Site icon ASFE

Le COVID long : mythe ou réalité ?

vaccin covid-19

vaccin covid-19

Le Pr Patrice Cacoub, professeur reconnu du département de Médecine Interne et Immunologie Clinique à l’hôpital La Pitié-Salpêtrière (Paris), nous donne son expertise scientifique sur le SARS-CoV-2, le COVID-19 et le COVID long.

Du SARS-CoV-2 au COVID-19

L’apparition et la rapide diffusion d’un nouveau coronavirus en décembre 2019, le SARS-CoV-2, a été à l’origine d’une pandémie induisant une maladie appelée COVID-19 (« coronavirus disease-2019 »). Le spectre des symptômes et manifestations liés à cette maladie COVID-19 est très large, allant de formes totalement asymptomatiques jusqu’à des formes beaucoup plus sévères avec une atteinte pulmonaire, une détresse respiratoire aigüe voire le décès du patient.

Entre ces deux extrêmes, de nombreuses manifestations ont été rapportées notamment la fièvre, une fatigue intense, la toux, des céphalées, unerhinorrhée, une perte de goût, une perte d’odorat, un essoufflement, des douleurs musculaires, des nausées, des vomissements, de la diarrhée … Dans la majorité des cas, passée la phase aigüe de l’infection virale, ces manifestations disparaissent sans séquelle. Les formes graves de cette infection virale, qui heureusement ne touchent que 5% des sujets infectés, sont à l’origine de nombreuses complications qui peuvent conduire au décès, incluant des infections notamment pulmonaires sévères, une insuffisance respiratoire aiguë, une défaillance hépatique, une insuffisance cardiaque, de multiples troubles thrombotiques incluant des accidents vasculaires cérébraux, ou une défaillance rénale.

Depuis l’infection virale initiale (liée à la souche chinoise de Wuhan de SARS-CoV-2), de nombreuses mutations sont apparues sur le génome viral. Le suivi virologique a permis d’individualiser de nombreux variants viraux, le plus récent étant le variant Omicron. Ces variants viraux ont développé des mutations les rendant moins sensibles à l’immunité acquise après une infection par le SARS-CoV-2 ou post-vaccinale. Le lien entre les différents variants et l’éventuelle sévérité de la maladie COVID-19 après une infection aiguë n’est pas clairement démontré. En revanche, l’infectiosité apparaît comme de plus en plus importante entre les variants successifs Alpha, Delta puis Omicron.

Les mécanismes qui conduisent à une maladie COVID-19

Les mécanismes immuno-pathologiques qui conduisent après une infection par le SARS-CoV-2 à une maladie COVID-19 sévère sont multiples. A la phase initiale de l’infection, caractérisée par une réplication virale importante, des lésions tissulaires viro-induites semblent avoir un rôle important. La seconde phase est caractérisée par le recrutement de nombreuses cellules immunitaires, entraînant une inflammation locale au sein de chaque organe, ou plus systémique et qui peut persister même après disparition du virus de l’organisme infecté. Ainsi, les atteintes pulmonaires sont associées à une perméabilité vasculaire excessive et à des micro-thrombi. Les atteintes extra-pulmonaires sont multifactorielles, conséquences d’une atteinte virale directe des tissus cibles, des vaisseaux ou des neurones, ainsi que de phénomènes non directement liés au virus lui-même comme le relargage de cytokines, d’auto-anticorps ou d’une dysbiose dans le cadre d’atteinte digestive.

La maladie COVID-19 sévère apparait aussi comme la conséquence d’une incapacité du sujet infecté à développer une réponse antivirale satisfaisante, associée à une incapacité à contrôler les processus inflammatoires induits par l’infection virale. Les principaux facteurs prédisposant à ces formes sévères de maladie COVID-19 sont l’âge, le sexe masculin, et l’existence avant l’infection d’un diabète, d’une hypertension artérielle, d’une obésité, d’une insuffisance rénale chronique ou d’un syndrome métabolique.

