Le retour du Covid en Chine d’une part et la guerre d’Ukraine qui se prolonge d’autre part rebattent incontestablement les cartes de la base de l’économie mondiale.
D’une part, la baisse drastique des importations de matières premières et de matières transformées venues de Chine, en particulier des puces et plus généralement des conducteurs, bloque l’activité de très nombreuses entreprises européennes, indépendamment même de la baisse de la production chinoise liée au confinement.
La question non seulement de la réindustrialisation mais également de l’accès aux matières premières y compris avec le développement des matières premières secondaires c’est-à-dire réutilisées ou recyclées est donc plus que jamais d’actualité. Il y a plus qu’urgence et l’accélération de l’économie circulaire pourrait être une partie de la réponse.
Par ailleurs, la guerre d’Ukraine soulève deux sujets majeurs : celui de l’énergie et celui des matières premières agricoles comme le colza, le blé , ou même des produits d’élevage.
Sur la question énergétique, la recherche d’hydrocarbures de substitution venus en particulier des États-Unis et dont le bilan carbone est désastreux est une réponse immédiate mais certainement pas de moyen et de long terme, dans la mesure où la sortie de l’économie fossile est un impératif dont le dernier rapport du GIEC a rappelé l’urgence. En réalité, la réponse à apporter à la réduction massive d’importation de gaz russe est celle de la sobriété énergétique d’une part, du développement massif des énergies renouvelables d’autre part.
À cet égard, l’industrie solaire affirme être en capacité de construire l’équivalent d’un réacteur nucléaire par an. Compte tenu du délai de réalisation et de l’aléa technologique évident de la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, le solaire apparaît comme une solution de court terme autant que de moyen et long terme. Elle demande néanmoins, même si elle est beaucoup plus rapide, un temps d’adaptation dans lequel les efforts de réduction de la consommation doivent être prioritaires.
S’agissant de la question agricole, beaucoup ont déjà insisté sur les conséquences pour les économies du Sud de l’arrêt des exportations venues d’Ukraine. La disparition de l’huile de colza et d’un certain nombre d’autres produits des rayons des grandes surfaces dans les pays industriels démontre que l’impact n’est pas seulement pour les pays du Sud, même s’il est beaucoup plus grave sur le plan vital, que pour les pays du Nord. C’est toute la politique agricole européenne qui est interpellée pour rendre des espaces en jachère à la culture, avec bien entendu des conséquences négatives pour la biodiversité.
C’est la question des intrants qui est à nouveau soulevée pour essayer de produire plus, quitte à détruire un peu plus des sols qui sont déjà sous respirateur artificiel si l’on peut dire. En réalité, le vrai sujet est celui du bol alimentaire dans la mesure où une grande partie des cultures est destinée à l’alimentation du bétail et non à l’alimentation humaine.
La réduction importante de la consommation de viande pourrait permettre de réaffecter des terres aux céréales à vocation humaine et donc à compenser les pertes liées aux importations ukrainiennes et russes.
Ainsi, les questions économiques et écologiques doivent désormais être pensées en lien avec les questions géostratégiques. Le modèle de transition que nous essayons difficilement de mettre en place est bouleversé par ces deux phénomènes qui, dans les médias, apparaissent (en dehors bien entendu de la tragédie humaine que constitue la guerre d’Ukraine) comme très négatifs pour nos économies, mais qui, tout bien considéré, dans quelques années, pourraient apparaître comme ayant été des opportunités remarquables pour accélérer des transformations indispensables.