Gilles Servanton, revient dans cette chronique historique du mois de décembre, sur les origines de la rivalité entre la France et l’Espagne à la fin du Moyen-Âge.
La fin du Moyen-âge a été sur le plan géopolitique, dominée par le rêve de l’empire et la force du pouvoir temporel du Pape qui est concurrencé sur ces plans par l’Empereur du Saint-Empire romain germanique.
En 1519, Charles Quint et François 1er s’affrontent pour l’élection de l’empereur.
La disparition des deux frères ennemis met un terme à cette page d’histoire et ouvre le terrible chapitre des schismes au sein de l’église catholique qui aboutiront en France sur les guerres de religion, et l’ingérence de l’Espagne qui apporte son appui aux ultra-catholiques français.
François 1er qui décède le 31 mars 1547 dans son château de Rambouillet, a régné durant trente deux années marquées par des aventures guerrières mais aussi et surtout par son rôle de mécène qui a permi notamment l’embellissement des châteaux de Blois, Chenonceau et Amboise et la construction de son chef d’oeuvre : le château de Chambord.
Le 25 octobre 1555, Charles Quint, épuisé par le pouvoir, les guerres et les nombreuses rivalités, abdique en faveur de son fils Philippe – en Espagne – et de son frère Ferdinand – pour le trône du Saint-Empire. Il se retire dans le monastère de Yuste en Estramadure. Cette partition du pouvoir scinde le territoire en deux ensembles espagnols et allemands et ouvre la voie à une Europe partagée entre les royaumes dont celui de France, d’Angleterre, d’Europe centrale allemande et autrichienne et bien évidemment celui d’Espagne.
En 1547, Henri II monte sur le trône français à l’âge de 28 ans. Il n’oublia jamais l’odeur du cachot humide de Madrid dans lequel l’enferma l’inconscience de son père et la cruauté de son cousin entre 1526 et 1530. Il n’était pas destiné à régner et ne devient le dauphin qu’après la mort de son frère en 1536. Il poursuit l’oeuvre de son père sur le plan militaire sur deux fronts distincts : contre Edouard VI successeur d’Henri VII et contre Charles Quint et Phillippe II. Il fut aussi le dernier roi chevalier, amoureux de Diane de Poitier au grand dam de Catherine de Médicis qu’il épouse à l’âge de 14ans. Il assuma avec passion toutes les facettes de l’art de la guerre et de la chevalerie qui l’acheva lors de son terrible accident lors d’une joute en 1559. Enfin, il fut le premier monarque français à lutter contre la foi protestante.
Si les deux monarques français et espagnols poursuivent leurs guerres territoriales, il faut souligner l’importance grandissante des luttes religieuses en cette deuxième moitié du XVIème siècle. La réforme et la contre réforme marquent leurs deux règnes et ceux de leurs successeurs. Cela est dû en grande partie à la personnalité de Philippe II qui ne pouvait plus s’appuyer sur le titre d’empereur pour légitimer ses ambitions. Très différent de Charles Quint il déteste les voyages, ne parle que le castillan, et méprise les Flandres et les territoires allemands. Il fut le roi d’Espagne qui mis fin à l’itinérance de la cour qu’il installe à Madrid et qui lanca la construction de l’Escurial, son palais, mais aussi celle d’un monastère. Sa foi devient son étendard qu’il brandit contre Elisabeth d’Angleterre et les nobles hollandais qui se rebellèrent contre le pouvoir centralisé qu’il installa sur son territoire des Flandres. Pourtant le Pape, sa sainteté Paul IV, se méfia tout autant de Philippe II que de son père. Il ne lui reconnut pas le rôle qu’il s’attribua de défenseur de la religion catholique contre la réforme. Pour lui l’Espagne reste le royaume suspect sur les plans etniques et culturels suite à la longue cohabitation des peuples sémites, arabes et juifs.
Le nouveau décor est planté : une rivalité féroce entre l’Espagne et la France et ce malgré quelques trêves dont celle du mariage en 1559 entre Philippe II et Elisabeth de France, fille de Catherine de Médicis et Henri II. Le tournoi au cours duquel le successeur de François 1er est mortellement blessé était l’une des festivités données en l’honneur de cette nouvelle alliance qui devait apporter la paix éternelle entre les deux peuples. L’Histoire, comme nous le verrons dans nos prochains articles, ne peut pas être plus ironique et plus cruelle.
Gilles Servanton, Conseiller des Français de l’étranger en Espagne