La construction de l’Europe de la défense a longtemps été un serpent de mer. Deviendrait-elle une perspective réaliste ? La guerre en Ukraine et les menaces de la Russie contre les pays de l’Union ont fait incontestablement évoluer les consciences. Rétive à tout engagement militaire pour des raisons historiques liées à la Deuxième guerre mondiale, l’Allemagne entend, par exemple, investir 100 milliards d’euros pour la modernisation de son armée.
La France, qui joue un rôle moteur sur ce terrain grâce à la détention de l’arme nucléaire, vient de relancer le débat par la voix d’Emmanuel Macron dans son récent discours de la Sorbonne. Le sujet mêle, a-t-il souligné encore le week-end dernier dans la presse française, « la défense antimissile, les tirs d’armes de longue portée, l’arme nucléaire pour ceux qui l’ont ou qui disposent sur leur sol de l’arme nucléaire américaine ». Il fallait s’y attendre, la proposition a suscité de vives réactions en France, où l’opposition accuse le président de vouloir partager la dissuasion française. Ce qui n’est pas le cas : seul notre pays finance et continuera à financer son programme nucléaire et seul il garde et gardera le pouvoir d’appuyer sur le bouton. Autrement dit, la France conserve l’entière souveraineté de son arme atomique.
Le problème de la défense antimissile européenne est plus large. Depuis le Brexit, la France est la seule puissance « dotée » de l’Union européenne. Mais d’autres pays membres de l’Otan, comme l’Allemagne, l’Italie, la Belgique et les Pays-Bas accueillent des bombes américaines. Par ailleurs, si la dissuasion de l’Alliance ou celle de la France, qui assume depuis longtemps « une dimension européenne », protègent a priori l’UE d’une menace existentielle, elles ne couvrent pas l’ensemble des risques. « Mettons tout sur la table et regardons ce qui nous protège véritablement de manière crédible », a donc proposé le chef de l’État. En Ukraine comme en Israël, les salves de missiles balistiques, de croisière et de drones ont mis à l’épreuve les défenses antiaériennes.
Repenser l’architecture de sécurité de l’Europe, entre les ambitions de l’Union et les moyens de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, est plus que jamais d’actualité. Les propos du candidat Donald Trump dans le cadre de la campagne américaine commandent que l’Europe repense son indépendance si le candidat républicain était réélu. En relançant le débat, Emmanuel Macron propose de corriger les lacunes dans la défense du continent. Mais il n’est toutefois pas question pour la France de se substituer aux États-Unis. Elle n’en a ni les moyens ni la doctrine.
L’équipe de l’ASFE