Soixante après la guerre d’indépendance, une nouvelle relation est-elle en train de se nouer entre l’Algérie et la France ? Il semblerait que l’époque soit au rapprochement, après des années de méfiance, de malentendu et de provocations.
La colonisation, qui a duré 132 ans, et les huit années de conflit, entre 1954 et 1962, ont laissé des traces indélébiles dans les deux mémoires, qui ne s’effaceront jamais, du moins aussi longtemps que des témoins survivront. D’un côté, l’Algérie a toujours réclamé réparation dans une forme de surenchère insupportable pour la communauté pied-noir et l’armée française. De l’autre, la France s’est toujours refusé à faire acte de repentance, estimant n’avoir pas réalisé que des mauvaises choses outre-Méditerranée et n’avoir pas à s’excuser pour ses générations antérieures.
Dans ce contexte, les récentes déclarations des présidents Tebboune et Macron ouvrent une nouvelle ère. D’abord, il y eut, fin août, le voyage du chef de l’Etat français à Alger puis Oran, suivi ces jours-ci par un long entretien dans Le Point avec l’intellectuel Kamel Daoud. Outre le rétablissement des visas pour les Algériens, Paris veut ouvrir les archives, envisager l’histoire commune des deux nations de façon moins caricaturale et jeter des ponts avec les nouvelles générations.
Idem à Alger où, au lendemain de noël, Abdelmadjid Tebboune a accordé un long entretien au Figaro. Il demande que de nouveaux rapports unissent les deux pays et déclare qu’il a confiance pour cela en Emmanuel Macron, un homme neuf qui n’a pas connu la période coloniale et avec qui il entretient une « certaine amitié ». Le président algérien viendra en visite d’Etat en France en juin prochain, ce qui est évidemment un événement.
Ce début de « pacification » entre Paris et Alger intervient au moment où la France a besoin de diversifier ses approvisionnements en énergie avec la guerre en Ukraine et de consolider ces relations avec de grands pays africains alors qu’un sentiment antifrançais grandit dans quelques opinions publiques subsahariennes. Mais, compte tenu du passé commun des deux nations, cela va beaucoup plus loin, au-delà des simples échanges diplomatiques.
Des deux côtés de la Méditerranée, beaucoup plaident pour une réconciliation calquée sur celle qui a prévalu entre la France et l’Allemagne à partir des années 1960. On en est encore très loin, mais cette perspective a le mérite d’exister dans les têtes…
L’équipe de l’ASFE