L’équipe de l’ASFE a eu le plaisir de s’entretenir avec Cécile Moroni, humoriste, conférencière et autrice française en Norvège, se produisant régulièrement sur les plus grandes scènes de Norvège et faisant également du stand-up en France et aux Etats Unis. Elle nous partage son expérience et sa vision de l’humour aujourd’hui.
Pouvez-vous vous présenter votre parcours professionnel en quelques lignes ?
Je suis diplômée de l’ESSEC et de l’Université de Mannheim en Allemagne, et ai travaillé dans des grands groupes de conseil en stratégie à Paris (Bain & Company, Roland Berger) avant de poursuivre ma carrière en Norvège en direction marketing (Carlsberg et Nespresso) et de devenir DG d’une petite entreprise norvégienne de beauté. Il y a un an et demi, j’ai réinventé ma carrière et suis désormais humoriste conférencière et autrice, avec la différence culturelle comme fil rouge de toutes mes activités.
Vous faites du stand-up dans trois langues et avez gagné cette année le Trophée des Français de l’étranger et le prix du meilleur humoriste de Norvège. Vous naviguez en permanence dans un contexte plurilingue : le décalage culturel entre différents pays peut-il être un obstacle à la compréhension de l’humour parmi le public ?
L’humour est très culturel ! C’est justement l’intérêt et la difficulté de faire de l’humour comme je le fais dans trois langues (norvégien, anglais et français). Tout depuis le contenu, jusqu’au rythme en passant par le choix des mots est ancré dans un contexte culturel. On peut rarement traduire un spectacle de stand-up sans l’amender en profondeur. Que souhaite-t-on dire au public entre les lignes? est peut-être la première question à se poser quand on est humoriste. Quelques blagues génériques fonctionnent pour moi dans les trois langues, mais dès qu’il s’agit de politique, de langue ou de société, les textes ne fonctionnent que dans une seule culture
Crédits photo : Øivind Arvola
Vivre à l’étranger amène de nouvelles perspectives sur son pays d’origine. Comment le regard que vous portez sur la France depuis Oslo influence-t-il votre écriture artistique ?
Quand on vit à l’étranger, on peut se sentir à la fois chez soi et étranger partout. Je m’amuse beaucoup de ça dans mes spectacles, de cette dualité, parfois vulnérable et toutefois souvent drôle. J’aime aussi l’idée que faire rire apporte un regard nouveau sur une situation connue. Donc je parle beaucoup de la France et de la culture française aux Norvégiens, Si par mon humour, je peux donner envie aux Norvégiens de s’intéresser à la France, d’apprendre le français ou aux Français de venir découvrir la Norvège alors le pari est gagné.
Selon vous, quels sont les codes culturels, au-delà des mots, que vous avez observés en Norvège par rapport à la France, tels que les éléments non verbaux de l’humour, le langage corporel, le timing ?
Le stand-up comedy est une discipline d’origine anglo-saxonne. En ce sens, la langue norvégienne se prête plus aux textes minimalistes (prémices concis et punchlines très rapprochées) des humoristes américains que le français. Mon écriture est différente selon les langues, et a tendance à être plus bavarde en français qu’en anglais ou en norvégien. Pour ce qui est du langage corporel, chaque humoriste a son style, indépendamment de son pays je crois.
Vous exercez aussi un métier de conférencière sur les sujets de management interculturel et de DEI (Diversity Equity Inclusion). Pouvez-vous nous parler de cette partie de votre activité ? Quel serait, selon vous, l’élément le plus important et parfois sous-estimé de la communication interculturelle ?
En effet, une partie importante de mon activité professionnelle consiste à intervenir auprès d’entreprises souhaitant améliorer leur capacité à travailler dans un contexte interculturel. Il peut s’agir d’acteurs internationaux opérant dans plusieurs marchés et donc amenés à embaucher dans différents pays, et souhaitant mieux comprendre la culture du travail norvégienne, ou alors de sociétés norvégiennes souhaitant faire plus de place à différentes origines culturelles parmi leurs employés.
C’est un sujet passionnant, à l’importance grandissante. Je passe beaucoup de temps à écouter les problématiques de mes clients, à comprendre leurs enjeux.
Il y existe plusieurs clefs à une bonne communication interculturelle, notamment par le biais de solides valeurs communes au sein de l’entreprise, qui doivent être partagées indépendamment des géographies.
Si toutefois je devais choisir, je dirais que la communication interculturelle passe par l’humilité et la curiosité. Ecouter avant de parler, apprendre avant de vouloir expliquer. Il ne s’agit pas de devenir expert dans la culture de l’autre, mais simplement d’acquérir une connaissance minimum qui permet un contact d’égal à égal, sans jugement.
Vous venez de sortir un livre « Where babies sleep outside », aux editions Mondå, qui parle avec humour de la façon dont les Norvégiens éduquent les enfants. Pourquoi ce projet ?
Je suis maman de trois enfants qui sont nés et ont grandi à Oslo, et ai adoré découvrir la pédagogie à la scandinave, très positive, et en communion avec la nature. Ce sujet semble intéresser beaucoup, et mon livre se veut donc à la fois explicatif et drôle. Le titre relève d’une observation véridique : les Nordiques laissent les bébés faire la sieste en extérieur, quelques soit la météo ! On dit que les enfants dorment bien dans le froid, emmitouflés au fond de leur landau. Mes trois enfants ont adoré dormir dehors.
Crédits photo : Svein Finneide
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