet enjeu de santé publique à travers 3 pôles :
- Un pôle Clinique (1000 patients/an) : diagnostic, suivi et coordination des soins pluridisciplinaires (neurologue, neuropsychologue, coordinatrice, assistante de coordination, partenaires médicaux et paramédicaux) ;
- Un pôle Études et Recherche : études, recherches, mesure d’impact social. Le Pôle Études et Recherche bénéficie de l’expertise médicale du Dr. Défontaines, ainsi que de l’expertise du Dr. Bertrand Shoentgen (PhD, Directeur R&D), du Dr. Géraldine Lebrun-Guillaud (PhD, neuropsychologue) ainsi que d’Edmée Chatin (en thèse de doctorat, neuropsychologue) et accueillera à partir de janvier 2025 Jeanne Eygasier (neuropsychologue) pour une thèse de Doctorat.
- Un pôle Formation, certifié Qualiopi : délivre des formations expertes pluridisciplinaires sur les troubles liés à la santé mentale et à la cognition à destination des professionnels de santé, paramédicaux, scolaires/ insertion professionnelle, manager, grand public etc.
Notre équipe est composée de 24 personnes actives au quotidien dans les activités chroniques de la structure (17 salariées, 7 prestataires et bénévoles).
Pourquoi le dépistage précoce des troubles de la mémoire et du comportement est-il essentiel pour un vieillissement serein ? Quels sont les principaux signes avant-coureurs à surveiller ?
L’enjeu du dépistage et du diagnostic précoces est d’amoindrir les effets négatifs des troubles cognitifs et de proposer des prises en charge adaptées afin de ralentir la progression des difficultés rencontrées.
L’objectif des prises en charge non médicamenteuses (orthophonique, neuropsychologique, psychologique, psychomotricité…) est d’utiliser la plasticité cérébrale pour mobiliser et faire travailler les réseaux synaptiques spécialisés, et utiliser (chez l’adulte) la réserve synaptique.
En effet, si les maladies neurocognitives (maladie d’Alzheimer, Parkinson..) sont incurables, il existe tout de même des traitements symptomatiques et des traitements non médicamenteux.
Ces prises en charge précoces permettent de ralentir l’évolution et retarder l’entrée dans la dépendance chez les adultes atteints de MAMA (Maladie d’Alzheimer et Maladies Apparentées), et d’accompagner au plus tôt les aidants.
Cette philosophie de prévention impacte l’individu et son entourage et la société tout entière : coûts évités liés à la dégradation de l’état de santé du patient et de l’aidant (plan psychologique, physiologique, etc.), au recul de l’entrée dans la dépendance.
« Diagnostiquer tôt pour vivre mieux » est la devise de l’association Aloïs.
Depuis 2024, vous proposez des téléconsultations neuropsychologiques pour les Français résidant à l’étranger. Comment ces consultations se déroulent-elles et quels en sont les bénéfices pour les patients éloignés des centres spécialisés ?
Les téléconsultations se font avec un.e neuropsychologue de l’association ALOÏS, spécialiste des troubles cognitifs. Elles durent 45 minutes durant lesquelles les difficultés rencontrées au quotidien sont abordées puis, selon les plaintes et l’âge des patients, des tests neuropsychologiques peuvent être proposés.
À l’issue de la consultation, le neuropsychologue écrit un compte-rendu et le dossier du patient est discuté en staff pluridisciplinaire au sein de l’association ALOÏS. Enfin le compte-rendu est envoyé au patient avec des recommandations de prises en charge au besoin.
Pour les patients éloignés des centres spécialisés, cela permet de détecter plus précocement des troubles éventuels et de les orienter vers les professionnels adaptés pour la suite de la prise en charge.
Vous organisez des webinaires pour sensibiliser aux troubles cognitifs. Quels sujets y sont abordés et comment y participer ?
Lors des webinaires, nous abordons la cognition en général afin de sensibiliser les participants à leur santé cognitive. Puis des illustrations sont proposées par l’intermédiaire de vignettes cliniques afin d’aborder concrètement les manifestations au quotidien des difficultés cognitives et ce, à tous les âges de la vie.
Enfin le parcours de téléconsultation est présenté afin d’expliquer aux participants les démarches à suivre afin de bénéficier d’une téléconsultation.
Pour y participer il suffit d’aller sur site internet ALOÏS, rubrique actualités puis troubles cognitifs : dépistage et accompagnement des Français, où qu’ils soient dans le monde et de cliquer sur « inscriptions aux webinaires ».
Pouvez-vous nous parler de la convention signée avec la CFE concernant le financement des parcours proposés par ALOÏS pour les Français âgés de 50 à 70 ans résidant au Maroc, en Tunisie et au Sénégal ?
Grâce à la convention signée avec la CFE, en plus de bénéficier de téléconsultations neuropsychologiques expertes, les Français âgés entre 50 et 70 ans et résidants au Maroc, en Tunisie et au Sénégal, voient les frais de prises en charge recommandées à l’issue de la téléconsultation (comme des séances d’ergothérapie ou autres), pris en charge par la CFE.
Depuis la mise en place de ces initiatives, avez-vous constaté une augmentation du dépistage précoce et une amélioration de la prise en charge des troubles cognitifs, notamment chez les Français de l’étranger ?
Ce service est trop récent pour que l’on puisse en tirer une conclusion à ce jour.
En revanche le modèle ALOÏS propose des parcours de diagnostic et de prise en charge des patients avec des troubles cognitifs à tous les âges de la vie, en ville.
Ces parcours de diagnostic ont démontré leur capacité à faire un diagnostic précoce d’une pathologie neurocognitive ou d’un trouble d’une neuro développement. Les diagnostics sont faits plus rapidement (les délais sont plus court) et plus précocement (au début de la maladie) qu’à l’hôpital.
Les parcours ALOÏS vont donc être intégrés au droit commun et accessible à tous les Français de l’hexagone en 2026. C’est le travail de 20 ans d’expérimentation d’ALOÏS : un observation partie du terrain qui modifie les politiques publiques.
Le diagnostic précoce permet d’initier une prise en charge précoce et c’est la seule façon d’améliorer de stabiliser ou de guérir les symptômes.
La précocité du diagnostic est le Graal des troubles cognitifs. Cela permet la mise en route de la plasticité cérébrale qui peut être capable de compenser ou de réparer les lésions du cerveau.
En 2025 le premier traitement anti Alzheimer est attendu sur le marché en Europe : un anticorps monoclonal, le Lecanumab. Il est déjà commercialisé aux États-Unis au Japon en Angleterre et en Chine. Ce traitement ne peut être administré que chez les patients au tout début de la maladie d’Alzheimer.
Ce service que nous proposons pour les Français de l’étranger depuis un an, a pour objectifs principaux :
- de sensibiliser les Français sur l’importance de prendre soin de sa cognition,
- de sensibiliser sur l’importance de faire un diagnostic précoce d’une maladie ou d’une affection cognitive afin de mettre en place des techniques visant à améliorer stabiliser ou guérir des symptômes et prévenir l’état d’épuisement des aidants.