« Indépendance », définition : relation, état de non-dépendance ; le fait de jouir d’une entière autonomie à l’égard de quelqu’un ou de quelque chose.
Un journal peut-il être indépendant de ses actionnaires ? C’est la question du moment au sein de la commission d’enquête du Sénat sur la concentration des médias. La France doit-elle être indépendante sur le plan énergétique ? L’argument est avancé par ceux qui ne sont pas hostiles à l’énergie nucléaire. Mais la grande question de la semaine est la suivante : peut-on se dire indépendant politiquement, défendre uniquement les Français de l’étranger, tout en pactisant avec les partis politiques traditionnels ? C’est à cette interrogation qu’il a fallu répondre ces derniers jours, pour la session constitutive de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Ceux qui étaient à Paris se souviendront probablement longtemps des tractations qui ont abouti à l’élection de Mme Hélène Degryse – Conseillère des Français des Pays-Bas – présidente de cette assemblée, assemblée dont on rappelle qu’elle est uniquement dédiée à la représentation des Français établis hors de France. Mais revenons un peu en arrière…
Les « anciens » craignaient cette AFE : de 3 « groupes politiques » entre 2014 et aujourd’hui, nous savions lors de la proclamation des résultats que l’assemblée passerait à 5 ou 6 groupes, entre les élus LR, PS, EELV, UDI, LREM et ASFE. Comment cela allait-il se passer ? Les forces étaient à peu près équivalentes : 15 élus dans chacun de ces groupes. Pour élire un président à la majorité absolue des 90 conseillers, il fallait donc, mathématiquement et pour simplifier, obtenir 46 voix. Ceci implique la réunion de 3 groupes au minimum pour faire alliance. Finalement, il n’y en aura que 4 (en tout état de cause, pour le moment) : un groupe de gauche unie (EELV – PS – LFI), un groupe réunissant la majorité présidentielle (LREM et UDI – ayant formé un « intergroupe » dont le nom est « Indépendants, démocrates et progressistes »), un groupe LR, et notre groupe.
Le groupe « Solidaires et Indépendants » – composé d’élus ASFE et d’élus totalement indépendants – a pris la décision, après avoir discuté avec tout le monde, de présenter un candidat – en l’occurrence, une candidate en la personne d’Annie Rea – au 1er tour. Il n’y avait donc aucune alliance, avec personne.
A ce stade, les élus de gauche étaient très divisés : EELV avait un accord avec LREM – UDI, et le PS avec LR. Un accord signifie la chose suivante : se mettre d’accord sur la présidence, obtenir la vice-présidence et le plus de postes possibles dans cette assemblée. La gauche n’aurait donc pas de candidat ? Difficile à justifier, ce qui expliquerait la candidature de dernière minute – littéralement – de Mme Libeault pour le groupe de gauche et son retrait tout aussi rapide après le 1er tour.
Pour ceux qui considèrent être indépendants, nous arrivons donc à la limite de l’exercice : que signifie l’indépendance, en dehors d’un mot à la mode, en politique ? Est-elle viable ? Peut-elle réellement exister ? Le groupe qui se disait encore plus indépendant que l’ASFE se trouve désormais au sein de la majorité présidentielle.
Ne sort-on de l’ambiguïté qu’à son détriment ? C’était la pensée de François Mitterrand. En tout cas cette assemblée a permis de clarifier certaines choses : la fraîcheur des nouveaux élus EELV et la droiture militante à laquelle on pouvait s’attendre n’a pas tenu face à l’appel du pouvoir, même lorsque cet appel provient de ceux qu’ils combattent au quotidien (à savoir LREM); le PS, plus habitué à l’exercice des alliances de circonstance, a cette fois perdu son pari, démontrant la perte de sa superbe; et la droite a raté le coche en restant sur des ambitions dépassées, en raison de leur faible effectif (par rapport à la précédente assemblée), ambitions qui n’étaient en phase qu’avec leur résultat aux sénatoriales. Que la gauche n’apparaisse pas unie est la pure démonstration qu’à l’étranger aussi, elle n’a plus de boussole, sans même parler de valeurs. Qui, à gauche, soutiendra qu’une alliance avec EELV-LREM-UDI d’un côté et PS-LR de l’autre est finalement « normale », même dans un système électoral aussi pervers que celui de cette assemblée ?
Inversement, l’indépendance – mais cela vaut aussi pour les partis de convictions (prétendues dans tous les cas) – a un coût. Elle peut entraîner isolement et perte de responsabilités, des postes qui sont avant tout au service des Français de l’étranger.
A quel moment les convictions cèdent-elles au pragmatisme ? La fin justifie-t-elle les moyens ? Demain, quand chacun aura réalisé son examen de conscience, pourrons nous dire que nous avons fait le meilleur choix possible, ou contenterons-nous nous du moins pire ? Parvenir à un compromis, est-ce se compromettre ?
Autant de questions ouvertes et de certitudes que cette assemblée aura bousculé. Mais selon l’adage espagnol, il faut donner du temps au temps (« darle tiempo al tiempo »)… Lui seul nous dira si le meilleur choix a été fait pour nos compatriotes à l’étranger.
En attendant, nous adressons nos sincères félicitations aux nouveaux élus, à la nouvelle présidente, aux vice-présidents et à l’ensemble des élus AFE qui n’ont pas compté leurs heures cette semaine pour défendre leurs positions, quelles qu’elles soient. Cette élection clôt un cycle électoral propre aux Français de l’étranger qui nous permettra – on ne peut que l’espérer – de se concentrer uniquement sur ce qui est important : non la conquête du pouvoir – si tant est que l’on puisse l’appeler ainsi – mais son exercice, au service des Français établis hors de France.
Excellentes fêtes de fin d’année à tous,
L’équipe de l’ASFE