Denis Jimenez est un marin français passionné de navigation qui a consacré une grande partie de sa vie à explorer les océans du monde. En 2015, alors qu’il arrive au Mexique avec son épouse Christine, il est étonné de l’invasion des algues sargasses qui défigurent les plages. Animé par son amour pour la mer et son engagement pour l’environnement, Denis fonde alors The Ocean Cleaner, et créé le Sargaboat, un bateau capable de collecter efficacement ces algues. Son histoire souligne l’importance de l’action individuelle pour la préservation de notre planète.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Quel est votre parcours personnel et professionnel ?
Je suis Denis Jimenez, j’ai 63 ans et je suis Français résidant au Mexique. Diplômé en électronique et arts graphiques, j’ai d’abord créé puis vendu mon entreprise de décoration pour une aventure en voilier avec ma femme et nos deux fils. Après une traversée de l’Atlantique et deux ans de navigation, nous avons vendu notre monocoque pour dessiner et construire un catamaran de 48’ (14.50m) plus confortable. Après une seconde traversée de l’Atlantique et quelques années de navigation, nos fils volant de leurs propres ailes, nous avons vendu le catamaran. Déjà frappés par la pollution marine, nous avons découvert en 2015, au Mexique l’invasion des algues sargasses. C’est à ce moment que j’ai conçu le concept global « The Ocean Cleaner » en inventant le Sargaboat® et la Sargatrailer®. Le premier bateau de récolte en mer, équipé de remorques autonomes, capable de récolter non-stop le long de barrières flottantes.
Vous avez créé une entreprise ayant pour objectif de préserver les plages, le littoral de la pollution. Quelles ont été vos motivations pour agir dans un pays étranger et pour fonder The Ocean Cleaner ?
Nous avons choisi le Mexique car déjà nous y avons été très bien accueillis et je pense que nous nous sommes très bien intégrés. Ensuite, c’est aussi sur la Riviera Maya que nous avons découvert l’invasion des sargasses, un très grave problème économique, sanitaire et écologique. D’ici on voit mieux l’impact, la récurrence, les tentatives de gestion du ramassage au recyclage. Nous sommes au coeur du problème que nous combattons, on ne perd pas le contact avec la réalité, c’est pour moi une évidence !
Quels sont vos projets pour le futur? Envisagez-vous d’élargir l’utilisation de The Ocean Cleaner à d’autres régions du monde touchées par des problèmes similaires d’invasion d’algues ou de pollution plastique ?
Bien sûr! Nous avons créé un outil redoutablement efficace pour lutter contre ces pollutions, c’est même un devoir pour nous de le faire connaitre à travers le monde. Les sargasses envahissent 30 pays des Caraïbes, il y a de quoi œuvrer dans ce domaine, et oui The Ocean Cleaner, et surtout notre ensemble Sargaboat®/Sargatrailer® est tout à fait capable de récolter toutes sortes de déchets solides flottants tels que les plastiques et la Salvinia. Cette plante aquatique, échappée des aquariums, double de volume en seulement 4 jours ! Elle obstrue les lacs et les réservoirs d’eau douce sur les 5 continents. L’équipe The Ocean Cleaner est tout à fait capable d’aider à la gestion de ces graves problèmes.
Est-ce que vous avez rencontré des défis particuliers lors de la création de The Ocean Cleaner?
Oui et il y en a encore à surmonter onze ans après. En 2015, l’invasion des sargasses était un phénomène nouveau, et nos outils sont nouveaux. Alors que notre concept global était une évidence (pour moi et des scientifiques de renom), le premier défi a été celui de faire comprendre aux hôteliers et aux gouvernements la nécessité du concept global c’est-à-dire :
- installer des barrières capables de bloquer ou dévier les algues, qui arrivent jour et nuit,
- avoir un bateau récolteur efficace capable de récolter en mer, et le long de ces barrières.
Beaucoup pensaient, ou espéraient, que le phénomène cesserait. On lisait dans les rapports : « ça va se calmer, c’est exceptionnel, la nature va reprendre le dessus etc ». Les directeurs d’hôtels rejetaient l’idée d’une telle installation face à leur plage. Les villes n’avaient pas les moyens financiers pour ne serait-ce que l’envisager.
