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« Ce raz de marée républicain est une conjugaison de plusieurs facteurs »

À l’occasion des récentes élections présidentielles aux États-Unis, marquées par une participation record approchant les niveaux historiques de l’élection de 2020, l’équipe de l’ASFE a eu le plaisir d’échanger avec Gérard Epelbaum, Conseiller des Français de l’étranger pour la circonscription de New York et président du conseil consulaire. Acteur clé du lien entre la communauté française et les autorités consulaires, il partage quelques réflexions sur les particularités du scrutin américain, ses implications pour la communauté française et ce que l’on peut en tirer pour renforcer les relations entre les deux pays.

Y a-t-il eu, selon vous, des sujets qui ont été sous-estimés lors de ces élections, mais qui pourraient influencer durablement la politique américaine ?

Cette campagne n’a pas été un débat d’idée. Aucun sujet important n’a été traité en profondeur. Seules des généralités sur les impôts, l’inflation, l’immigration, la sécurité, l’avortement ont été abordées. Malheureusement beaucoup d’invectives sont aussi à signaler.

Certains États clés ont basculé d’un parti à l’autre lors de cette élection. Quelles leçons peut-on tirer des dynamiques politiques dans ces « swing states » ?

Tout d’abord les instituts de sondage se sont trompés. Ils prédisaient pratiquement une égalité parfaite entre les deux camps, alors que les USA ont eu un raz de marée républicain sans appel qui a touché tout le monde : vote populaire, les grands électeurs, le Sénat, la chambre des représentants, 27 gouverneurs républicains contre 23. Il est à rappeler que le dernier Président républicain à obtenir la majorité au Sénat ET dans la chambre des représentant était déjà le Président Trump.

De plus la cour suprême est à majorité conservateur et le Président Trump aura sûrement à élire de nouveaux juges à la cour suprême puisque certains sont sur le départ.

Ce raz de marée est, je pense, une conjugaison de plusieurs éléments :

Je pense ainsi que beaucoup de vote ont été par défaut.

J’aimerais ajouter qu’aux États Unis, l’adage selon lequel les américains votent avec leur porte-monnaie n’est jamais loin. En effet, l’inflation a fait beaucoup souffrir les pauvres et toute la classe moyenne et au regard des scores, il semblerait que le discours économique de Donald Trump ait eu davantage de portée.

Avec les débats sur la fiabilité des systèmes de vote (machines électroniques, votes par correspondance), pensez-vous que cette élection a marqué une avancée ou un recul en termes de confiance dans le processus électoral américain ?

Jusqu’à maintenant il n’y a pas eu de recours, c’est un raz de marée et le score est sans appel. Donc je pense que la confiance dans ce vote est catégorique. Le parti républicain a rattrapé son retard dans le vote par anticipation et par correspondance, là où le parti Démocrate était traditionnellement le plus performant. Cependant pour un Français, il est très étonnant et choquant qu’on ne vous demande ni pièce d’identité ni preuve de nationalité pour voter. Votre nom et adresse suffisent pour exprimer son droite de vote dans beaucoup d’états américains …

Pensez-vous que le rôle des plateformes numériques dans cette élection a été mieux maîtrisé qu’en 2016 ?

Oui et je pense aussi que les citoyens sont mieux sensibilisés et éduqués sur les fakes news. Là encore, le parti républicain a fait un gros travail pour rattraper son retard sur les réseaux, ainsi le vote jeune n’est plus à l’avantage unique du parti démocrate.

Les médias internationaux ont suivi les élections de très près. D’après vous, quelles nuances importantes sont souvent oubliées dans les analyses européennes sur les dynamiques électorales américaines ?

Les médias européens se sont une nouvelle fois trompés sur le dénouement du scrutin, ils voyaient Donald Trump au coude à coude avec Kamala Harris, voire parfois, un peu plus bas dans les sondages. Paradoxalement, plus le processus de diabolisation de Trump avec sa politique isolationniste et ses affaires judiciaires se renforçait, plus les sondages en sa faveur augmentaient.

Les médias européens ont probablement oublié, qu’ici aux Etats-Unis, le peuple américain est parfaitement capable d’élire un acteur de série B ou un M. Univers à des postes politiques stratégiques.

Comment voyez-vous l’impact immédiat des résultats électoraux sur les relations internationales, notamment entre la France et les États-Unis ? Y a-t-il des signaux concrets à surveiller dans les mois à venir ?

Je pense que tous les pays ont des constantes historiques de leurs intérêts nationaux et internationaux. L’Amérique, comme à son habitude, est tiraillée par l’isolationnisme et par l’ambition, quasiment religieuse et marchande de guider et/ou sauver le monde. Notons qu’elle est encore aujourd’hui le bras armé de l’Europe, incapable de se défendre elle-même.

Cet isolationnisme n’a pas commencé avec Trump. Celui du Président Obama n’a rien à envier à celui des Présidents Trump et Biden. Les conflits en Ukraine et au Moyen-Orient en sont des exemples.

La politique internationale du premier mandat du Président Trump doit pouvoir nous guider sur la suite des quatre prochaines années. Il s’est dit un Président de la paix …la fera-t-il ? On ne peut que le souhaiter.

Quel rôle voyez-vous pour la communauté française dans une ville comme New York, particulièrement dans un contexte politique en mutation après ces élections ? Pensez-vous qu’elle puisse jouer un rôle de « pont culturel » entre la France et les États-Unis dans cette période ?

La communauté française à New-York et aux États Unis est de plus en plus importante et dynamique, et cela ne passe pas inaperçu auprès des autorités locales. A titre d’illustration, les programmes bilingues français/américain se multiplient dans les écoles publiques américaines. Les entreprises françaises sont responsables pour plus de 750.000 emplois.

Les Américains sont très curieux et même envieux de la chance qu’ont les Français de l‘étranger d’avoir des élus locaux, des élus nationaux (sénateurs et députés) mais aussi un réseau scolaire international exemplaire.

Notre communauté joue plus qu’un rôle de « pont culturel », nous sommes des acteurs économiques et des ambassadeurs du savoir-faire et de la créativité française.

Lors de sa récente visite dans la circonscription de New York, le sénateur de l’ASFE, Evelyne Renaud-Garabedian, a eu l’occasion de vous rencontrer et de défiler à vos côtés le 11 novembre, en hommage aux vétérans tombés au combat. Pouvez-vous nous en dire plus sur les principaux sujets abordés lors de votre échange ?

Ce défilé sur la 5eme avenue à New-York, qui s’est réalisé sous les applaudissements du public avec les vétérans et leurs drapeaux français, a été magique.

Nous avons eu des échanges intenses et fructueux avec la communauté française locale, nous avons visité deux écoles françaises (The École et le Lyceum Kennedy) puis rencontré le Consul Général de France et son excellence M. Laurent Bili, Ambassadeur de la France aux États Unis ainsi que notre Conseiller Culturel de l’Ambassade.

Nos discussions ont couvert tous les problèmes de notre communauté : immigration, visa, bourse scolaire, retraite, éducation, santé, francophonie, culture, … sans oublier la loi présentée au Sénat par Mme la Sénatrice sur les EFE (Entrepreneurs Français à l’étranger).

Hommage aux vétérans de guerre tombés au combat lors du défilé du 11 novembre à New York.

Gérard Epelbaum, Conseiller des Français de l’étranger pour la circonscription de New York et président du conseil consulaire.
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