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« Chaque projet, qu’il soit individuel ou collectif, petit ou grand, est important. N’ayez pas peur de vous lancer ! »

Cette semaine l’ASFE a le plaisir de s’entretenir avec Adeline Cassaro et Hélène Levivier-Cany, membres de la Commission écologie de l’Association Parents d’Élèves (APE) du lycée Jean Giono de Turin. Avec elles, nous allons à la découverte du « Parcours éducatif de réduction de l’empreinte carbone du lycée Jean Giono de Turin », une initiative qui suscite l’enthousiasme de la communauté française locale.

Pourriez-vous vous présenter en quelques mots et nous parler de votre rôle au sein de l’APE Giono ?

Bonjour, nous sommes Adeline Cassaro et Hélène Cany, deux mamans du Lycée Français International Jean Giono de Turin, en Italie. Nous faisons partie de l’APE (Association des Parents d’Elèves) en tant que commission écologie, pour aider l’établissement à développer des projets écologiques et à accélérer sa transformation pour réduire son empreinte carbone.

Pourquoi et comment ce projet est-il né ?

Adeline:

Devant l’urgence climatique à laquelle nous sommes confrontés, je veux contribuer à porter et développer des projets à l’échelle locale.
Mon fils étant scolarisé au Lycée, j’ai voulu m’impliquer au sein de l’établissement et porter des projets qui pouvaient réduire l’empreinte carbone au niveau local.

Hélène:

Mes filles ont fréquenté dans le passé des établissements avec une pédagogie “outdoor education”, qui permet aux enfants de découvrir le monde, l’éducation et le respect grâce à la nature et sa biodiversité. Cette pédagogie active me paraît primordiale en 2023 pour comprendre notre Terre et avancer vers un futur meilleur.

Nous nous sommes donc rencontrées avec cette envie commune d’intégrer la biodiversité et d’améliorer la qualité de vie de nos chers enfants et de toute la communauté du Lycée Français International Jean Giono.

Une des problématiques de Turin est la pollution, notamment la pollution de l’air : de plus le Lycée se trouve dans une zone particulièrement polluée de la ville.

A cela s’ajoute une problématique particulièrement ressentie dans le Piémont, la sécheresse que nous subissons depuis quelques années, qui fait du Piémont la région d’Italie avec le plus fort stress hydrique. A titre d’exemple, de décembre 2021 à juillet 2022, il n’ est pas tombé une seule goutte de pluie à Turin.

En partant de ce constat, nous avons pensé à un projet de végétalisation, avec pour objectif de baisser le niveau de CO2 et de réduire l’empreinte carbone du Lycée Jean Giono.

Comment votre projet s’articule concrètement ? Quels sont ses principaux objectifs ?

Le projet a différents objectifs et s’articule à plusieurs niveaux.

Le but premier consiste à réduire la quantité de CO2 dans l’air.

Le seul levier que nous ayons concernant la pollution ambiante est de végétaliser massivement l’établissement, tant à l’intérieur du bâtiment qu’à l’extérieur.

Végétaliser nous permet d’atteindre plusieurs objectifs : diminuer les îlots de chaleur avec des pergolas végétalisées – ce qui permettra d’abaisser la température de certaines classes, ramener de la biodiversité en plantant en masse, des fleurs et plantes rustiques et pérennes, recréer des écosystèmes avec la plantation de 2 grandes haies diversifiées.

Le 2ème grand objectif est de baisser la production de CO2 émis par le Lycée. Pour différentes raisons, un des postes les plus émetteurs de CO2 est la cantine scolaire, et en particulier les déchets alimentaires. Nous savons, d’après les études de l’ADEME, qu’en moyenne un élève jette 110 grammes par plateau et par jour, ce qui représente 55 kg par jour pour 500 élèves et donc plus d’une tonne et 100 kg par mois.

Nous travaillons avec les éco-délégué.es et les professeur.es responsables de Giono Ecolo, qui ont commencé à peser les déchets. Dans un premier temps, l’objectif est de valoriser une partie de ces déchets à travers différents types de compostage. Ces deux types de compostages pourraient relancer la biologie du sol ainsi qu‘augmenter sa porosité.

En chiffre, si on augmente de 1% la vie biologique du sol, on augmente de 50% la rétention hydrique de nos terrains. Les éco-délégué.és, en prenant en charge les déchets alimentaires, permettront à transformer petit à petit les terrains que nous avons dans l’enceinte du lycée.

