Le 8 novembre 2022 se sont tenues les élections américaines de mi-mandat. Les résultats ne sont pas encore connus dans leur intégralité : remportant le siège décisif du Nevada, le parti démocrate conserve sa majorité au Sénat mais l’incertitude demeure à la Chambre des représentants qui semble basculer du côté républicain.
L’ASFE s’est entretenue avec Warda Souihi, Conseillère des Français de la circonscription consulaire de San Francisco, pour en savoir plus sur ces élections et leurs conséquences.
Dans le système politique américain, quelle importance et quelles conséquences ont les élections de mi-mandat ?
Le pouvoir législatif américain est partagé entre 2 institutions : la Chambre des Représentants (435 Représentants), et le Sénat (100 Sénateurs). La Chambre des Représentants et le Sénat constituent ensemble le Congrès. Les élections présidentielles ont lieu tous les 4 ans. À l’occasion de ces élections, le Président, l’ensemble de la Chambre des Représentants, et 1/3 du Sénat sont renouvelés.
Cependant, à mi-mandat présidentiel a lieu une seconde élection, dite des midterms, permettant à nouveau de renouveler l’ensemble de la Chambre des Représentants et 1/3 du Sénat. Ainsi, la Chambre des Représentants est entièrement renouvelée tous les 2 ans. De même, 1/3 du Sénat est renouvelé tous les 2 ans. Lors de ces élections des midterms, tout comme lors des élections présidentielles, de nombreuses élections locales se tiennent en même temps : élection des Gouverneurs des États (2/3 des Gouverneurs), élections des représentants dans les États, comtés, et villes, référendums dans la tradition américaine.
En 2020, lors de l’élection de Joe Biden, les Démocrates avaient obtenu une courte majorité (222 sièges pour les Démocrates contre 213 pour les Républicains) et une courte majorité au Sénat (50 sièges pour les Démocrates contre 50 sièges pour les Républicains, la voix de la Vice-Présidente Démocrate Kamala Harris départageant le vote au Sénat en cas d’égalité). Lors des midterms, les Démocrates remettaient donc en jeu leur majorité dans les 2 chambres du Congrès.
L’élection des midterms a un impact majeur et les répercussions sur la politique qui va être menée sur la seconde partie du mandat du président peuvent être significatives. En effet, un changement de la majorité peut bouleverser ou ralentir fortement le programme et l’agenda politique du président.
Un grand nombre d’observateurs s’attendait à une « vague rouge » républicaine : comment expliquer que cela n’est pas été le cas ?
Traditionnellement, le parti présidentiel perd un grand nombre de sièges, et perd ses majorités au Congrès, lors des élections de mi-mandat. Ces dernières opèrent souvent comme un vote sanction pour le président au pouvoir. Cette élection ne devait pas faire exception à la règle. Le contexte de crise inflationniste aux États-Unis jouant notamment un rôle important dans ce vote sanction pour le président Joe Biden.
Cependant, les derniers résultats montrent que le parti Démocrate conservera sa majorité au Sénat (à l’heure où je vous parle, les Démocrates ont atteint la majorité avec 50 sièges obtenus, contre 49 pour les Républicains, 1 siège étant encore en jeu) et limitera ses pertes à la Chambre des Représentants qui passe sous contrôle Républicain (à l’heure où je vous parle, les Républicains ont atteint la majorité avec 218 sièges obtenus, contre 211 confirmés pour les Démocrates, 6 sièges sont encore en jeu). Nous aurons donc une seconde partie de mandat avec un président Démocrate, un Sénat Démocrate, et une Chambre à faible majorité Républicaine. La « vague rouge » (par référence à la couleur des Républicains, le rouge) n’a donc pas eu lieu.
Les raisons pour cela sont nombreuses. Même si Donald Trump reste la figure dominante du parti Républicain, le « trumpisme » semble reculer dans les rangs des Républicains, et de nombreux candidats extrêmes, soutenant Donald Trump et soutenus par lui, ont perdu leur élection. La mobilisation des électeurs Démocrates, notamment les jeunes, a également joué un rôle important. La participation, estimée à 47%, est relativement importante par rapport aux taux de participation traditionnellement faibles à ces élections, et approche le record des élections de 2018 (48%).
