L’ASFE a eu le plaisir de s’entretenir avec Blandine Cressard, expatriée depuis plus de 30 ans aux quatre coins du monde et aujourd’hui general manager d’un hôtel français à Shenzhen, en Chine. Grande partisane de l’expatriation de courte ou longue durée, elle nous raconte son choix de vie singulier.
Votre parcours est pour le moins atypique puisqu’en trente ans d’expatriation, vous avez vécu sur quatre continents différents. Pourriez-vous vous présentez en quelques lignes ?
J’ai débuté mon expatriation en 1991, il y a trente – deux ans, avec le groupe Accor qui était à l’époque le plus grand groupe hôtelier du monde. Je suis partie car j’ai toujours voulu lier mon projet professionnel avec mon souhait de voyager. Mon ambition était claire : celle de vivre avec des gens différents et de découvrir des coutumes différentes.
Je suis d’abord partie pour l’Afrique, où j’ai vécu dans trois pays différents en dix ans : au Ghana, en Côte d’Ivoire et en Guinée Conakry.
Après une courte phase de retour en Europe, durant laquelle j’ai passé trois ans en Ecosse, j’ai rejoint l’Asie. Je suis restée dix ans en Thaïlande, où j’ai développé quatre hôtels différents, dont un Sofitel.
Je suis ensuite partie en Océanie, au Vanuatu.
Quelques années plus tard, je suis retournée en Asie. J’ai vécu successivement à Hong Kong, en Birmanie et enfin en Chine, où je réside depuis 8 ans. Je suis fière de mon parcours. Je n’ai jamais eu de postes faciles mais ils ont tous représenté un challenge que j’ai su relever. Je suis d’autant plus fière qu’il y avait très peu de femmes expatriées à l’époque. Cela s’est davantage démocratisé récemment, ce qui est à mon sens une très bonne chose.
Vous êtes aujourd’hui à la tête de l’hôtel Residence G à Shenzhen, en Chine. Qu’avez-vous apporté à ce projet en tant que française expatriée ?
Le monde de l’hôtellerie est un milieu qui me passionne. L’hôtel dont je suis aujourd’hui general manager appartient à un groupe financier hongkongais dont la branche hôtelière est développée par un Français.
J’ai été engagée pour la création même de cet hôtel. Ce que j’aime particulièrement quand on part de zéro, c’est de mettre tout en place, créer et former les équipes. Travailler avec les équipes de construction et de décoration de A à Z est un grand bonheur.
J’en ai naturellement profité pour donner une petite touche française. L’hôtel ne ressemble pas à un hôtel chinois classique mais a une décoration française moderne.
Y intégrer un restaurant français me tenait aussi à cœur. Je suis la seule sur ce créneau ici. Mon chef chinois fait aujourd’hui la meilleure tarte aux pommes de tout Shenzhen.
J’essaie par ailleurs de promouvoir nos Français ici, notamment sur les produits alimentaires. Si un Français développe un produit français en Chine, je n’importe pas de France. Je préfère au contraire promouvoir son travail à l’étranger et le faire connaître.
Cet hôtel se distingue donc par sa décoration et sa restauration, toutes deux françaises. En faisant ces choix, je tenais à me démarquer en tant que Française.
Je vous sais très investie auprès des Français expatriés. A quand remonte votre engagement pour ces derniers ?
D’aussi loin que je me souvienne, mon engagement remonte à mon expatriation elle-même. Depuis que j’ai quitté la France pour différents pays, j’ai essayé d’aider au mieux la communauté francophone.
J’ai été présidente de l’association Bangkok Accueil, pour laquelle j’ai accueilli de nombreuses familles françaises désireuses de vivre en Thaïlande, j’ai été vice-présidente de l’UFE Thaïlande et membre du board de la Chambre de commerce européenne de Chine du Sud.
J’ai également eu le grand honneur de recevoir la médaille de l’Ordre National du Mérite, notamment pour mon implication lors du tsunami en Thaïlande en 2004.
Enfin, je suis conseillère des Français de l’étranger depuis l’été 2022, ce qui me permet d’avoir des contacts quotidiens avec les Français de ma circonscription et de faire remonter leurs problématiques au Consul.
Quels sont vos liens avec la communauté française de Shenzhen, l’endroit où vous résidez et travaillez depuis maintenant 8 ans ?
La communauté française de Shenzhen n’est pas nombreuse. Ce petit noyau fait que l’on se connait assez bien et que l’on s’entraide quotidiennement.
Même si je suis expatriée, je continue de faire la promotion de la France et de sa culture. A titre d’exemple, chaque année, j’organise dans mon hôtel le 14 juillet avec toute la communauté française de Shenzhen. Idem avec Pâques ou Noël, que nous célébrons tous ensemble. Je travaille également beaucoup avec la Chambre de commerce française, le consulat français et l’association française Shenzhen Bienvenue, qui m’aident à mettre en place ce genre d’évènements et à fédérer la communauté française tout autour.
Pour conclure, quel conseil donneriez-vous à un Français qui souhaite s’expatrier ?
Il faut en premier lieu le souhaiter, le désirer vraiment, et surtout, le préparer. On ne part pas sur un coup de tête.
Il faut être très fort mentalement, dans la mesure où l’on est loin de sa famille, de ses amis, de son cadre de vie de toujours. Il faut aussi savoir qu’il y a beaucoup de contraintes et que pas tout le monde est à même de supporter ces contraintes.
Il ne faut jamais essayer de reconstruire sa vie française à l’étranger car c’est impossible. Au contraire, il faut sortir de sa zone de confort et cultiver une ouverture d’esprit.
Vous l’aurez compris, je suis totalement en faveur de l’expatriation, que ce soit pour une courte durée ou pour toute la vie. Cette expérience est un des plus beaux cadeaux que l’on puisse faire, c’est un enseignement unique qui vaut tous les autres.