Quels sont les bénéfices attendus pour les élèves, leurs familles et le personnel du lycée ?

Pour les élèves, nous voyons plusieurs bénéfices. Tout d’abord ils profiteront d’un espace de vie (extérieur et intérieur) beaucoup plus agréable. Les études montrent qu’un environnement vert est plus apaisant qu’un environnement bétonné. Les enfants auront, en outre, la chance de voir leur “décor” évoluer au fil des saisons. Nous savons que la pédagogie active permet une meilleure compréhension des cours théoriques. Et pour finir, nos enfants sont les décideurs de demain. Au vu de l’urgence climatique, nous aimerions leur donner les outils qui les aideront à prendre les meilleures décisions dans le futur.

Du côté des familles, le bénéfice principal est de voir leurs enfants évoluer dans un environnement agréable, moins pollué et plus frais (lors des mois chauds de fin d’année scolaire). Ils seront également rassurés de constater que l’établissement a pris conscience des enjeux climatiques.

Nous avons élaboré, pour le corps enseignant et en accord avec le programme scolaire, des outils et des projets pédagogiques autour de la biodiversité pour toutes les classes de l’établissement.

Nous tenons à souligner que le corps enseignant joue un rôle majeur dans la formation des différentes générations sur les enjeux mondiaux. Donnons leur les moyens, les outils, les projets pour avoir une action plus impactante sur les générations futures.

Nous pensons également que ce projet bénéficiera au personnel de l’établissement en général, qui pourra profiter de ces îlots de fraîcheur et travailler dans un environnement moins bétonné.

Quelles difficultés rencontrez-vous dans la réalisation de votre projet ?

Nous avons reçu un très bon accueil de la part de la coopérative de l’école (qui participe financièrement au projet) et de la direction de l’établissement qui nous soutient à 100%.

La difficulté réside parfois, avec les différents acteurs, dans un manque de connaissance sur les causes, les effets et les enjeux du changement climatique, ce qui est logique et normal étant donné qu’aucun d’entre nous n’a bénéficié de formation approfondie sur le sujet. La prise de conscience est récente pour chacun d’entre nous. Notre plus grand défi est donc de nous informer et d’agir en autodidacte.

Pour ne citer qu’un seul exemple, alors que tout le monde a compris le rôle des arbres dans la capture du CO2, rares sont ceux qui ont compris l’importance du sol et de ses micros organismes dans l’atténuation du changement climatique.

La réussite de ce genre de projet passe par l’importante collaboration et la communication entre tous les acteurs de l’établissement.

Votre projet répond à des nécessités spécifiques du lycée Jean Giono de Turin mais certaines des actions préconisées pourraient s’adapter  aux réalités d’autres établissements français dans le monde. Quels conseils pouvez-vous donner à des associations qui souhaitent développer un projet similaire ?

Effectivement les spécificités de Turin sont la pollution et la sécheresse.

Par ailleurs, le constat sur la quantité de C02 déjà présent dans l’atmosphère étant catastrophique, végétaliser constitue un levier partout dans le monde.

Nous pourrions également évoquer l’état de nos sols ; 40% des terres sur la planète sont dégradées (UNCCD,Convention des Nations Unis sur la lutte contre la désertification). Quant à la biodiversité c’est le même constat : 75% des milieux terrestres et 40% des écosystèmes marins sont fortement dégradés, 1 millions d’espèces sont menacées d’extinction dans le monde (GIEC).

Diminuer notre production de CO2 en utilisant nos déchets alimentaires comme compost reste, dès que c’est possible, une priorité.

Les projets locaux peuvent avoir aussi un effet boule de neige en inspirant d’autres communautés à entreprendre des actions similaires et ainsi renforcer la prise de conscience globale.

Chaque projet, qu’il soit individuel ou collectif, petit ou grand, est important. N’ayez pas peur de vous lancer !

Avez-vous quelque chose à rajouter ?

A l’heure actuelle nous sommes à la recherche de fonds pour la réalisation du projet, que ce soit par des fondations à qui nous avons présenté le projet ou des donateurs.

La prochaine étape sera de rencontrer d’autres établissements et associations qui ont déjà entrepris des changements afin de pouvoir collaborer avec eux.

Nous remercions chaleureusement Mme Annie Rea et Mme Isabelle Monat, de l’ASFE Italie du Nord, pour leur enthousiasme et soutien depuis le début de ce projet.

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