Du COVID-19 au COVID long

A ce jour (mars 2022), plus de 430 millions de personnes ont été infectées par le SARS-CoV-2 dans le monde. A côté des formes modérées le plus souvent gérées en ambulatoire, des formes sévères de COVID-19 volontiers hospitalisées, parfois en réanimation, il apparaît de plus en plus clairement qu’une proportion significative (10%) des patients survivants développe des manifestations très diverses qui définissent le « COVID long ». Même s’il y a eu plusieurs définitions rapportées pour essayer de mieux cerner le COVID long, on peut résumer celles-ci par les éléments suivants : l’apparition ou la persistance de symptômes 4 à 12 semaines après la première infection par le SARS-CoV-2, de symptômes qui persistent pendant au moins deux mois après l’infection initiale et qui ne peuvent pas être expliqués par une autre pathologie.

Une revue systématique des 57 études publiées, incluant plus de 250 000 survivants du COVID-19, a montré que les patients avec un COVID long étaient majoritairement des hommes, d’âge moyen 54 ans, dont les 3/4 avaient été hospitalisés à la phase aiguë du COVID-19. Plus de la moitié des survivants (54%) présentait au moins une des manifestations du COVID long. Les principales manifestations du COVID long sont un essoufflement, une toux, une fièvre, une fatigue notamment à l’exercice, des troubles de mémoire, une perte de concentration, des difficultés de sommeil, des troubles de l’humeur, une perte de goût, une perte d’odorat, des acouphènes, des céphalées, des douleurs thoraciques, des palpitations, une hypotension orthostatique, une arythmie cardiaque, une diarrhée persistante, des vomissements, des nausées, une perte d’appétit, une chute des cheveux, des douleurs musculaires, et des douleurs articulaires. Même dans les formes moins sévères de COVID-19, non hospitalisées, jusqu’à 36% des patients présentaient à distance une fatigue persistante, des troubles de mémoire et de concentration.

Dans un étude française récente à partir de 968 patients avec une infection SARS-CoV-2 confirmée, 85% des patients initialement symptomatiques rapportaient encore des symptômes un an plus tard. L’évolution dans le temps de la fréquence de ces symptômes était variable, certains diminuant (perte de goût ou d’odorat), certains restant stables (essoufflement), et d’autres augmentant (paresthésies).

Les facteurs de risque qui prédisposent au développement d’un COVID long incluent la préexistence d’un diabète de type 2, un niveau élevé de virémie du SARS-CoV-2 à la phase aigüe de l’infection, l’association à une autre infection virale (Epstein Barr virus) et la présence d’auto-anticorps. Collectivement, ces éléments suggèrent la persistance d’antigènes viraux qui seraient à l’origine d’une stimulation très prolongée du système immunitaire, elle-même induisant les principales manifestations rapportées.

Les mécanismes physiopathologiques qui sous-tendent le développement d’un COVID long sont incomplètement élucidés. Les principales hypothèses incluent : la persistance du virus ou de particules virales dans les tissus touchés qui permettent le maintien d’une inflammation chronique ; le déclenchement de processus auto-immuns après l’infection virale aiguë ; des anomalies du microbiote surtout pour les formes digestives ; ou des lésions tissulaires séquellaires de l’infection aiguë. En effet, des protéines virales ou de l’ARN viral du SARS-CoV-2 ont été détectés à distance de l’infection aiguë dans plusieurs tissus notamment respiratoire, cardiaque, rénal, cérébral, musculaire, oculaire…

La vaccination anti-SARS-CoV-2 semble réduire le risque de symptômes prolongés comparativement aux sujets non vaccinés. Les mécanismes de protection apportée par la vaccination incluraient une augmentation de la clairance des particules virales résiduelles, permettant de  diminuer l’inflammation chronique ; ainsi que la disparition de certains lymphocytes particuliers (lymphocytes auto-réactifs), ce qui diminuerait la production de protéines pro-inflammatoires (cytokines).

Conclusion

Même si le concept et la fréquence du « COVID long » sont encore en cours de démembrement, sachant le nombre très important de personnes infectées par le SARS-CoV-2 et la multiplicité des symptômes rapportés, ces tableaux clinico-biologiques risquent de poser beaucoup de problèmes aux médecins en charge de tels patients. Une question risque de revenir régulièrement : ces symptômes s’intègrent-ils dans les suites de l’infection virale, ou sont-ils des manifestations d’une autre pathologie ? Les larges études de suivi de cohortes de personnes infectées par le SARS-CoV-2  devraient nous permettre à terme de répondre à cette question.

Pr Patrice Cacoub, Département de Médecine Interne et Immunologie Clinique. Hôpital La Pitié-Salpêtrière et Sorbonne Université. Paris, France.
Quitter la version mobile