Le Conseil constitutionnel vient d’annuler l’élection des députés des 2e et 9e circonscriptions des Français de l’étranger. De nouvelles élections devront être organisées dans les 3 mois. Nous avons interrogé Martin Biurrun, Conseiller AFE Amérique latine, candidat aux élections législatives dans la 2ème circonscription des Français de l’étranger de juin dernier, et auteur d’un des deux recours présentés, sur cette annulation.
Vous aviez déposé un recours visant à annuler l’élection d’Éléonore Caroit. Pourquoi ?
Il y a eu beaucoup (trop) de dysfonctionnements au cours de cette élection, qui justifiaient à mon sens une requête auprès du juge en charge de statuer sur les élections législatives : le Conseil constitutionnel.
Les principaux problèmes que nous avons soulevés sont :
- Double envoi de codes du vote électronique ;
- Non-réception des SMS contenant le mot de passe ;
- Non-réception des courriels sur Yahoo et AOL ;
- Panne générale du dernier jour sur la plateforme de vote, ayant affecté particulièrement les Français d’Amériques du fait du décalage horaire ;
- Le manque de bulletins de vote de l’ensemble des candidats dans 4 bureaux de vote.
J’ai présenté ce recours comme un acte de justice, pour défendre le droit de vote de nos concitoyens, ce droit fondamental qui est inscrit dans la Constitution.
Que pensez-vous de la décision du Conseil constitutionnel ? Êtes-vous satisfait de cette décision ?
Comment pourrais-je ne pas être satisfait ? Il est primordial (et en Amérique latine plus qu’ailleurs) que la France soit un exemple irréprochable en matière d’élections.
J’espère que cette décision historique sera le début d’une nouvelle étape pour les Français de l’étranger. Et que l’administration en tirera les leçons.
J’imagine un scénario idéal dans lequel tous les électeurs Français de l’étranger reçoivent à temps les professions de foi, puis les identifiants et codes du portail de vote électronique. Je pense qu’au XXIe siècle, avec les technologies dont nous disposons, cela devrait être la normalité et non pas une gageure insurmontable.
Cette décision est une merveilleuse nouvelle pour tous ceux qui croient en la démocratie, et une occasion d’être à la hauteur du moment le plus noble qui soit : le moment où l’électeur choisi son Représentant.
En quoi le vote électronique a-t-il été jugé défaillant ?
Sur tous les griefs soulevés devant le Conseil constitutionnel, celui-ci a estimé qu’un seul était suffisant pour annuler l’élection, sans même avoir besoin de se prononcer sur les autres : la non-réception des SMS en Argentine, où le taux de délivrabilité des mots de passe était de seulement 11%, soit le taux le plus faible au monde.
Une partie significative de la circonscription ayant été privée de l’utilisation de ce vote – les Français d’Argentine représentent plus de 10% des Français d’Amérique latine et des Caraïbes – le Conseil a estimé que l’élection n’était pas sincère.
Quelles sont selon vous les conséquences pour les Français de l’étranger ?
Pour l’instant, la première conséquence de cette décision est qu’ils n’ont plus de représentant à l’Assemblée Nationale.
Dans les trois mois, de nouvelles élections seront organisées. Ce qui peut sembler une contrainte pour certains est en réalité une chance de pouvoir exercer un droit fondamental de la démocratie, avec plus de sûreté, plus d’égalité, plus de garanties et surtout plus de transparence.
Avez-vous quelque chose à ajouter ?
Je salue cette décision historique du Conseil Constitutionnel et je tiens à remercier tous ceux qui m’ont apporté leur soutien au cours de ce recours, qui par bien des aspects était inédit et posait des questions fondamentales. En particulier, je remercie chaleureusement Sophie Briante Guillemont, Secrétaire générale de l’ASFE, pour son expertise en matière de contentieux constitutionnel électoral et son développement juridique des arguments sur les dysfonctionnements du vote électronique.