Soixante ans après l’ouverture de relations diplomatiques entre la Chine de Mao et la France du Général de Gaulle, leurs lointains successeurs se sont retrouvés à Paris. Une visite d’Etat du président Xi aussi importante dans le contexte actuel que symbolique.
Rarement le monde contemporain a connu pareil tourbillon géopolitique. D’un côté, l’Occident, avec les Etats-Unis en tête de pont, dont la domination est remise en question. De l’autre, le reste de la planète, regroupé dans un « Sud global » aux intérêts néanmoins divergents, dont la Chine est la figure de proue.
Le fait que Xi Jinping ait choisi la France pour étape initiale de son premier voyage en Europe depuis la crise sanitaire n’est pas anodin. Il entendait ainsi saluer un pays qui n’a jamais rompu le dialogue avec le régime communiste et qui, depuis De Gaulle, a toujours suivi une politique d’équilibre est-ouest, sans être inféodé à Washington. Le président chinois, qui devait ensuite visiter la Serbie et la Hongrie, deux autres nations non alignées sur l’Oncle Sam, souhaitait sans doute, par le choix de ses destinations, souligner les divisions de l’Occident. Il est d’ailleurs important de noter qu’Olaf Scholz, le chancelier allemand, ne s’est pas joint à Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, pour accueillir Xi Jinping à Paris. Il était au même moment dans les Pays baltes. L’absence de celui qui est allé défendre ses propres intérêts commerciaux à Pékin mi-avril a été interprété comme un signe des difficultés de l’Occident à rester uni.
Sur un autre front, l’Ukraine, le président chinois a apporté son soutien à une « trêve olympique », à l’occasion des Jeux de Paris cet été. Pourrait-elle servir à enclencher un processus plus politique après plus de deux ans de conflit ? Paris se veut « lucide » sur les chances limitées d’une percée rapide. D’autant que Xi Jinping reste le principal allié de Vladimir Poutine, qu’il doit recevoir prochainement. Il a cependant répété qu’il ne fournissait pas d’armement lourd à Moscou.
L’économie était évidemment au cœur de cette rencontre. Le président chinois a annoncé la prolongation pour un an, jusqu’à fin 2025, de l’exemption de visa touristique court pour les Français désireux de se rendre dans son pays. Cette mesure permet de faire du tourisme en Chine sans visa en cas de séjour n’excédant pas 15 jours et peut aussi intéresser les milieux d’affaires.
Sinon, ce sont plutôt les désaccords commerciaux qui ont marqué ce rendez-vous. Si les deux dirigeants, réunis avec Ursula van der Leyen, ont fait mine de vouloir avancer, ils n’ont pas dissimulé les tensions qui s’accumulent sur le commerce. Le président français a expliqué vouloir soulever « en toute amitié et confiance » les « préoccupations, pour essayer de les surmonter », appelant à des règles commerciales « équitables ». « Le soi-disant problème de la surcapacité de la Chine n’existe pas », a répondu Xi Jinping, estimant que « l’industrie chinoise des nouvelles énergies » permettait au contraire « d’accroître l’offre mondiale et d’atténuer la pression de l’inflation mondiale ». Le déficit commercial de la France avec la Chine, de 46 milliards d’euros en 2023, reste abyssal. Les tensions n’ont pas empêché une quinzaine d’accords commerciaux et de partenariats d’être signés, notamment un contrat de fourniture de motrices électriques pour le métro de Hefei avec Alstom ou un partenariat stratégique sur les batteries avec le français Orano.
L’équipe de l’ASFE