Armelle Dufour est Directrice des projets stratégiques internationaux d’HEC Paris Exécutive Education. Conseillère du Commerce Extérieur de la France depuis 2012 et membre du Comité Afrique, elle est également membre du Conseil des investisseurs français en Afrique (CIAN). Ses actions à l’étranger lui ont valu d’être décorée de l’Ordre National du Mérite.
Pouvez-vous revenir pour nous sur votre parcours à l’international ? Pourquoi l’Afrique en particulier ?
Mon histoire familiale est constellée de voyages et d’expatriations. Mon père, médecin militaire, nous a permis de grandir dans des environnements variés (Maroc, Vietnam, Sénégal, Polynésie Française). J’en ai conservé le goût de la découverte d’autres cultures, aussi bien dans le choix de mes études, de mes activités professionnelles, que dans l’éducation de mes propres enfants.
L’Afrique est une histoire de cœur. De France, nous parlons d’Afrique, mais l’Afrique, ce sont de nombreux pays, eux-mêmes constitués d’un grand nombre d’ethnies. Cette mosaïque de cultures, de langues, de façons d’être au Monde, rend ce continent fascinant.
J’ai toujours aimé la densité, la profondeur, la sagesse qu’il est possible de rencontrer là-bas. J’ai eu l’opportunité de réaliser de nombreuses missions sur place, notamment en Afrique sub-saharienne francophone. Plus je m’y rendais, plus j’avais envie de m’y rendre. Participer au déploiement de programmes de formation et de transformation dans différents pays donne un sens extraordinaire à nos missions.
Votre mission actuelle consiste à identifier et piloter des projets stratégiques. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie et comment procédez-vous pour identifier de tels projets ?
Une vision géopolitique des pays et de leur contexte systémique est un préalable nécessaire. Mes négociations avec les gouvernements et les organisations inter-étatiques permettent ensuite d’identifier les opportunités dans une dynamique prospective, pérenne et commune. L’expérience acquise dans de nombreux contextes, permet une vue panoramique, garante d’une forte valeur ajoutée auprès de nos interlocuteurs.
Dans le cadre de ces projets, les contacts humains sont essentiels, notamment dans les pays où la culture orale est prépondérante. Nous ne pouvons pas nous contenter de contacts distants et d’études statistiques ou théoriques. L’abord de certaines cultures par un prisme occidental biaise souvent les véritables signaux faibles de l’environnement.
Pour cela, une présence sur le terrain est indispensable. La confiance est un lien essentiel à créer. Cela prend du temps, un temps certain, que la culture occidentale de l’urgence voudrait, à tort, minimiser.
Vous êtes en contact avec de très nombreux chefs et cheffes d’entreprise, et ce depuis longtemps. Avez-vous vu une évolution dans la façon dont entreprennent les femmes ?
J’ai rencontré de nombreuses personnalités féminines, au-delà des femmes cheffes d’entreprise. Je pourrais citer des femmes porteuses de projets, des entrepreneuses, des diplomates, en somme des femmes engagées exceptionnelles.
Toutes ont en commun une forte personnalité, encore nécessaire pour franchir les obstacles. Toutes ont cette sensibilité aux signaux faibles, sont connectées à leurs intuitions et conservent leur féminité. Celles qui m’inspirent assument d’être femme.
La plupart mène de front une vie de mère, d’épouse, et de professionnelle reconnue. Elles ont un grand sens de l’organisation de leurs priorités. Ces femmes n’ont pas besoin des attributs du pouvoir. Elles privilégient souvent l’action à l’image.
Pensez-vous que le fait d’être une femme ait exercé une influence quelconque sur votre carrière, et si oui laquelle ?
Bien sûr, cette faculté à être intuitive, à l’écoute et à l’observation de micro-signaux, couplée à une capacité de travail et d’organisation essentielles, sont des atouts indéniables. Dans certaines cultures ou dans certains milieux (notamment diplomatiques), il faut reconnaître également que les notions de respect, de courtoisie, de protocole sont encore de mise. J’ai en outre la chance de travailler dans un milieu éduqué, où la parité et la valeur ajoutée des femmes sont totalement intégrées.
Quel conseil donneriez-vous aux femmes – jeunes ou moins jeunes – qui hésitent à entreprendre ?
Je reprendrais la phrase attribuée à Cocteau : « ce que l’on te reproche, cultive-le car c’est toi ».
Le leadership vit un virage actuellement. Il n’est plus question de force, d’emprise, mais au contraire de subtilité, d’intuition, de capacité à agir, sans forcément nécessiter d’attributs du pouvoir.
Je recommande donc aux femmes de ne pas imiter les hommes, mais bien au contraire, d’amplifier ce qui fait notre force : notre capacité à nous émouvoir, à transcender notre intérêt personnel pour une construction collective, à solliciter du pouvoir POUR et non du pouvoir SUR.