Devant la récurrence du phénomène et les pertes économiques catastrophiques, nombreux sont les hôtels, responsables et élus locaux qui ont d’abord investi dans des outils existants (ils le font encore 11 ans après). Pendant des années, devant l’urgence, des millions d’euros ont été dépensé en vain en barrières hydrocarbures ou des modèles artisanaux, des bateaux de rivière non adaptés voir dangereux une fois en mer etc. Il faut connaitre la mer et faire avec elle, en toute humilité, car en plus d’arriver en nappes de plusieurs millions de tonnes, les algues sargasses échouent principalement sur la cote au vent !
Autre défi pour The Ocean Cleaner, trouver des fonds pour passer du concept a la réalité et faire enfin la démonstration de l’efficacité de l’ensemble Sargaboat®/Sargatrailer® et de nos barrières. J’ai eu la chance d’être contacté par des investisseurs Canadiens qui ont immédiatement cru au concept The Ocean Cleaner. Je venais d’être juste contacté par le propriétaire d’un des plus grand groupe hôtelier de la Riviera Maya. Ses clients désertaient la plage depuis 3 ans. Ils avaient testé les barrières à hydrocarbure et autres engins locaux, en vain. The Ocean Cleaner a donc pu installer son concept global et tester le Sargaboat® et les Sargatrailer® dans les pires conditions, face à la houle sans barrière de corail. Avant notre installation plus de 160 personnes nettoyaient péniblement les 700 mètres de plage. Depuis notre installation, seulement 3 personnes font la maintenance journalière. Depuis 2019 The Ocean Cleaner démontre parfaitement son efficacité. Nos engins ne sont plus des prototypes mais bien des outils nouveaux qui ont réussi à surmonter cet immense défi. Les plages et les fonds marins sont protégés, les touristes sont satisfaits et le groupe hôtelier apprécie toujours sont investissement.
Ensuite il y a eu le défi COVID. Les stations balnéaires ont été désertées, The Ocean Cleaner Canada a dû cesser son activité. Mon épouse et moi-même sommes rentrées en France pour raisons familiales Une fois les frontières ouvertes, avec un nouvel associé nous avons créé The Ocean Cleaner en France, et nous sommes immédiatement repartis à l’assaut des millions de tonnes de sargasses, depuis le Mexique, au cœur du problème.
Que deviennent les algues par vos bateaux ? Pouvez-vous nous décrire comment fonctionne le processus de gestion de ces déchets ?
Les entreprises qui ont investies dans nos bateaux et barrières disposent de ces algues selon leur convenance et surtout selon les préconisations de leur gouvernement, qui eux-mêmes écoutent les conseils de leur scientifiques et chercheurs. Malheureusement, il n’y a pas une harmonisation internationale concernant la réutilisation des sargasses car pour l’instant, il n’existe pas de solution miracle. Pour le cas du Groupe hôtelier sur la Riviera Maya, ils transforment les sargasses en biogaz et compost. Concernant nos installations en cours en République Dominicaine, les clients ne nous ont pas précisés l’utilisation future. Depuis toutes ces années que nous sommes dans les sargasses, Notre équipe RD a bien une idée innovante de recyclage qui optimiserait les ressources en tenant compte des inconvénients. Mais ce projet de matériaux biosourcé doit être accompagné d’investisseurs ou industriels. Notre porte est donc ouverte !
Chaque année, entre 5 et 13 millions de tonnes de plastique sont déversées dans les océans. Malgré une sensibilisation croissante à la pollution marine, est-ce que vous semblez optimiste quant à la préservation des océans à l’avenir ?
Nous sommes obligés d’être optimistes, ne serait-ce que par respect pour notre planète et les générations futures. Cependant, il faut parvenir à un consensus international. On le voit avec les sargasses, chaque pays cherche dans son coin, et bien souvent chacun réinvente la roue, si je peux dire. La communication internationale est une nécessité pour trouver et surtout mettre rapidement en œuvre les solutions qui ont fait leur preuve ! Il ne faut pas non plus penser gérer le problème de la mer uniquement, il faut penser en amont, comme gérer les sorties de grands fleuves et rivières. Car ne l’oublions pas, nos poubelles en mer proviennent de la terre !
Avez-vous d’autres remarques à ajouter ?
Lorsqu’on est Français vivant à l’étranger et ayant une entreprise Française à fort potentiel international qui œuvre efficacement pour la protection de l’environnement, nous apprécierions fortement le soutien de notre pays.
Denis Jimenez, PDG de The Ocean Cleaner, France.
Site internet : The Ocean Cleaner
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