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« La victoire de la ruse sur la magnificence »

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Seulement dix années après la célèbre victoire de François 1er à « Marignan », la défaite de « Pavie » dans la nuit du 24 au 25 février 1525, contre son ancien connétable, Charles De Bourbon, rallié à Charles Quint représente une funeste étape dans ce long règne de 32 ans.

Pourtant les relations entre Charles Quint et François 1er avaient débuté sous les meilleurs auspices. Par le traité de Noyon en 1516, le futur « César de Madrid » reconnait à son cousin la possession du Milanais.

Comment expliquer cette rivalité brutale qui conduit les deux royaumes à s’affronter ?

Le fils de Charles d’Angoulême et de Louise de Savoie est un très bel homme, chevauchant de l’aube au crépuscule. Homme de plein air et très sportif, il est aussi très élégant et doté d’une prestance majestueuse. Il règne sur une cour de 8 à 10000 personnes se déplaçant entre de luxueux châteaux. François incarne par l’éclat de son pouvoir et sa magnificence cette renaissance française toute inspirée du luxe et de l’art italien.

Charles Quint est physiquement très laid, souffrant de yeux globuleux et d’un bas de visage démesurément allongé. Perclus de goutte, il reste cloitré dans ses appartements. Ce « roide flamand » est aussi dans la mémoire des Espagnols l’auteur d’un coup d’Etat lorsqu’il s’empare de la couronne de Castille, en 1516, au décès de son grand-père maternel, Ferdinand d’Aragon. Sa mère Jeanne, dite la Folle, pourtant héritière du trône n’est pas en mesure de régner en raison de son état mental.

Les belles qualités physiques de François sont grandement atténuées par de graves lacunes sur les plans de la politique et de la gouvernance. Des dépenses gigantesques, notamment lors de l’élection de l’empereur du Saint-Empire romain germanique qu’il perd en 1519 ( 40000 écus équivalant une tonne et demie d’or), des erreurs diplomatiques et militaires sont, sans aucun doute, à l’origine de ses terribles échecs qui le conduiront à échouer à Pavie.

En revanche, Charles Quint compense son physique ingrat par une grande finesse d’esprit et un grand sens de la manœuvre sur le plan diplomatique. Élevé en Flandre dans la tradition de la cour de Bourgogne et empreint de culture française, ce souverain élevé au rang impérial le 28 juin 1519 dispose de toutes les qualités pour vaincre notre bel et impétueux roi de France. L’ascension du monarque espagnol est vécue par François 1er comme un encerclement du royaume par la puissance dominante des Habsbourg en Europe et dans le monde . C’est le début des hostilités.

François Premier a pensé éblouir Henri VIII, roi d’Angleterre, pour en faire son allié en déroulant un faste inouï lors de leur rencontre au camp du Drap d’Or dans le Calaisien du 7 au 24 juin 1520. Les festins, les joutes et tournois, le luxe ostentatoire de la cour ont en fait humilié son invité qui lui préféra la modestie de son rival.

Charles Quint, fin diplomate rencontre Henri VIII à Gravelinesq quelques jours après, . Les deux monarques pactisent et isolent le royaume de France. Un an plus tard , le roi d’Espagne s’allie Charles De Bourbon, le connétable de France qui trahit son roi, et le place à la tête d’une armée qui va saccager la Provence.

La guerre éclate en 1521. Malgré la bravoure du chevalier Bayard qui résiste, sur la place de Mézières, avec seulement 2000 hommes contre 35000 guerriers , la défaite du Maréchal De Lautrec à Biccoca, et les massacres en Provence perpétrés par le prince d’Orange acculent François 1er à reprendre l’offensive en personne.

En 1524, il franchit à nouveau les Alpes , entre dans son cher Milan et va assiéger Pavie. Il est vaincu dans la nuit du 23 au 24 février 1525, dix ans après sa célèbre victoire de Marignan. La pire infamie est que l’artisan de cette défaite n’est autre que son ancien connétable. Fait prisonnier il est emmené à Gênes puis dans la capitale espagnole.

Peu glorieux et afin de dévaloriser sa valeur en tant qu’otage, il souhaite abdiquer. Cela lui est refusé par le Parlement de Paris : « l’oint du seigneur ne saurait renoncer au trône ».

Piteusement après 11 mois de captivité, il signe, le 14 janvier 1526, l’humiliant traité de Madrid par lequel il renonce à la Bourgogne, à la place des Flandres, au duché de Milan, et au Royaume de Naples. Pis il concède à rétablir le Prince d’Orange, connetable de France et traitre, dans tous ses droits !

Ce n’est que quelques mois plus tard, qu’il recouvre la liberté. Maigre consolation il réussira à ne pas s’agenouiller devant Charles Quint en lui tournant le dos lors de son départ. Il livre ses deux fils ainés, le Dauphin François et le futur Henri II qui deviennent les nouveaux otages du « César de Madrid ».

Si le poète Jean de la Fontaine avait été contemporain de ces deux souverains, nul doute qu’il aurait écrit une fable sur cette page, peu glorieuse, de notre histoire. L’enseignement est certainement que « Rien ne sert de courir, il faut partir à point ».

Gilles Servanton

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