Les questions climatiques ont en particulier joué un rôle important dans la mobilisation des jeunes électeurs Démocrates. Enfin, et c’est l’une des raisons principales de l’absence de « vague rouge » la question de l’avortement a été cruciale dans cette élection. La Cour Suprême avait renversé en juin l’arrêt historique garantissant le droit à l’avortement aux États-Unis. Cela a contribué à une forte mobilisation des électeurs Démocrates.
Le Président Biden obtient des résultats plus encourageants que ceux de ses prédécesseurs George W. Bush et Barack Obama respectivement lors des « midterms » de 2006 et 2010. Quels sont les principaux défis que le parti démocrate devra relever pour l’emporter aux prochaines élections présidentielles de 2024 ?
La polarisation politique reste très forte aux États-Unis, et ces dernières élections ne semblent pas avoir vraiment fait bouger les lignes. Les électeurs continueront de voter « dans leur camp ». Un sujet important qui peut toutefois faire basculer certains électeurs indécis sera la gestion de la crise inflationniste et la récession qui se profile pour 2023. Selon de nombreux sondages, l’inflation était le sujet prioritaire des électeurs lors de ces élections, et sa gestion et ses conséquences auront un impact majeur sur les élections présidentielles de 2024 et la réélection éventuelle de Joe Biden.
Le changement climatique était un autre sujet de préoccupation majeur des électeurs lors des midterms selon plusieurs sondages. Les actions attendues du président et son gouvernement en faveur de la gestion de la crise climatique en deuxième partie de mandat seront donc également déterminantes pour les résultats du candidat du parti Démocrate lors des prochaines élections présidentielles de 2024.
De quelles manières ces résultats influencent-ils les grandes lignes de la politique américaine jusqu’aux prochaines élections présidentielles ?
Ces résultats n’influenceront pas de manière significative les grandes lignes de la politique américaine jusqu’aux prochaines élections. La majorité à la Chambre des Représentants permettra surtout aux Républicains de mettre en place des commissions d’enquête parlementaires et de contrôler plus finement l’action du gouvernement, mais ne leur permettra pas d’avoir la main sur la politique du pays. Il sera plus difficile pour le président de mettre certaines lois à l’ordre du jour, mais pas beaucoup plus difficile pour lui de faire adopter les lois par rapport à la situation de première partie de mandat, qui nécessitait déjà des compromis et le soutien de certains élus Républicains. Il y a en outre de nombreux sujets où les préoccupations des Républicains et celles des Démocrates et du président se joignent.
Un sujet particulièrement important sera le relèvement du plafond de la dette publique pour éviter le défaut de paiement. Les Républicains auront un levier de négociation important dans ce débat grâce à leur nouvelle majorité acquise à la Chambre.
La candidature de Donald Trump à la prochaine élection présidentielle de 2024 semble fragilisée après les résultats de ces élections. Comment se profile-t-il l’avenir du parti républicain ?
Donald Trump a en effet annoncé le mardi 15 novembre 2022 être candidat à la prochaine élection présidentielle aux États-Unis. Bien qu’il reste la figure principale du parti Républicain, il semble en effet être fragilisé par les résultats décevants pour son camp de ces élections. De nombreux candidats dits « trumpistes » ont perdu leur élection respective et un mouvement « anti-Trump » semble prendre forme au sein du Grand Old Party (GOP, autre nom du parti Républicain). D’autres figures Républicaines semblent en revanche sortir renforcées de cette élection et se positionnent comme des concurrents à Donald Trump pour l’investiture Républicaine pour 2024, notamment le Gouverneur de Floride Ron DeSantis.
Avez-vous autre chose à ajouter ?
Il est toujours très intéressant d’observer le fonctionnement du système démocratique américain, et les élections de mi-mandat sont l’occasion pour de nombreux français de s’y intéresser de plus près car nous avons un système politique et démocratique très différent en France. Ces élections à mi-mandat peuvent être perçues comme étant un indicateur de satisfaction de la politique menée par le président et son gouvernement, une variable d’ajustement à mi-mandat que nous n’avons pas en France. Il est aussi intéressant de noter que l’on se focalise souvent sur les élections des élus du Congrès lors de ces élections alors que de nombreuses autres élections toutes aussi importantes se déroulent en parallèle, ainsi que de nombreux referendums, dans chacun des États américains.
Warda Souihi, Conseillère des Français de la circonscription consulaire de San Francisco